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ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ
Les défis de l’urbanisation, le fardeau insoluble des migrants, la rémanence des corruptions, la pollution et les écarts de revenus constituent les principales implications sociales et forcément politiques de l’évolution de la Chine.
Les prévisions officielles indiquent qu’en 2020 60% de la population chinoise sera urbaine. Mais beaucoup craignent que cette bascule ne constitue un bouleversement dangereux, entraînant des expropriations porteuses de tensions, en même temps que des pénuries d’eau, de logements, de services publics, et un accroissement de la pollution. « Si l’urbanisation se traduit par la spoliation de paysans et le détournement de terres arables, elle sera un facteur d’instabilité sociale », martèle Chen Xiwen, président du groupe dirigeant des réformes rurales.
La persistance du Hukou, que le pouvoir hésite à supprimer, perpétuant l’existence précaire des migrants mal intégrés, bombe à retardement sociale et politique, est dans toutes les têtes. Yao Jianfu chercheur en retraite se demande si « les 200 millions de migrants deviendront la masse de manœuvre de la prochaine révolution culturelle ? »
C’est la raison pour laquelle le pouvoir, qui s’efforce d’anticiper, envisage d’investir 6000 Mds de $ dans le processus d’urbanisation qui propulsera 400 millions de ruraux vers les centres urbains dans les 10 prochaines années. Il a aussi créé 12 millions d’emplois urbains, poussé à une augmentation moyenne des salaires de 20% en 2012, construit 6 millions de logements sociaux, et mis en chantier une autre tranche de 6 millions, pour 2013. Prudent, il a également augmenté le budget alloué aux forces de sécurité – 124 Mds de $ -, qui, pour la troisième année consécutive, dépasse celui des forces armées (114 Mds de $).
En même temps que l’urbanisation, qui, bien gérée, pourrait devenir un formidable facteur de développement humain, capable de multiplier la consommation domestique, la Chine doit faire face à de graves problèmes écologiques (pollution de l’air et des rivières) dont les experts évaluent les dommages à près de 4 points de PNB. A Pékin, en mars, la 12e ANP a prévu d’engager 16 Mds de $ sur trois ans pour tenter d’améliorer la qualité de l’air.
Enfin, dernier défi à la fois socio-économique et politique, les écarts de richesse et la persistance des corruptions qui firent l’objet de nombreux discours durant la 12e ANP. Xi Jinping l’a répété, il s’attaquera aux « mouches », mais également aux « dragons », aux petits, comme aux puissants.
Les doutes subsistent pourtant sur la réalité de cette détermination, puisque le 24 mars, 4 manifestants ont été arrêtés par la police à Pékin non loin de Zhongnanhai, pour avoir déplié une banderole où ils exprimaient leur méfiance : « tant qu’on n’aura pas mis en prison les officiels corrompus, le “rêve chinois“ restera un fantasme ». Sur internet un appel pour la publication des fortunes des dirigeants a été bloqué, tandis que, dans plusieurs métropoles chinoises, des activistes ont été détenus par la police pour avoir tenté de récolter des signatures pour une pétition anti-corruption. L’ensemble de ces symptômes suggèrent pour le moins une volonté politique hésitante.