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›› Economie

La réalité des investissements chinois en Europe

Après le sommet Asie - Europe, début octobre, la porte parole du Waijiaobu, Jiang Yu a répété que Pékin était prêt à « aider les pays de la zone Euro à sortir de la crise et à réussir la reprise économique ». Dans le même temps, la rumeur courait que la Chine s’apprêtait à investir jusqu’à 5 Mds d’Euros pour racheter une partie de la dette portugaise.

Pékin, qui dispose de la force de frappe de ses 2648 Mds de $ de réserves de change, observe les difficultés financières de l’Europe avec d’autant plus d’intérêt qu’elles ouvrent quelques opportunités à la fois financières, économiques et politiques.

Depuis plusieurs années en effet, le Régime tente de diversifier ses actifs financiers pour se libérer du « piège » du Dollar, et l’appel d’air créé par les pays européens en faillite tombe à point nommé. C’est ainsi que les récents voyages des dirigeants chinois en Europe ont été accompagnés par l’achat de 400 millions d’Euros de bons du trésor espagnols. Aujourd’hui le Parti semble disposé à aller plus loin avec Lisbonne.

Les intentions d’achat d’actifs financiers s’ajoutaient à plusieurs projets d’investissement en Grèce (concession de 30 ans pour la gestion du port du Pirée payée 700 Millions d’Euros ; projets de coopération sur les chantiers naval et création d’un fond de soutien de 5 Mds de $ contre la promesse d’achat de navires chinois ; projets télécom autour d’investissements par l’équipementier Huawei).

Le tout accompagne la stratégie de Pékin de quête de marchés pour ses exportations de marchandises, notamment vers l’Europe Orientale, dont le port du Pirée, qui deviendra un centre logistique pour les produits chinois, constitue une porte d’entrée naturelle.

Une stratégie globale à longue portée...

Les avancées de la Chine en Europe ont également une dimension stratégique à long terme qui vise à reconstituer la continuité des liaisons terrestres de l’Eurasie par le chemin de l’ancienne route de la soie. Même si la perspective paraît encore éloignée, le Premier Ministre turc Erdogan l’a clairement évoquée lors de la visite à Ankara de Wen Jiabao en octobre dernier. Pour l’heure la Chine qui possède une forte expertise en génie civil, vise le marché des infrastructures routières en Europe de l’Est.

Enfin, en se positionnant ainsi comme le pompier financier de l’UE, Pékin espère aussi multiplier ses occasions de transferts à son profit de hautes technologies par le biais de centres de R&D installés en Europe de l’Ouest et peut-être augmenter son influence politique en vue d’obtenir des concessions en retour sur les contentieux les plus sensibles, comme la reconnaissance par l’UE de son statut « d’économie de marché » et la levée de l’embargo sur les ventes d’armes, imposé à la Chine par Bruxelles en 1989.

...dont l’impact est encore limité.

Il convient cependant de relativiser l’influence financière de la Chine. En comptant ses récents engagements, le stock total des investissements chinois en Europe ne dépasse pas 60 Mds de d’Euros (statistique du MOFCON), à comparer avec les flux annuel des IDE qui, pour la seule France, qui varient entre 40 et 60 Mds.

Mais pour l’heure, même s’ils ont été multipliés par 13 depuis 2004, les investissements chinois en Europe restent faibles. En 2009 la Chine occupait, avec 49 Mds de $ (51Mds de $ pour Hong Kong), le 16e rang des investisseurs mondiaux et ses cibles principales, hors investissements financiers, étaient Hong Kong (58%), les Iles Cayman (20%) - il existe un flux circulaire entre la Chine, les paradis fiscaux et Hong-Kong-, les autres pays d’Asie (10%), Europe (4%), Afrique (4%), États-Unis (3%), Amérique Latine (1%).

Quant au montant de la dette publique européenne détenue par la Chine, dont le montant n’est pas publié, les spécialistes l’estiment entre 400 et 600 Mds d’Euros.

Principales cibles des investissements chinois

L’analyse montre que, tous secteurs confondus, les investissements chinois qui représentaient 300 Mds de $ en 2009, ciblent d’abord l’achat de bons du Trésor américains - sur les 1900 Mds de $ d’investissements chinois cumulés dans le monde - contre 7200 Mds de $ d’IDE américains - plus de 900 Mds de $ ont été dirigés vers les États-Unis. La deuxième cible est l’achat de ressources d’hydrocarbures et minières en Afrique, au Moyen Orient, en Asie Centrale, en Asie du Sud-est et en Amérique Latine. En Europe l’empreinte de la Chine reste encore faible (seulement 3% des IDE chinois en 2009).

Un impact en France encore modeste.

En France, sur 22 500 entreprises étrangères (chiffre ministère de l’économie - Paris 2010 -), on dénombre seulement 100 implantations chinoises dont 60% sont des bureaux commerciaux (sur un total de 920 implantations en Europe qui représentent 530 groupes chinois). Toujours en France, le reste se partage entre sièges sociaux, dont Lenovo, Haier et ZTE, en centres logistiques, centres de R&D (dont Huawei), et sociétés de services.

Depuis 2000, les investissements industriels chinois en France se limitent à l’achat d’Adisseo (chimie alimentaire) et de Rhodia Silicone par China Bluestar, à quoi il faut rajouter la reprise d’un fabricant de jouets en faillite de la région parisienne et la prise de contrôle de la société des moteurs Baudoin par Weichai Power.

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EN BREF

Le commerce Chine - Afrique

Il a augmenté de 43,5% entre 2009 et 2010 pour atteindre 114,8 Mds de $. 9,3 milliards de $ ont été investis depuis 2000 dans les secteurs agricoles et miniers. Pendant la même période elle a annulé les dettes de 35 pays africains pour une somme totale de 2,9 Mds de $. C’est avec l’Angola, devenu le premier fournisseur de pétrole de la Chine avec 148 000 tonnes / jour que l’augmentation a été la plus forte (80%). Là aussi, l’empreinte de la Chine doit être relativisée puisqu’à ce jour le stock total des investissements chinois en Afrique ne représente que 1% du stock total des IDE contre 32% pour l’Union Européenne. C’est encore vers l’UE que l’Afrique exporte 37% de son pétrole, tandis que les livraisons à la Chine ne représentent que 13%.

Lutte contre l’inflation

A quelques jours d’intervalle, la banque de Chine a relevé ses taux d’intérêt (2e fois en deux mois) à 5,81%, et le taux de réserve obligatoire des banques à 18,5% (3e fois en un mois et 6e fois depuis le début de l’année). Les experts estiment que le taux de réserve serait porté à 23% en 2011.

Le 25 décembre, le premier ministre Wen Jiabao assurait que le gouvernement serait en mesure de contrôler l’inflation qui pour, certains produits de consommation courante comme les légumes, a atteint le taux record de 60%.

La tension sur les terres agricoles est en partie responsable de cette hausse des prix. Selon l’AFP, qui rend compte d’un rapport de l’ONU, depuis 15 ans, la Chine a perdu 8 millions d’ha de terres cultivables, du fait de l’urbanisation, de l’industrialisation, du reboisement ou des ravages des catastrophes naturelles. Toujours selon l’AFP, aujourd’hui, 37% du territoire total de la Chine sont touchés par l’appauvrissement des terres, tandis que la superficie de terres disponibles par habitant atteint seulement 40% de la moyenne mondiale.

Le premier ministre a également promis de réduire la spéculation immobilière et de mettre en chantier 10 millions de $ de logements à prix modérés pour 2011. Selon une enquête de la Banque Centrale, l’inflation qui a atteint 5.1 % en novembre, ajoutée aux prix très élevé des appartements crée un mécontentement dont l’ampleur n’avait été jamais vue depuis 1999.

Querelle à l’OMC

Le 22 décembre, les États-Unis ont porté plainte contre la Chine à l’OMC pour subventions illégales aux constructeurs d’éoliennes. La Chine se défend en précisant que ces mesures de soutien font partie d’un plan de lutte contre la pollution. En 2020, le gouvernement envisage de produire 20% de son énergie par des systèmes alternatifs (biomasse, hydraulique, nucléaire, éoliennes, panneaux solaires).

Tensions sur le modèle de développement

Récemment Yu Yongding, ancien membre de la Commission de contrôle monétaire de la Banque de Chine, publiait dans le China Daily une mise en garde, soulignant que le modèle de développement chinois n’était pas durable.

Dressant la liste des tensions qui vont des inégalités sociales à la pollution massive du pays, en passant par la faiblesse des services publics et la part excessive dans le PNB de l’export et des investissements - essentiellement dans l’immobilier -, il écrivait : « la croissance chinoise a un coût extrêmement élevé. Le pays a presque épuisé son potentiel et se trouve à la croisée des chemins. Sans des ajustements drastiques et douloureux l’élan de la croissance pourrait s’effondrer brutalement ».

 

 

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