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›› Taiwan

Mises au point de Ma Ying Jeou

Le Président Ma, dont on connaît la faible popularité - lors du dernier sondage, effectué le 21 avril dernier, on ne comptait que 26,6% de satisfaits -, vient peut-être de reprendre la main à la faveur d’une déclaration à CNN, où il affirmait la détermination de l’Ile à se défendre sans les Américains, et grâce à un débat télévisé sur l’Accord Cadre avec Madame Tsai Ing Wen, chef de file du parti indépendantiste (DPP).

Après le débat télévisé du 25 avril dernier, 47,5% des téléspectateurs interrogés étaient en faveur de l’Accord Cadre, tandis que 41% d’entre eux jugeaient que Ma Ying Jeou avait été meilleur que son adversaire.

Rappelons que Ma Ying Jeou souhaite signer l’Accord Cadre commercial avec la Chine dès juin. Plusieurs raisons expliquent cette hâte. Le 1er janvier dernier est entré en vigueur l’accord commercial entre la Chine et les 6 pays fondateurs de l’ASEAN, dont les produits concurrencent désormais les exportations taïwanaises sur le marché chinois.

En 2015, c’est toute l’ASEAN - y compris les trois pays de la péninsule indochinoise et Myanmar - qui bénéficiera de ces avantages commerciaux. Les autres raisons de l’urgence tiennent aux échéances électorales taïwanaises (municipales en fin d’année puis préparation des présidentielles prévues en 2012).

Au cours du débat télévisé, Madame Tsai, abandonnant ses appels à la vigilance contre la menace d’une réunification rampante, avait décidé de concentrer ses critiques sur les mauvaises conséquences commerciales et économiques de l’Accord. Aux critiques déjà connues sur les risques posés par l’avalanche des produits et des services chinois aux prix cassés ou à propos de la hâte excessive dans les négociations qui auraient pu - selon Madame Tsai - être menées par le truchement improbable de l’OMC, Ma a répondu en répétant la conviction qui structure son action depuis son élection en 2008 : « le commerce est vital pour nous. Sans lui Taiwan n’existerait pas ».

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Selon le Président, l’Accord Cadre avec la Chine est le seul moyen efficace de desserrer l’étau des pressions chinoises qui exclut l’Ile de plus de 270 arrangements internationaux conclus par la Chine. Il permettra la signature d’accords entre l’Ile et ses partenaires commerciaux traditionnels. C’est en tout cas ce à quoi Ma Ying Jeou s’emploiera personnellement, en prenant la tête d’une équipe spéciale itinérante. Au passage, il a clairement mis en garde la Chine contre toute tentation d’ingérence dans ces négociations : « les Taïwanais sont braves et obstinés (...) Nous pouvons supporter un isolement diplomatique, mais pas un isolement économique ».

Une réflexion qui laisse présager des tensions si, après la signature de l’Accord Cadre, le PCC se laissait aller à exercer des pressions pour isoler l’économie de l’Ile, déjà acculée à une quasi autarcie diplomatique, conséquence des manœuvres chinoises de ces trente dernières années. La deuxième allusion à la défense des intérêts de l’Ile contre les intimidations chinoises, cette fois par les moyens militaires, est venue peu après, lors d’une interview accordée à CNN, diffusée le 30 avril.

A cette occasion, le Président Ma Ying Jeou a fait une mise au point qu’aucun responsable taïwanais n’avait faite jusqu’à présent : « Il doit être très clair que jamais nous ne demanderons aux Américains de se battre pour Taiwan ». Le message s’adressait tant au Parti Communiste chinois, qui refuse d’abandonner la menace militaire, qu’aux hésitations américaines face aux risques d’un conflit avec la Chine, conséquence du Taïwan Relation Act. Il comportait quelques attendus intéressants.

Ma Ying Jeou a en substance rappelé qu’en faisant d’importants efforts de rapprochement commercial avec la Chine, son gouvernement avait notablement diminué les risques d’un conflit dans le Détroit. Mais, si on voulait désamorcer les craintes taïwanaises d’un glissement progressif vers la réunification et décourager les pressions chinoises, il était important qu’en retour des efforts taïwanais, les Etats-Unis veillent à préserver les capacités de défense de l’Ile. « Si les Etats-Unis réduisaient leurs ventes d’armes à l’Ile, ils affaibliraient la sécurité de cette partie du monde ».

Or, après les équipements militaires vendus à Taiwan en janvier dernier, (dont des missiles Patriot, des hélicoptères Blackhawk et des chasseurs de mines (voir « Ventes d’armes à Taïwan. Tensions sino-américaines » du 2 février 2010), les militaires taïwanais attendent avec impatience d’autres livraisons autrement plus sensibles : le remplacement de tout ou partie de leurs chasseurs d’attaque F.16 vieillissants.

Pour appuyer leur requête, les Taïwanais évoquent non seulement un récent rapport de leur ministère de la défense, indiquant que les aptitudes opérationnelles des forces aériennes chinoises dépassaient désormais celles de l’le, mais également une des dernières évaluations de la Rand Corporation qui estimait que la capacité de la Chine à porter aux forces aériennes de l’Ile un coup décisif par une attaque surprise avait considérablement augmenté.

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Enfin, le Département d’Etat américain expliquait par la voix de David Shear, n°2 du bureau Asie-Pacifique, que s’il était exact que la modernisation des forces armées chinoises s’adaptait à ses nouvelles priorités, telles que la surveillance de ses lignes de communication, une partie des équipements neufs et des entraînements restait calibrée dans la perspective d’un conflit dans le Détroit.

Le même David Shear qui, le 18 mars dernier, concluait sa déposition au Congrès en affirmant sa confiance dans l’évolution pacifique de la relation dans le Détroit, rappelait cependant que le plus dur restait à faire : « Après les questions simples qui touchent aux domaines économiques et culturel, Pékin et Taipei doivent maintenant s’attaquer aux questions politiques et militaires, plus ardues ».

De son côté, le Bureau Politique à Pékin ne ménage pas ses efforts pour « donner de la face » au Kuo Min Tang (KMT) et lui faciliter les choses à Taïwan. Sur ce dernier point le Premier Ministre Wen Jia bao a, à plusieurs reprises, répété que la Chine serait prête à des « arrangements tarifaires appropriés » pour protéger les produits taïwanais mis en danger par l’Accord Cadre. Au passage, il faut préciser que ces promesses pourraient ne pas suffire à calmer les critiques taïwanaises contre l’Accord Cadre. Le 15 mars dernier, lors d’une séance au Yuan législatif, un député du DPP avait en effet traité Wen Jiabao de « menteur ».

Plus récemment, l’ouverture de l’exposition de Shanghai a été l’occasion pour le Parti de dérouler le tapis rouge au KMT. Lien Chan, Président honoraire du KMT, natif de Xian, candidat malheureux aux présidentielles de 2000 et 2004, mais, depuis 2005, habitué des voyages en Chine (Voir l’article « Retrouvailles des frères ennemis » du 8 mai 2005), a été reçu comme un chef d’état par Hu Jintao. D’autres dignitaires taïwanais proches du KMT, tels que Wu Poh-Hsiung, également Président Honoraire du KMT, et James Soong, Président du Premier Parti du Peuple, ont aussi eu droit à des égards particuliers.

Enfin, incident symbolique révélateur de la souplesse chinoise : lorsque les Taïwanais se sont plaints aux organisateurs de l’exposition que, dans la présentation officielle, leur pavillon était trop directement intégré à celui de la Chine, situé juste en face, le texte de la plaquette a été immédiatement modifié pour limiter la Chine à seulement trois entités : la République Populaire et les deux Zones économiques spéciales de Hong-Kong et Macao, tandis que le stand taïwanais retrouvait son « autonomie ».

Ces gestes visent à la fois à flatter le protocole taïwanais très à cheval sur la souveraineté de l’Ile et à rassurer les inquiets de l’Accord Cadre qui, à Taiwan, pourraient affaiblir Ma Ying Jeou. Ils montrent au moins que le Bureau Politique a bien compris que sa nouvelle approche oblique vers la réunification par le biais d’un rapprochement économique, serait radicalement compromise si le parti indépendantiste revenait au pouvoir à Taïwan en 2012.

 

 

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