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›› Economie

Très sollicitée, la Chine ménage ses intérêts et tente de se libérer du piège dollar

A la tête de 2000 milliards de dollars de réserves, ayant mis en œuvre le plus gros plan de relance économique de la planète, la Chine s’est présentée au dernier sommet du G.20 à Londres dans une position de force, tandis que les experts s’interrogeaient sur la disponibilité de la Chine à accroître son rôle économique mondial et que les grands acteurs économiques du monde semblaient considérer que les formidables réserves chinoises pourraient jouer le rôle de bouée de sauvetage planétaire.

En même temps, les déclarations du Directeur de la Banque centrale chinoise sur la nécessité de créer une monnaie de réserve indépendante du Dollar et sur l’importance de donner aux économies émergeantes et au FMI un rôle accru dans la gestion des finances mondiales, ont initié des commentaires sur la volonté chinoise d’affirmer enfin son influence, en dehors de - sinon contre - celle des Etats-Unis, auxquels son économie et sa monnaie sont très liés.

S’il est vrai que les signes de la puissance financière chinoise sont évidents, dans un contexte de marasme général, - désormais trois des 10 premières banques mondiales sont chinoises - les avancées de Pékin à l’occasion du G20 ont surtout touché à la relation entre le Yuan et le Dollar, qui à l’évidence, constitue une casse tête angoissant pour les autorités, forcées de soutenir la monnaie américaine et son économie, sous peine de voir fondre leurs réserves.

Dans ce contexte, il existe un certain nombre de raisons de croire que Pékin tente de se libérer du piège du dollar dans lequel l’histoire, les circonstances et la situation de l’économie mondiale calibrée autour du billet vert, qui libelle toujours 70% des réserves de la Banque de Chine, l’ont enfermée. En même temps, Pékin pourrait bien avoir commencé à tester la convertibilité de sa monnaie.
Récemment en effet la Banque de Chine a signé avec six pays des accords permettant de libeller les transactions commerciales, non pas en dollars, mais en Yuan ou dans la monnaie de leur pays. Selon ces accords, les banques centrales de Hong Kong, d’Indonésie, de Malaisie, de Corée du Sud, de Biélorussie et d’Argentine sont autorisées à changer la monnaie locale en Yuan, tandis que les importateurs peuvent utiliser leur monnaie nationale pour payer leurs achats en Chine. Certes, on est encore loin d’une convertibilité complète de la monnaie chinoise, mais ces initiatives pourraient bien être les premiers pas importants vers la transformation du Yuan en monnaie globale.

A côté de cette initiative, ayant sans doute une valeur de test, qui survient bien plus tôt que la plupart des experts ne l’attendaient, Pékin se signale surtout pas sa prudence, même si, ici et là, les commentateurs chinois ont laissé échapper quelques critiques adressées aux Etats-Unis et aux dérapages du système financier mondial, toujours articulé autour des intérêts occidentaux. Mais le fait est que l’espoir que la consommation intérieure chinoise prenne le relais des exportations étant encore très loin de se réaliser, l’intérêt stratégique de Pékin reste pour l’instant lié au rétablissement rapide de l’économie américaine, son principal client et débiteur.
Les circonstances limitent considérablement la marge de manœuvre des stratèges financiers chinois qui, au-delà des déclarations, continuent à agir avec prudence pour protéger les équilibres existants. Souvent Pékin fait même preuve de parcimonie, dès qu’il s’agit de mettre la main à la poche pour augmenter la contribution chinoise aux institutions internationales.

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Il est vrai que les responsables chinois, tenant compte du troisième rang mondial de leur économie, militent pour une influence plus grande au FMI. Mais dès que les négociations abordent la question de la contribution financière accrue de la Chine, homothétique de l’influence nouvelle qu’elle réclame, les émissaires de la Banque de Chine, dont le raisonnement a été repris par Wang Qishan en amont du sommet, renvoient leurs interlocuteurs à la faiblesse du PIB chinois par habitant, qui, en effet, classe leur pays, non plus au top des économies mondiales, mais au rang de la Bolivie, du Maroc, de l’Inde ou de la Syrie.

Pour mémoire, l’économie chinoise qui a dépassé l’Allemagne en 2007, pèse plus de 5% dans le monde, tandis que son actuelle contribution au FMI est inférieure à 4%. Ces chiffres sont loin de ceux des Etats-Unis, dont le poids économique dépasse les 25%, avec une contribution au FMI de près de 17%. Les négociations prennent la même tournure quand on aborde le chapitre de la contribution de Pékin au budget des Nations Unies (2%) à comparer aux 25% payés par les Etats-Unis.

Il y a, dans cette prudence de maquignon, comme une volonté de minimiser une puissance devenue trop voyante et un signe que Pékin ne veut pas se laisser entraîner trop vite et trop loin dans le rôle de banquier de la planète financière malade. Récemment un article du China Daily destiné aux étrangers et essentiellement aux ambassadeurs occidentaux, rappelait que « l’économie chinoise n’était pas aussi solide et florissante que certains voulaient le croire ». Dans le même temps un économiste chinois répétait qu’en renflouant d’abord sa propre économie, la Chine contribuait également beaucoup à aider l’économie globale.

« On est jamais aussi bien servi que par soi-même », ou « aide toi et le Ciel t’aidera » semble penser la direction à Pékin, surtout préoccupée de multiplier ses sources d’approvisionnement, de développer ses marchés et de saisir les occasions offertes par la crise. Aujourd’hui, en effet, toujours en quête d’énergie, de ressources, de technologies, mais aussi de « cibles » pour ses vastes ressources financières, la Chine affirme ses appétits qui semblent excités par les opportunités de la crise.

Les entreprises chinoises d’Etat ou privées, disposant d’abondants capitaux et aidées par des prêts préférentiels des banques nationales, achètent partout des ressources et de l’énergie, tandis qu’un fond spécial a été créé pour aider au rachat des entreprises étrangères en difficulté, avides d’argent frais. Récemment, une délégation d’officiels et de 300 hommes d’affaires, conduite par le ministre du commerce Chen Deming, a investi près de 13 milliards de dollars en Europe. On se souvient aussi de l’offre de près de 20 milliards de dollars de Chinalco pour entrer dans le capital du géant minier Anglo-australien Rio Tinto. Dans le même temps, les contrats pétroliers signés en Afrique, en Iran, au Moyen Orient, en Russie, au Soudan, en Amérique du Sud étendent et renforcent les réseaux chinois sur toute la planète.

 

 

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