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›› Taiwan

Le chassé-croisé des relations entre Pékin, Washington et Taipei

Les relations dans le triangle Pékin, Washington, Taipei sont, on le sait, traversées par d’incessantes tensions qui alternent avec les périodes d’apaisement, sur fond de non-dits et d’arrières pensées.

Il y a une année, quand le pouvoir indépendantiste à Taiwan tentait d’organiser un référendum sur l’indépendance de l’Ile au risque de créer de dangereuses tensions dans le Détroit, la Chine, oubliant son souci d’écarter de Taiwan toute ingérence étrangère, et uniquement préoccupée d’exercer une pression efficace sur les élites politiques du parti indépendantiste, se rapprochait des Etats-Unis, eux aussi désireux d’éloigner le spectre d’un conflit.

Aujourd’hui, l’équation est en apparence inversée. Pékin, excédé par la reprise des ventes d’armes américaines à Taipei, durcit le ton face à Washington, tout en continuant à développer un discours apaisant à l’égard du nouveau pouvoir à Taiwan et de ses requêtes, que le Parti communiste donne l’impression de vouloir satisfaire au moins en partie. Mais rien n’est plus instable que la relation à trois dans le Détroit, menacée par les lobbies politiques internes aux Etats-Unis et à Taiwan, les arrières pensées stratégiques de Washington et de Tokyo, la quête obsessionnelle de la Chine pour un retour de Taiwan dans son giron et les positions arc-boutées des radicaux de la réunification qui, à Pékin, ont tendance à considérer la moindre concession aux aspirations d’identité de l’Ile comme une trahison et une menace pour l’unité nationale.

Passant outre les mises en garde chinoises, le gouvernement des Etats-Unis a, le 3 octobre dernier, présenté au Congrès un projet de vente d’armes à Taiwan pour une valeur de 6,5 milliards de dollars. Le contrat est une reprise de propositions datant de 2001 et bloquées par les difficultés politiques du pouvoir à Taiwan, incapable de trouver un accord pour le budget. Les principaux équipements figurant sur la liste présentée au Congrès sont des systèmes de radars et de missiles anti-missiles PAC 3 de dernière génération, des hélicoptères d’attaque Apache avec leur système logistique, un contrat de remise à niveau des avions de surveillance E-2T et des pièces détachées pour les chasseurs F.16 de l’armée de l’air.

Dès le 6 octobre la Chine réagissait en annulant une série de rencontres militaires prévues avec les Etats-Unis, dans le cadre des échanges de défense entre les deux pays. Le 14 octobre le Général Liang Guanglie, ministre de la Défense et n°4 de la Commission Militaire Centrale, demandait à Washington de « renoncer immédiatement à ses ventes d’armes à Taiwan et de respecter ses engagements dans le Détroit », précisant que « les ventes d’équipements militaires à l’Ile étaient un obstacle au développement des relations de défense et aux rencontres de haut niveau ». Depuis une année la Chine et les Etats-Unis avaient augmenté le rythme de leurs échanges entres les forces armées, dont le contenu est il est vrai assez formel, tandis qu’un « téléphone rouge » destiné à éviter un dérapage militaire entre les deux pays avait même été installé.

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La réaction prévisible de Pékin jette un froid. Mais il est probable que la brouille ne durera pas bien longtemps, tant il est vrai que l’appareil militaire chinois est intéressé par ces échanges avec la première puissance militaire de la planète, tandis que les Etats-Unis, qui craignent autant que Pékin un dérapage militaire dans le Détroit, tenteront toujours de maintenir un minimum de contacts avec l’A.P.L. Plus largement, la présence du Président Bush à la cérémonie d’ouverture des JO a confirmé la volonté des Etats-Unis de dépasser les querelles politiques, même si la Maison Blanche a plusieurs fois tenu à rappeler les manquements aux droits de l’homme de la Chine. Sur les questions économiques la relation s’est nettement améliorée. Le 25e anniversaire de la Commission pour le commerce bilatéral a été marqué par des accords sur la sécurité alimentaire, sur la télévision numérique et des perspectives de coopération sur les statistiques agricoles et commerciales. Dans la crise financière la Chine, dont une part importante des réserves est libellée en dollars, a mesuré ses critiques à l’égard de Washington. Ce qui ne l’a pas empêché de marquer ses réticences à l’égard du plan de sauvetage américain qu’elle juge inefficace à long terme et générateur d’inflation.

Dans le même temps, l’embellie des relations entre Pékin et Taipei, commencée avec l’élection de Ma Ying Jeou, continue au moins en apparence. Les dirigeants à Taipei et Pékin mettent en œuvre (ou s’apprêtent à le faire) les promesses de développement des relations bilatérales (vols directs, levée des restrictions d’investissements taiwanais, ouverture de l’Ile au tourisme chinois), en dépit de fortes critiques internes à Taiwan. Dans les semaines qui viennent, la visite dans l’Ile de Chen Yulin, responsable des relations avec Taiwan au sein du PC chinois, devrait permettre la conclusion d’une nouvelle série d’accords.

Comme pour donner une marge de manœuvre au KMT, critiqué à Taiwan pour les ouvertures inconsidérées faites à la Chine, les autorités à Pékin ont engagé un débat, qui n’est peut-être qu’une manœuvre tactique, sur la manière de répondre aux attentes de Ma Ying Jeou pour une plus grande autonomie internationale. Rien ne dit que ces réflexions - réelles ou factices - déboucheront sur des décisions satisfaisantes pour le Président taiwanais, qui compte peut-être beaucoup trop sur la bienveillance de Pékin et une hypothétique reconnaissance d’un meilleur statut international de l’Ile par la Chine, pour rétablir son image intérieure, malmenée par les sondages.

Il est vrai que le Président Ma est aussi placé sous les feux des critiques du parti indépendantiste qui, désireux de redorer son blason, accuse le KMT de « brader l’Ile à la Chine », par une ouverture unilatérale dangereuse vers Pékin qui, en retour ne fait, à ce stade, aucun effort visible pour réduire le nombre de missiles braqués sur l’Ile ou accorder un statut international à Taiwan. Dans ce combat pour rehausser la situation diplomatique de l’Ile, en quête d’une identité politique différente de la Grande Terre, il n’est pas certain que les élites à Washington, qu’elles soient démocrates ou républicaines, toutes attachées au statu quo, et de plus en plus conscientes de l’importance stratégique de la Chine, puissent être d’un réel secours pour le président taiwanais.

 

 

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