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›› Société

Les effets pervers du contrôle des populations

Alors que les dernières appréciations du Conseil d’Etat font état d’une consolidation de la reprise, tandis que la plupart des analystes estiment que la croissance 2009 sera supérieure à 8%, et que les statistiques signalent l’augmentation du nombre des grosses fortunes, Hu Xingdou, professeur d’économie à l’Institut de Technologie de Pékin, intervient sur le site « Open Economy » pour faire le point des blocages sociaux qui handicapent l’éradication de la pauvreté.

Ces observations accompagnent les commentaires aigres des internautes chinois qui stigmatisent les contradictions du développement et réagissent avec ironie à la progression de la Chine au rang de deuxième puissance économique mondiale ainsi qu’à la publication de la liste des milliardaires, dont le nombre se rapproche de celui des Etats-Unis : « un pays dont la population est pauvre ne peut pas entrer dans la catégorie des pays riches » ou encore « 0,4% de la population détient 70% de la richesse (...) les villes ressemblent de plus en plus à celles de l’Occident, tandis que les campagnes continuent de ressembler à l’Afrique ».

Selon Hu Xingdou, la plupart des obstacles qui tendent à figer la situation des plus pauvres sur plusieurs générations sont liés aux mesures de contrôle de la population destinées à freiner l’exode rural, et à prévenir la délinquance ou les troubles sociaux. Les autres facteurs sont les inégalités du système éducatif, la préférence accordée aux entreprises d’Etat, l’inadéquation du système fiscal, une mauvaise redistribution des richesses et la pauvreté des moyens d’expression et de revendication à la disposition des plus défavorisés.

Les Chinois ne peuvent toujours pas circuler librement dans leur propre pays. Chaque déplacement de longue durée exige des documents justificatifs et l’enregistrement auprès des fonctionnaires locaux - gouvernement du district à la campagne, l’unité de travail ou le commissariat à la ville -. S’il est vrai que les ruraux ont le droit de venir travailler dans les zones urbaines, la paperasse reste contraignante et rarement en règle. Quand ils ont mieux à faire les policiers ferment les yeux. Mais s’ils sont désœuvrés, ou s’ils cherchent à arrondir leurs fins de mois, ils deviennent pointilleux et verbalisent pour défaut de permis de résidence, travail illégal, non respect des règles d’hygiène etc.
Le plus grave est que sans permis de résidence - Hukou -, les migrants perdent leurs droits aux soins et à la scolarisation gratuite des enfants. Ces derniers ont alors 4 fois moins de chances d’accéder à l’université que la progéniture des travailleurs urbains. Si on les compare aux enfants des cadres du parti, le rapport des chances n’est plus de 1 à 4, mais de 1 à 30. C’est ainsi que par le truchement des rigidités du contrôle social, les inégalités sociales (éducation, santé) se perpétuent au fil des générations.

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Le système bancaire chinois est également une source de grippage des ascenseurs sociaux, puisque les petites et moyennes entreprises sont laissées pour compte. S’il est vrai qu’il existe des organismes de crédit adaptés aux campagnes, le système reste globalement articulé autour de puissantes banques publiques qui privilégient les prêts aux grandes entreprises d’Etat, dans les zones urbaines ou périurbaines.
Les dépôts de bilan aggravent d’autant plus le chômage que les particuliers, qui ne peuvent compter que sur l’aide de la famille, ne bénéficient souvent d’aucune aide publique pour monter leurs affaires, dans un contexte général plutôt malsain, où les cadres du parti, ostensibles adeptes des grosses voitures, des restaurants de luxe et des voyages, ont la réputation de gaspiller les fonds publics. A cela s’ajoute un système fiscal inégalitaire qui taxe les petites entreprises sur leur chiffre d’affaires et les salaires payés.

Mais, ajoute le professeur Hu, c’est la pauvreté des moyens d’expression à la disposition des plus démunis qui constitue le plus grave obstacle à une meilleure distribution de la richesse de la Chine. Dans une culture de forte concentration des pouvoirs, où tous les moyens d’information sont contrôlés par l’Etat, et où les syndicats ne sont autorisés que dans des limites strictes, les populations vulnérables ne disposent d’aucun canal pour exprimer leurs doléances, pointer du doigt les injustices dont elles sont victimes, réclamer des hausses de salaires ou critiquer les politiques publiques.

Commentaires : En dépit de ses efforts pour redresser les inégalités dont souffre le monde rural (investissements massifs, exonération de taxes, expérience de soins gratuits, système de retraite), l’actuelle direction peine à tenir ses promesses d’un développement harmonieux. S’il est vrai que les revenus des campagnes ont globalement augmenté depuis 2000 (Wen Jiabao avait promis de les doubler d’ici 2020), l’écart moyen avec les villes reste encore de 1 à 6. Les populations les plus touchées sont les migrants handicapés par la rigidité des règlements de contrôle. Selon une statistique récente, seulement 25% des migrants de la population de Nankin ont pu régulariser leur situation. Quant aux autres, très vulnérables et mal défendus, ils sont victimes d’une exclusion de fait qui handicape beaucoup leur ascension sociale.

 

 

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