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›› Economie

Les consommateurs et le Quotidien du Peuple s’inquiètent de la hausse de l’immobilier

Le Quotidien du Peuple est, on le sait, l’organe du Parti, utilisé pour diffuser la doctrine officielle du régime, à la fois instrument de propagande et gardien austère de l’orthodoxie. On connaît ces longs articles ambigus jusqu’à l’opacité, truffés de formules toutes faites, parfois contradictoires, que les exégètes analysent à l’infini pour y détecter les subtiles inflexions de la doctrine ou, mieux encore, les luttes de pouvoir, dont les indices percent parfois au détour d’une phrase. Aujourd’hui le but est le même. Les mantras officiels, monotones et sévères, sont toujours là. On s’interroge encore sur les indices de rivalités internes.

Mais, la version « online », a imposé un nouveau style, plus concret et plus pédagogique, en prise directe avec la société, dont les réactions servent d’exemple aux mises en garde du Parti, inquiet des dérapages sauvages de l’économie et de leurs conséquences.

Alors que le 17e Congrès avait mis l’accent sur la nécessité de replacer le développement humain au centre des préoccupations du Régime, on s’inquiète en haut lieu des effets pervers de la spéculation immobilière sur le moral des citadins, qui reste un des éléments cruciaux de la stabilité sociale et politique du pays. Ce malaise a récemment donné lieu à un article pris sur le vif, publié dans la version « online » du Quotidien du Peuple. Son but était de proposer une image réaliste des effets pervers des plans de relance.

On y lit notamment que Shen Zhouwei, 28 ans, travaillant dans une société d’Etat, se plaignait amèrement de l’explosion des prix de l’immobilier, au point que, pour lui, l’achat d’un appartement était soudain devenu un rêve irréaliste. Suit un décompte probablement sous-évalué des prix des appartements à Pékin. Alors que l’année dernière, Mr Shen aurait pu devenir propriétaire d’un petit appartement pour 100 000 euros, il lui faudrait aujourd’hui avancer plus de 150 000 euros pour un minuscule deux pièces d’occasion dans la banlieue de Pékin, dont les prix augmentent aussi vite que ceux du centre ville.

L’article précise que, selon une récente étude de la Banque de Chine, 65% des habitants, interrogés dans 50 villes chinoises, jugeaient que les prix des appartements avaient atteint un niveau inacceptable, d’autant que les prix continuaient à grimper au rythme annuel de près de 12%. Wang Ke, un autre consommateur, employé d’une société informatique, pris à témoin par le China Daily, estimait qu’il était devenu « l’esclave » de la bulle immobilière, puisqu’il destinait 50% de ses revenus au remboursement de ses emprunts pour l’achat d’un appartement.

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Le problème est que la montée des prix de l’immobilier, surveillée du coin de l’œil par le gouvernement inquiet des conséquences sociales, est un effet direct des plans de relance destinés précisément à redonner vigueur à un secteur atone. Dans un contexte, où les exportations restent encore faibles, en dépit de quelques signes de reprise en Europe et aux Etats-Unis, le coup de fouet donné au secteur de la construction est encore le moyen le plus efficace d’une reprise rapide.

La libération du crédit a donc permis d’éponger les stocks d’appartements invendus, condition essentielle de la reprise des investissements immobiliers. La manœuvre a réussi au-delà des espérances du pouvoir et des promoteurs, puisque le stock des appartements disponibles a diminué de plus de 30% en quelques mois. Un succès, dont le consommateur chinois paye le prix. Le redressement est en partie du aux investissements détournés des grands groupes d’Etat qui, encouragés par la politique de crédit facile, y ont vu un moyen rapide et efficace de faire des plus values et du « cash ». Dans les mois qui viennent et probablement encore en 2010, il est peu probable que le gouvernement, pris entre ses objectifs sociaux et la nécessité de la relance, fasse machine arrière. Le crédit facile continuera donc de pousser les prix vers le haut. Si le Parti entend rester fidèles aux objectifs sociaux du 17e Congrès, il devra veiller à ce qu’ils ne dérapent pas vers des sommets dangereux pour la paix sociale.

On dira avec raison que cette petite enquête sur le tas du Quotidien du Peuple ne soulève pas une controverse politique majeure. Vue sous l’angle social, la hausse des prix de l’immobilier n’est pas non plus une nouveauté. L’intéressant est l’évolution de la version internet du journal, qui utilise ce vecteur pour rappeler de manière oblique les objectifs de développement humain du 17e Congrès, que la crise avait fait passer à l’arrière plan. En somme, l’organe du Parti pose une contradiction dans laquelle le Régime s’est enfermé.
Comment en effet concilier la nécessité de la relance rapide pour retrouver à tout prix les chiffres rassurants de la croissance, dont le Parti tire sa légitimité, avec les attentes d’une classe moyenne qui forme les gros bataillons du Parti, découvrant les joies de la propriété, et qu’il serait dangereux de contrarier.

 

 

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