Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

 Cliquez ici pour générer le PDF de cet article :

›› Technologies - Energie

Course aux armements dans l’espace

Le 10 novembre, la Chine a convié les spécialistes étrangers de l’aéronautique à une démonstration d’une vingtaine de minutes de sa patrouille acrobatique, composée de J-10 et de J-7, organisée sur la base de Shahe, au nord de Pékin. Les évolutions de la patrouille étaient accompagnées de sauts en parachute, exécutés par les chuteurs opérationnels de l’APL.

Mais alors que se déroulait cette opération de publicité très conviviale, une controverse agitait le monde des spécialistes de l’espace, initiée par le site IMINT (Image Intelligence). Ce dernier venait de mettre en ligne une série d’images disponibles sur Google Earth, affirmant qu’elles trahissaient la présence d’une arme laser antisatellites, basée dans la chaîne des Tianshan, au nord du Xinjiang.

Consultés par la presse internationale, qui s’est très vite emparé de l’affaire, les meilleurs spécialistes n’ont jamais confirmé les affirmations du site IMINT. Pour eux, les photos pouvaient être soit celles d’un dispositif d’observation de l’espace, soit celle d’un engin de télémétrie ou, en effet, d’une arme laser. Les suspicions ne sont pas nouvelles.

Les Américains, qui ne se sont pour l’instant donnés aucune limitation dans la militarisation de l’espace, pour - disent-ils - parer à toute menace et protéger leurs intérêts et leur sécurité, avaient, dès 1998, évoqué, dans un rapport au Congrès, la menace chinoise d’une arme laser pouvant endommager les systèmes optiques de leurs satellites.

En 2006, l’administration Bush publiait un rapport révélant que la Chine avait utilisé des émissions laser à haute puissance pour aveugler des satellites américains. L’année suivante la controverse sur la militarisation de l’espace montait d’un cran, quand la Chine, utilisant cependant une technique vieille de 20 ans, avait détruit, par un tir balistique, un des ses vieux satellites météo.

Pour ne pas être en reste, les Américains faisaient de même, le 28 février 2008. Alors que les scientifiques du monde entier s’inquiétaient de cette dérive militaire, le 21 mai 2008, le Japon ajoutait encore aux tensions en adoptant une loi autorisant l’utilisation militaire de l’espace, mettant ainsi fin à 40 années d’interdiction nationale dans ce domaine.

Récemment la polémique prenait encore de l’ampleur, quand, le 4 novembre dernier, le général Xu Qiliang, commandant l’armée de l’air, en rupture avec l’habituelle prudence des militaires, dont les discours sont calibrés par la doctrine officielle, déclarait sans ambages : « la compétition militaire se développe dans les airs et dans l’espace. Elle est historiquement inévitable, et il est impossible de revenir en arrière. S’il est vrai qu’elle est un défi à la paix, il est aussi vrai que, seule la force, permet d’avoir de l’influence ».

++++

Diffusée dans de nombreux medias chinois, la déclaration, qui prenait à contre pied la doctrine officielle, initia un démenti au plus haut niveau de l’Etat par la voix du Président Hu Jintao. Ce dernier, s’adressant à une trentaine de représentants des armées de l’air étrangères, rappela que la Chine n’était ni expansionniste, ni une menace, et qu’elle ne se livrerait jamais à une course aux armements. Le général Xu lui-même, interrogé plus tard, adopta un discours plus conventionnel. Sans nier l’existence de la base des Tianshan, il rejeta les allégations du site IMINT : « c’est l’interprétation des médias occidentaux. Le site a un usage pacifique. Il nous sert à surveiller les nombreux satellites chinois en orbite ».

L’intérêt de l’APL pour les armes laser n’est pas un secret. Les revues militaires chinoises foisonnent d’articles sur le sujet. On y évoque le brouillage, l’aveuglement, la destruction des satellites et même l’attaque d’aéronefs classiques. Mais pour les spécialistes sérieux, seul le brouillage et l’aveuglement seraient actuellement dans les capacités de l’APL. Quant à l’attaque et la destruction dans l’espace, la seule arme disponible serait encore le vieux missile balistique, dont la Chine maîtrise parfaitement la technique.

Beaucoup d’officiers de l’APL aimeraient que la Chine accélère sa maîtrise militaire de l’espace. Il va de soi qu’ils ont tous en tête, sinon la destruction, du moins la neutralisation des réseaux de satellites d’observation et de positionnement qui donnent un avantage initial considérable à la technologie militaire américaine et à sa capacité d’agression. En dehors de la crainte de susciter de nouvelles flambées anti chinoises, le principal obstacle semble cependant être le budget disponible.

A cet égard, les spécialistes chinois affirment que, pour tenir le rythme des avancées américaines, le budget militaire chinois devrait au moins être multiplié par quatre. Encore l’effort de rattrapage à consentir serait tel qu’il risquerait de mettre en péril l’équilibre de la croissance, un pari que peu de responsables chinois, se souvenant de l’effondrement économique de l’URSS, seraient prêts à prendre.

Au demeurant, c’est peut-être la compétition pour le budget en interne qui motive les déclarations intempestives des chefs militaires chinois. La sortie du général Xu, fait en effet suite à celle du commandant de la marine, l’Amiral Wu Shengli, qui, peu après le 1er octobre, déclarait que la marine allait se lancer dans la construction d’une série de navires modernes. Les observateurs en avaient déduit que la construction d’un porte avion était imminente. Depuis, rien n’est venu infirmer ou confirmer la nouvelle.

Pour autant, il faut se rendre à l’évidence, le général Xu Qiliang n’a probablement énoncé qu’une évidence. Si rien n’est fait pour mieux contrôler les initiatives concurrentes, dont on voit bien qu’elles s’inscrivent dans une compétition mimétique, aux Etats-Unis, en Chine, au Japon, en Russie, et dans une moindre mesure en Europe et en Inde, la course aux armements dans l’espace, déjà commencée, entrera dans une phase incontrôlable. En dépit des dénégations, l’ubiquité stratégique inédite conférée par des positions extra atmosphériques, les incitations économiques et commerciales, alliées aux perspectives d’avancées technologiques, dans un secteur, où la limite entre le militaire, le civil et le dual est difficile à tracer, en seront les principaux moteurs.

 

 

Spectaculaires succès des véhicules BYD

[31 mars 2024] • Jean-Paul Yacine

La nouvelle course à la lune, au cœur de la rivalité sino-américaine

[10 mars 2024] • Jean-Paul Yacine • 2     

A Dubaï, la Chine championne des renouvelables et du charbon

[21 décembre 2023] • Jean-Paul Yacine

Les guerres de l’espace et des microprocesseurs, deux secteurs clé de la rivalité sino-américaine

[9 octobre 2023] • François Danjou

Projets spatiaux chinois et rupture de la coopération avec l’Occident

[22 juillet 2023] • Jean-Paul Yacine