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›› Politique intérieure

4e plenum : la « Longue Marche » vers le Droit

La Commission Centrale de Discipline sur la sellette.

Photo : Le 29 septembre dernier au Grand Palais du Peuple à Pékin, le Président Xi Jinping avait rassemblé les anciennes et nouvelles figures du Parti, à l’occasion du 65e anniversaire de la République Populaire pour assister à un concert intitulé « La belle Chine, notre beau rêve ».

De gauche à droite Wang Qishan, Yu Zhengsheng, Li Keqiang, Xi Jinping, Jiang Zemin, Zhang Dejiang, Liu Yunshan et Zhang Gaoli. Derrière Xi Jinping on devine Li Peng, à sa droite Li Lanqing, ancien Vice-premier ministre. A sa droite He Guoqiang, prédécesseur de Wang Qishan à la Commission de discipline. Derrière Wang Qishan à gauche, Wang Hunning, ancien Secrétaire Général du Comité Central et conseiller spécial de Xi Jinping pour les Affaires internationales.

Sur le sujet précis de la Commission Centrale de Discipline, les commentaires ne manquent pas. Ils émanent des personnalités les plus autorisées en Chine même : Zhan Zhongle professeur de droit à l’Université de Pékin, affirme qu’il est nécessaire de réexaminer le fonctionnement la Commission pour mettre fin à l’intrusion du politique dans le judiciaire que Zhou Yong Kang avait personnifié. Xu Xin, un autre professeur de droit à l’Université de technologie de la capitale, va même jusqu’à dire que « les errements actuels de la Commission » expriment la contradiction de « combattre efficacement la corruption et d’affaiblir le droit. »

C’est pourquoi il estime qu’il est « impératif » de la réformer, voire même de la « supprimer » au niveau local, tout en redéfinissant son rôle central. Quant à Ji Wendong, il suggère de la transformer en Comité de coordination des Affaires législatives. Avec Xu Xin, enfin, il conseille de regrouper sous un même « chapeau » toutes les missions anti-corruption, aujourd’hui éclatées entre la Commission Centrale de Discipline, les avocats généraux, les organismes en charge des pétitions et le Bureau National des audits.

Vers une meilleure gouvernance. Doutes sur Zhou Yongkang.

Au milieu de ces remises en question de fond qui continueront à alimenter les débats internes au régime, dont le public ne connaîtra pas toujours les acteurs et les péripéties, le Parti a, par un long communiqué de Xinhua du 23 octobre, fait connaître les réformes qu’il envisage de mettre en œuvre. En même temps, a surgi un trouble à propos de la situation de Zhou Yong Kang.

Alors qu’en septembre, le Parti semblait avoir définitivement statué sur le sort de l’ancien responsable de la sécurité d’État et qu’un article du Quotidien du Peuple l’avait même moralement exclu du Parti : « Personne n’est étonné qu’il ait été mis en examen. Il n’est déjà plus notre camarade », le plenum est resté muet sur le sort de l’ancien n°9 du Comité Permanent. Logiquement, le silence du Comité Central a déclenché une avalanche de rumeurs sur l’occurrence politiquement très régressive que constituerait la protection de Zhou par le clan des responsables à la retraite.

Un vaste chantier légal, mené à bien sous la direction du Parti.

Le communiqué de Xinhua du 23 octobre ouvre à n’en pas douter un chantier d’une ampleur considérable touchant au pouvoir des appareils locaux, au fonctionnement de la bureaucratie et à son éthique.

Il insistait d’abord sur les limites désormais fixées à l’influence sur les tribunaux des cadres locaux dont les performances administratives seront également jugées en fonction de leur capacité à respecter et à faire respecter le droit ; une attention plus grande sera portée à la transparence des décisions et à leur légitimité technique, sociale et politique, tandis que les responsables qui en furent à l’origine pourront être incriminés sans prescription durant toute leur vie. Enfin l’Assemblée nationale est exhortée à peser plus pour que le pays soit gouverné « conformément à la Constitution. »

Les modalités de mise en œuvre de ces décisions seront rendues publiques dans les mois qui viennent par des décrets d’application distillés par le gouvernement. Il pourrait s’agir entre autres de couper toute relation des tribunaux de provinces et de districts avec les administrations locales pour les placer administrativement sous le contrôle des juridictions de niveau plus élevé ; de réduire les pouvoirs des fonctionnaires locaux en réduisant le nombre des domaines soumis à leur approbation administrative source de nombreuses corruptions ; d’améliorer la supervision des budgets des provinces et de leurs emprunts.

Mais, en même temps, revenant à la contradiction fondamentale du régime, Xinhua, insistait pesamment sur le rôle dirigeant du Parti rappelé pas moins de 18 fois dans le communiqué, comme s’il craignait que les progrès du droit ne fragilise son magistère.

La difficile construction d’un État de droit

Deux exemples concrets choisis parmi de nombreux autres donnent la mesure de la complexité de la tâche que le parti s’assigne à lui-même alors qu’il refuse de subordonner sa légitimité à la conception occidentale de la prévalence du droit. Le 23 septembre dernier, cette inflexibilité dont le régime n’est pas près de se départir s’est traduite par la condamnation à la prison à vie de l’intellectuel Ouiïghour Ilham Tohti au cours d’un procès à Urumqi où le pouvoir politique a lourdement fait peser son influence. Lire notre article Condamnation à la prison à vie d’un intellectuel ouïghour.

Résistances des cadres locaux.

La première incidence exprimant la difficulté de faire accepter l’idée de l’indépendance de la justice d’autant plus difficile à mettre en œuvre que le Centre ne s’y conforme pas lui-même, a eu lieu à peine quelques jours avant le plenum dans le district de Huarong au Hunan. Le 17 octobre, ignorant une interdiction formelle diffusée par le Parti et le procureur général en 1988, les fonctionnaires locaux ont organisé une parade publique de 24 condamnés portant des pancartes avec leur nom et les crimes pour lesquels ils avaient été condamnés quelques jours plus tôt par la cour locale. Les condamnés furent exposés à bord de camions sur une place publique où étaient rassemblés plusieurs milliers de curieux.

Zhou Yongkang protégé par les « Anciens ».

Le deuxième exemple est encore plus préoccupant puisqu’il touche à la lourde influence rémanente des anciens du Parti à qui la culture consensuelle de l’appareil enracinée dans l’histoire et le respect culturel du aux plus âgés, confèrent un poids considérable. Tout indique en effet que la marque des anciens a fait pression sur l’appareil avant le plenum à propos de Zhou Yongkang. L’avenir dira à quel point cette intrusion fera obstacle à la condamnation officielle de l’ancien chef de la sécurité publique ou si l’épisode n’aura fait que la retarder.

Alors qu’une investigation est en cours contre Ling Zhengce et son frère Ling Jinghua ancien proche de Hu Jintao, lui-même déjà sur la sellette depuis 2012 et exilé au département du front uni ; tandis que le Comité Central a officiellement entériné les décisions d’exclusion du Parti de Li Dongsheng, n°2 de la sécurité publique, de Jiang Jiemin, ancien PDG de CNPC, le fief de Zhou Yongkang, de Li Chuncheng, ancien n°2 de la province du Sichuan un autre fief de Zhou et de Wan Qingliang ancien Secrétaire général du Parti de la province de Canton, le plenum est resté muet sur le cas Zhou Yongkang.

Les raisons de ce retard ne sont pas établies, mais la rumeur court que Jiang Zemin, inquiet des accusations qui pèsent sur lui-même et sur plusieurs autres personnalités de premier rang comme Zeng Qinghong, l’ancien président de la République et Jia Qingling, ancien n°4 du Parti et président de la Conférence Consultative du Peuple Chinois, en aurait directement appelé à Xi Jinping pour freiner la campagne contre la corruption et épargner Zhou Yongkang.

Il est peu probable que Xi Jinping ait apprécié la manœuvre de Jiang, même s’il lui doit sa promotion en 2007. Pour l’instant cependant, la haute direction du régime a ostensiblement tenté de donner l’image de la cohésion. Le 29 septembre dernier, au Grand Palais du Peuple à Pékin, anciens et nouveaux étaient en effet tous rassemblés à l’occasion du 65e anniversaire de la République Populaire pour assister à un concert intitulé « La belle Chine, notre beau rêve. »

Une « Longue Marche » encombrée de chausses trappes.

Les péripéties autour du 4e plenum expriment la difficulté des réformes et renvoient aux chausses trappes sur la route de la direction politique engagée dans une lutte féroce contre la corruption. Réticente à instaurer la prévalence du droit dont elle craint à juste titre l’effet déstabilisateur pour le magistère du Parti, cette génération tente au moins de promouvoir une meilleure gouvernance, plus d’éthique, un rôle accru des assemblées et une indépendance minimum de la justice au moins au niveau local.

Pour une note d’avenir plus optimiste on laissera le mot de la fin à Li Cheng, l’un des plus fins connaisseurs du système chinois, né à Shanghai, chercheur à la Brookings et Directeur aux États-Unis du Comité National chargé se suivre les relations sino-américaines pour la Maison Blanche.

Pour lui, la Chine qui pour la première fois a consacré un plenum aux questions de droit, s’est placée sur une route certes longue et difficile, mais vertueuse : « La promotion de l’État de droit par le 4e plenum ne placera pas d’un coup le Parti sous la prééminence du droit. Mais nous assistons au début d’un combat pour la prévalence de la constitution. »

Avec le sort réservé à Zhou Yongkang, il y a quelques mois à peine montré du doigt par l’appareil et le Quotidien du Peuple, mais dont le destin semble aujourd’hui à nouveau en suspens, nous saurons assez vite si Li Cheng s’est montré exagérément optimiste, au moins pour le moyen terme.


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