Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

 Cliquez ici pour générer le PDF de cet article :

›› Société

Turbulences dans le ciel chinois

Tout se passe comme si l’ouverture de la Chine lui attirait les inconvénients qui, chez nous, agacent déjà les tenants d’un contrôle plus strict du droit de grève et des effets pervers du libéralisme économique. La grève est un mode d’action encore largement tabou en Chine et rares sont les ouvriers qui, malgré les conditions de travail difficiles, se lancent dans ces aventures qui se terminent toujours mal pour eux.

C’est pourtant le mode d’action qui vient d’être choisi par de nombreux pilotes de plusieurs compagnies aériennes chinoises. Le conflit se nourrit de la libéralisation progressive du trafic aérien, qui génère des effets négatifs, attendus par les spécialistes, mais difficiles à gérer. L’affaire, qui couve depuis deux années, a fait grand bruit dans les médias, après que les responsables aient d’abord nié le problème.

Le 31 mars et le 1er avril derniers 21 vols de la filiale yunnanaise de China Eastern qui, en 1999 avait signé des accords avec Air France pour le partage du marché, la maintenance et la formation des équipages, ont du être reportés, les pilotes rebroussant chemin, sous prétexte de mauvaises conditions atmosphériques. Le 14 mars, 40 pilotes de Shanghai Airlines avaient déjà refusé de prendre l’air, prétextant des problèmes de santé. L’affaire a fait tâche d’huile puisque deux semaines plus tard 11 pilotes de Wuhan East Star Airlines se faisaient porter pâles.

Les revendications concernent surtout les salaires et les horaires de travail bien moins favorables que ceux des pilotes qui opèrent sur les lignes principales du trafic aérien chinois et surtout à l’étranger (plus de 900 heures par an pour les pilotes chinois contre 600 pour les grandes compagnies internationales). Cette charge de travail est le résultat de l’explosion du trafic aérien depuis 2003, date qui coïncide aussi avec l’ouverture du marché aux transporteurs privés, une situation qui ajoute aux pressions sur les compagnies qui se disputent une ressource de pilotes limitée.

Evidemment - et c’est un effet de l’ouverture - dans ces compagnies qui coopèrent avec des opérateurs internationaux ayant pignon sur rue, la comparaison avec les conditions faites aux pilotes étrangers est également de nature à augmenter les frustrations. Les autorités de l’Aviation Civile sont cependant d’autant moins disposées à céder aux pressions que les salaires des pilotes, il est vrai très en dessous des standards des grandes compagnies occidentales, sont tout de même très confortables - parfois deux à trois fois celui d’un directeur d’usine ou d’un technicien de haut niveau dans les autres secteurs. Ils peuvent aller jusqu’à 8.000 euros par mois -.

++++

Les responsables des compagnies aériennes, mis sur la sellette par ce surgissement dans le ciel chinois de querelles au parfum occidental, aggravées par la croissance rapide du marché chinois (d’ici 2010 l’Aviation Civile Chinoise ouvrira plus de 700 nouveaux vols) ont d’abord nié le problème, puis hésité à prendre des sanctions. Il semble cependant que plusieurs responsables de China Eastern Yunnan aient été relevés de leurs fonctions, tandis que les pilotes auraient été mis à pied, sur intervention des autorités de l’Aviation Civile chinoise.

Mais l’affaire n’est pas simple. Le marché intérieur explose et donne naissance à de nombreuses compagnies privées qui surpayent les pilotes pour recruter les meilleurs à la sortie des formations et pratiquent de sévères dumpings sur le prix des billets - ce qui gène beaucoup les grandes compagnies d’Etat - . Pour les pilotes, parfois éblouis par des offres très alléchantes, la bascule d’une compagnie à l’autre n’est cependant pas aisée. Après leur formation, ils signent en effet un contrat d’exclusivité de 99 ans et doivent payer des compensations qui dépassent 200 000 euros en cas de départ. Une rigidité qui est peut-être à la racine des frustrations.

Toute cette effervescence renvoie à la situation très tendue du marché des pilotes qualifiés en Chine : selon les prévisions officielles, d’ici deux ans la flotte de l’aviation civile chinoise, qui tente de s’adapter à l’explosion du marché, devrait compter plus de 1.000 appareils supplémentaires, ce qui accroîtra encore la pression sur la ressource en pilotes et les besoins en formation, dont les spécialistes doutent qu’elle sera en mesure de répondre à la demande, prévoyant pour 2010 un déficit de 3000 pilotes.

 

 

Suicide d’une interne à l’hôpital public

[8 avril 2024] • Jean-Paul Yacine

Orage nationaliste sur les réseaux sociaux

[20 mars 2024] • Jean-Paul Yacine

Réseaux sociaux : La classe moyenne, l’appareil, les secousses boursières et la défiance

[19 février 2024] • François Danjou

L’obsession des jeux d’argent et les proverbes chinois

[19 janvier 2024] • La rédaction

Les tribulations immobilières de Liang Liang et Li Jun

[2 décembre 2023] • Jean-Paul Yacine