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›› Société

Dans la province de Canton, « le printemps des ouvriers a commencé. »

Jean Ruffier, Docteur en économie et chercheur au CNRS, spécialiste de l’économie chinoise, auteur de « Faut il avoir peur des usines chinoises ? » (2006, Editions l’Harmattan), a récemment rendu compte d’une étude sur la situation des ouvriers dans la province de Canton, effectuée avec l’aide de l’Université Sun Yat Sen. Le rapport de Jean Ruffier peut être consulté sur de nombreux sites.

Il a notamment été publié le 22 janvier sur le site Rue 89.

Résumé de l’étude

Compte tenu de l’évolution des rapports entre le pouvoir politique local, qui balance entre la ferme volonté d’améliorer la condition ouvrière et la crainte des désordres, dans un contexte où les jeunes travailleurs acceptent de moins en moins les rythmes élevés et les salaires trop bas, où les organisations syndicales et le patronat sont historiquement et politiquement peu préparés à résoudre les conflits par le dialogue et la négociation, l’auteur estime que dans le sud de la Chine le « Printemps des ouvriers a commencé ».

« Depuis un an, on voit se multiplier les conflits du travail. De ce fait, les salaires montent. Les journaux ont même fait état de plusieurs conflits, dans des entreprises taïwanaises ou japonaises, lesquels se sont soldés par de très conséquentes hausses de salaires. Le mouvement est tellement fort que de plus en plus d’observateurs parlent de la possibilité d’une grève générale en Chine du Sud (...) ».

« Sans pouvoir prédire ce qui relève de l’imprévisible, il nous semble que les conditions sont réunies pour un printemps ouvrier en Chine du sud, explosif ou rampant, mouvement qui a déjà commencé ; tout porte à penser qu’il va se développer dans les mois qui viennent ».

Appuyé par des enquêtes de terrain dans le milieu des ouvriers, des syndicalistes, des ONG spécialisées dans l’assistance légale aux travailleurs et des activistes - « plus difficiles à rencontrer, car pourchassés par le pouvoir », le travail brosse un tableau des rapports entre les différents acteurs et analyse leur rôle dans la naissance, l’apaisement ou le contrôle des conflits sociaux.

Avant de resserrer l’analyse à la province de Canton, il examine successivement l’évolution de la mentalité des ouvriers et de leurs conditions de travail, la nature, les motivations et les attitudes du pouvoir politique, celles des employeurs, puis des syndicalistes ou des activistes de la condition ouvrière. De ces observations et analyses, l’auteur déduit que le « pic des conflits n’a pas été atteint ».

La conclusion sonne comme une mise en garde. Après avoir confirmé que les salaires allaient encore augmenter dans la province, il ajoute : « Ce panorama des acteurs, la détermination et l’absence de peur des ouvriers d’un côté, le désarroi patronal et l’indécision des autorités de l’autre, tout cela laisse penser que ces conflits vont se multiplier. Certains militants ou intellectuels imaginent même qu’ils pourront prendre la forme d’une grève générale à partir de conflits localisés faisant tâche d’huile ».

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1. Évolution des conditions et des mentalités

En 20 ans, le travail a gagné en intensité et en pénibilité, avec des rythmes de plus en plus soutenus, non seulement, à la suite de l’introduction en Chine de critères de management et de rentabilité plus rigoureux, mais également du fait de la volonté des ouvriers de gagner plus en acceptant des horaires plus lourds.

Cette tendance s’est poursuivie jusqu’à récemment, encouragée par l’euphorie résultant du changement radical de niveau de vie des ouvriers qui passèrent de la condition de paysan, dont les revenus plafonnaient à 100 euros par an, à celle d’ouvrier au salaire mensuel de 80 euros, et dont l’amélioration de la situation financière correspondait à une « véritable promotion sociale ». Cette dernière était également accompagnée d’un « sentiment nationaliste triomphant ».

Mais cet état d’esprit est aujourd’hui moins fréquent. L’amertume a pris le pas sur l’enthousiasme. Les ouvriers, qui se sentent lésés par rapport à la classe des patrons ou des politiques ayant profité beaucoup mieux qu’eux des progrès économiques et sociaux, constatent que la vie en ville est complexe et que leurs revenus, même en forte hausse par rapport à ceux de la campagne, ne suffisent pas à entretenir décemment une famille et à acheter un appartement.

Leurs salaires restent au niveau des pays du tiers monde. Petit à petit, les nouveaux moyens de communication aidant, l’idée s’est instillée de la nécessité d’une revendication et de l’efficacité possible des grèves. Leur sens de la lutte a encore été favorisé par leur éducation d’enfants uniques, choyés par leurs parents « qui leur passaient tout ».

2. Les employeurs désemparés face aux conflits.

Par le passé on discutait peu des salaires et la gestion des personnels insatisfaits était réglée par le « turn over », meilleur moyen d’étouffer les tensions, avec, de temps à autre, quelques maigres augmentations.

La nouvelle main d’œuvre plus rétive, prend les patrons de court, d’autant qu’il n’existe pas d’organisation patronale capable de les épauler dans les conflits. Comme les syndicats d’ouvriers, ces dernières sont en effet interdites - elles existent à Hong Kong et dans les chambres de commerce étrangères -, ou, quand elles existent, elles sont, dans le système communiste, dirigées par des fonctionnaires.

Mais le désarroi est également perceptible dans les entreprises étrangères. Même si ces dernières avaient mis en place des gestions de personnels plus sophistiquées, elles font aujourd’hui face à des revendications de salaires d’une fréquence et d’une ampleur inconnues jusque là. Parmi les entrepreneurs étrangers, les plus rétifs à céder sur les salaires sont ceux orientés vers l’export. Ceux qui visent le marché chinois sont plus souples.

Il reste que les entreprises, qu’elles soient chinoises ou étrangères, constatent que le nouveau contexte est moins favorable avec des augmentations de salaires qui, partout, varient entre 10 et 20%.

3. Le pouvoir politique paraît hésitant et divisé.

Au niveau central, la classe dirigeante, qui fonctionne sur un mode collégial, « à responsabilité diluée », est une « cryptocratie opaque », dont le souci principal est de se maintenir au pouvoir. Sa longévité est due à la solidarité interne de ses membres et à une remarquable souplesse, caractérisée par une grande capacité à « pardonner les erreurs et à les corriger ». Ce sont les mêmes responsables des erreurs de planification ou des crimes de la révolution culturelle qui dirigent aujourd’hui la politique dite du « socialisme de marché ».

Même s’ils paraissent aujourd’hui divisés sur le traitement des troubles sociaux, ou sur la création de syndicats, les dirigeants ne laissent rien présager de leurs réactions en cas de troubles sociaux graves. A ce jour, ils ont presque toujours laissé les responsables locaux gérer les conflits sociaux et se sont toujours fermement opposés à la création de syndicats indépendants (NDLR : en dépit des mises en garde des chercheurs chinois).

L’analyse montre qu’ils n’interviennent que quand la légitimité du Parti est menacée. (NDLR : et dans ce cas, leur récente réaction a, le plus souvent, été ambigüe, mêlant la souplesse - pression pour les augmentations de salaires, critiques des managers - à la fermeté, avec le licenciement et la poursuite des meneurs.

Le plus souvent la vie sociale - les salaires minimum et les droits sociaux, différents selon les régions - de même que les conflits du travail sont gérés par les autorités municipales, parfois avec l’aide des syndicats, dont la mission est de s’entremettre pour sauvegarder la stabilité sociale. Dans cette organisation, les syndicats officiels apparaissent comme « une autorité municipale ».

Compte tenu de l’enchevêtrement entre les affaires et la politique et du souci des cadres locaux d’attirer chez eux des entrepreneurs, pourvoyeurs d’emplois et de revenus sous forme de taxes, les responsables locaux prennent souvent fait et cause pour le patronat.

Mais, comme ils sont également jugés sur le degré de stabilité sociale de leur circonscription, et qu’ils craignent les désordres, il leur arrive de composer et, par exemple, de prendre en charge les derniers salaires des employés d’une société en faillite.

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4. Le cas particulier de la région de Canton.

Dans le paysage chinois la région de Canton a l’ambition de se doter des attributs d’un pays développé avec une industrie de pointe à forte valeur ajoutée accordant d’importants crédits à la recherche et développement. Plus encore que ses prédécesseurs, le nouveau secrétaire général du Parti (Wang Yang 53 ans) est un fervent des lois sociales en faveur des travailleurs, qu’il entend faire appliquer.

Même si le gouverneur Huang Huaha (63 ans) n°2, est un contrepoids attentif à la stabilité sociale et à l’harmonie, son activisme devrait mettre en difficulté les entreprises à forte intensité de main d’œuvre et à bas salaires, d’autant qu’il est également favorable à la mise sur pied de syndicats indépendants, comme plusieurs de ses déclarations en 2010 le laissent entendre.

Dans ce contexte, les syndicats, qui ont reçu la mission d’aider à réduire les tensions sociales, augmentent leur présence dans les entreprises d’Etat ainsi que dans les Joint-ventures et cherchent à s’impliquer dans les entreprises à capitaux à 100 % étrangers. Dans ces dernières, ils ne sont cependant pas les bienvenus, du fait de leur fonctionnement bureaucratique qui, en cas de conflit, peut devenir un obstacle. En revanche, les syndicats sont aujourd’hui pratiquement absents des entreprises privées chinoises.

Dans la région de Canton, néanmoins, les rapports entreprises - syndicats évoluent, et ces derniers ont de plus en plus tendance à se ranger du côté des revendications des travailleurs.

A ces acteurs de la situation sociale et des conflits du travail, il convient d’ajouter les « activistes de la condition ouvrière », affiliés ou non à des ONG de conseil juridique ou social, dont le rôle et l’utilité sont plus ou moins reconnus selon les entreprises. Dans la région de Canton, cette mouvance, souvent composée d’étudiants motivés par la compassion, travaille de plus en plus en liaison avec les syndicats.

Mais les plus actifs d’entre eux, qui n’hésitent pas à pousser à la grève, sont pourchassés par les autorités. Ils parviennent cependant à se faire engager dans le seul but de déclencher un mouvement social. Une fois la contestation lancée, « ils disparaissent dans la nature ».

Coordonnant leurs actions, par SMS pour mobiliser les ouvriers, ils n’hésitent pas à employer des méthodes plus brutales et expéditives, comme par exemple les coupures de courant dans les ateliers. Par ces tactiques, ils parviennent à obtenir des hausses de salaires substantielles, tandis que leurs modes d’action, comme leurs succès se répandent dans la région comme une trainée de poudre, par le truchement des SMS et d’internet.

Commentaires

Le rapport a le très estimable mérite de donner un coup de projecteur sur un aspect très sensible de la situation sociale de la province la plus peuplée et, depuis 25 ans, la plus riche de Chine, dotée de 6 aéroports, dont 3 internationaux, avec un PNB voisin de celui de Taïwan et de Singapour.

Il propose une intéressante analyse de la nature du pouvoir central, de ses rapports avec les cadres locaux et de sa manière, très distanciée et prudente, d’appréhender les conflits du travail. Enfin, il offre une grille d’analyse pertinente, confirmée par de nombreux sociologues, de l’évolution de la mentalité de la main d’œuvre dans le delta de la Rivière de Perles, qui pose un défi aux anciens schémas de développement et au pouvoir. (Lire également notre article sur les migrants).

Rattachée à l’Empire dès la première dynastie et lieu de contact avec les étrangers venus du Moyen Orient et d’Occident - les Portugais y installent le premier comptoir européen à Macau en 1557 - , refuge des opposants aux Mongols et aux Qing, route de passage vers l’extérieur, la province de Canton s’est aussi souvent signalée par son très grand dynamisme et son particularisme, parfois son esprit rebelle, au point que, même récemment, elle a du être rappelée à l’ordre par le pouvoir central.

Après 1997, suite au décès de Deng Xiaoping, l’équipe Jiang Zemin - Zhu Rongji avait en effet entrepris de lutter contre la corruption et les trafics en tous genres dans ce fief de Ye Xuanning, fils Ye Jianying et He Ping, gendre de Deng. Ce n’est qu’après la nomination à la tête de la province de Li Changchun (aujourd’hui membre du Comité Permanent) et Wang Qichen (membre du bureau politique), que le Guangdong rentra dans le rang, non sans le vigoureux appui de l’APL et de Zhu Rongji, qui décida, en 1997, de ne plus se porter garant des dettes contractées par les dirigeants locaux.

Aujourd’hui, Pékin, dont la mémoire est longue, suit donc avec attention les évolutions de la situation dans la province. Ses réactions ont, jusqu’à présent, été à deux faces. Le Centre a laissé les autorités locales licencier les meneurs et poursuivre les activistes ; mais, en même temps, il a poussé au réajustement des salaires et a évoqué une plus grande indépendance des syndicats, sans cependant aller jusqu’au bout de la logique d’autonomie, en dépit des conseils d’ouverture de plusieurs spécialistes des questions sociales, notamment ceux de Yu Jianrong, Directeur du Centre de recherche sur les conflits sociaux de l’Académie des Sciences sociales.

Par ailleurs, il est vrai que Wang Yang (53 ans,), secrétaire général de la province de Canton, membre du Bureau Politique depuis 2007, s’est signalé par son ouverture d’esprit et son modernisme, notamment par ses prises de position sur la nécessaire « libération des esprits ». Au cours d’une réunion avec les cadres de la province, le 25 décembre 2007, il mettait, entre autres, l’accent sur les déséquilibres d’un développement encore marqué par la quantité plutôt que la qualité, un retard dans l’innovation et l’éducation, et de graves fractures sociales entre villes et campagnes.

Dans le même temps, il encourageait les expériences démocratiques menées à Shenzhen, sous son contrôle, et avec l’assentiment du Centre, par le SG du Parti Liu Yupu, dont la pierre angulaire était la construction d’un « état de droit démocratique »民主法制建设.

Wang Yang plaide pour le renforcement des syndicats

Enfin, après les grèves de mai 2010, Wang yang a appelé au renforcement des syndicats dans les entreprises privées. Le 12 juin 2910, dans une vidéoconférence, il a insisté sur le rôle de l’Etat comme médiateur et sur celui des syndicats comme porte parole des intérêts des ouvriers. Depuis, dans les cercles les plus élevés du pouvoir, le débat enfle sur la pertinence politique d’une évolution des syndicats vers un système à l’occidentale. Rien ne dit qu’aujourd’hui le Parti est prêt à prendre ce risque.

Quant à la situation politique dans la province du Guangdong, il n’est pas certain que l’évolution politique aille plus loin que les augmentations de salaires massives déjà accordées. Récemment plusieurs observateurs ont cru voir dans de récentes déclarations de Wang Yang, glorifiant les exploits de l’APL pendant la guerre civile, un glissement populiste à la manière de Bo Xilai.

Ce dernier, également soutenu par le futur président Xi Jinping, voit dans les références à la geste maoïste un moyen terme pour resserrer les liens très distendus entre le Parti et le peuple. Si cette tendance se confirmait, elle signalerait un alignement sur une stratégie alternative, fermant, comme c’est probable, la porte à l’ouverture démocratique prônée par Wen Jiabao et présageant une répression plus dure des mouvements de protestation ouvriers.

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En bref 

Urbanisation. Transports

La région de Canton vient de terminer la première phase d’un réseau de trains rapides destiné à connecter les centres urbains d’une mégalopole de plusieurs dizaines de millions d’habitants reliant Canton et Shenzhen à la nébuleuse des villes situées à l’ouest de la Rivière des Perles (RDP) et à Zhuhai. D’après les planificateurs, le réseau comprendra 16 lignes d’une longueur totale de 1500 km. L’ensemble devrait être terminé pour 2020.

Le tout s’inscrit dans le vaste plan d’accompagnement de l’urbanisation de la Chine, dont la nature rurale est en cours de transformation profonde, avec, en 2025, la perspective de 8 mégalopoles de plus de 20 millions d’habitants, connectées les une aux autres, dans une Chine, profondément bouleversée, comptant un milliard de citadins. (Ils n’étaient que 570 millions en 2005 et ne sont que 600 Millions aujourd’hui).

Congés de maternité

 

La municipalité de Shanghai vient de publier une circulaire pour faire respecter à la lettre une directive de 1990, stipulant que les femmes pouvaient avoir droit à 9 mois de congés de maternité. (10 semaines de congé prénatal et 26 semaines après la naissance). Mais ces droits étaient rarement appliqués et réservés aux femmes ayant déjà subi trois avortements ou ayant connu un accouchement difficile. En Chine, les chefs d’entreprise se plaignent de l’absentéisme des jeunes mères et préfèrent recruter des femmes mariées ayant déjà eu un enfant.

Torture d’un avocat

 

L’Associated Press vient de rendre publique une déclaration de Gao Zhisheng, avocat des dissidents politiques, des adeptes de Falungong et des Chrétiens d’obédience romaine, faite avant sa disparition en avril 2010. Selon, lui il a été torturé avec une « cruauté indescriptible » pendant 48 heures. Encore dans les limbes, la profession d’avocat est sinistrée en Chine. (Voir : « Procès de Rio Tinto, coup de projecteur sur le système judiciaire chinois »)

Réforme du système éducatif

 

Le 13 janvier, le Conseil des Affaires d’Etat a publié les grandes lignes de l’expérimentation d’une réforme du système éducatif chinois décidée il y a 5 mois, et visant à donner plus d’autonomie aux universités pour leur recrutement, à réduire la corruption, éviter les fraudes académiques, réduire la discrimination des établissements privés et à instituer un service public de jardins d’enfants.

26 universités, dont celles de Pékin ont été choisies pour tester les modalités pour plus d’autonomie ; le Heilongjiang servira de base pour l’expérimentation de la lutte contre la corruption et les tricheries académiques, comme le plagiat ou les faux diplômes.

Dans le même temps, des projets pilotes à Shanghai et dans 6 provinces expérimenteront la mise en place de jardins d’enfants, comme des services publics à part entière. Ce secteur, délaissé, est aujourd’hui la cible des parents d’élèves mécontents. Voir l’article de question chine : « Jardins d’enfants sous surveillance » du 15 mars 2008.

Trois juges sanctionnés pour erreur judiciaire et abus de pouvoir

Les médias chinois ont fait état, le 17 janvier, de sanctions contre trois juges du Henan ayant non seulement condamné un innocent, mais appliqué à ce dernier une peine disproportionnée d’emprisonnement à vie pour ne pas avoir payé la taxe d’entretien des routes, dont le montant est exorbitant pour les faibles revenus des campagnes. L’affaire a fait grand bruit sur le net, et dans les forums de discussion, après que le frère du condamné ait avoué qu’en réalité c’était lui le coupable.

La migration de la fête du printemps a commencé le 19 janvier

Selon les statistiques chinoises du 19 au 23 janvier, entre 4 et 5 millions de personnes ont pris le train chaque jour, tandis que du 19 au 22 janvier près de 3 millions ont utilisé l’avion. La période est marquée par d’importantes chutes de neige dans le centre et le sud-ouest de la Chine, suivies par la plus forte vague de froid depuis 35 ans.

La vague de froid a été suivie par une des plus graves sècheresses depuis un siècle dans la plaine centrale (Henan), principal pourvoyeur de céréales du pays. Dans la province du Shandong, les villes de Weifang, Rizhao, Linyi ont été touchées par des pénuries d’eau, au point que les municipalités ont procédé à des distributions d’eau potable à la population.

Wen Jiabao à l’écoute des protestations de la base

Alors qu’une importante proportion des « pétitionneurs » est souvent maltraitée par les cadres locaux qui les considèrent comme une nuisance (voir notre article), le Premier Ministre s’est, le 25 janvier dernier, mis à l’écoute de plusieurs centaines d’entre eux qui se plaignaient d’avoir été dépossédés de leurs terres, de n’avoir pas été payés par leur employeurs ou de leurs mauvaises conditions de travail : « ne me cachez rien, notre gouvernement est le gouvernement du peuple et il tient son pouvoir du peuple », a-t-il dit aux plaignants sous le regard inquiet de cadres du Parti. (Reuters). Wen Jiabao, proche du peuple et un des plus fervents avocats des réformes démocratiques, était cependant resté silencieux depuis le 5e Plenum, en octobre dernier.

Mort d’un chef de village

Fin janvier, les internautes se sont mobilisés pour mettre en doute les conclusions hâtives de la police après la mort qualifiée d’accidentelle, - la victime a été percuté par un camion - de Qian Yuhui, chef de village de Yueqin, proche de Wenzhou dans la province du Zhejiang.

Outre le fait que l’enquête donne l’impression d’avoir été bâclée - le corps de la victime a rapidement été incinéré sans autopsie, une caméra de CCTV présente sur le lieu de l’accident a été déclarée en panne -, les suspicions du net soulignent que Qian était un ardent défenseur des intérêts de villageois spoliés par les fonctionnaires du district - expropriations mal compensées, notamment autour de la construction d’une centrale électrique, faisant partie d’un des 5 plus grands projets de la province, où les compensations initiales promises à 100 Millions de $ on été réduites à moins de 6 Millions de $ par les autorités locales -.

Il est fréquent que la population se dresse contre les autorités locales, dont le comportement est également critiqué par le Centre. Le 31 décembre, le Global Times, appartenant au groupe du Quotidien du Peuple, organe officiel du Parti, indiquait qu’une équipe d’experts allait se rendre sur place pour enquêter.

Expropriations, démolitions et compensations. Nouvelles règles

Le 22 janvier, le bureau des affaires juridiques du Conseil des Affaires d’Etat et le Ministère du logement ont publié une nouvelle règlementation destinée à mettre fin aux abus des évictions violentes et à l’insuffisance des compensations accordées aux expropriés.

L’initiative fait suite à plusieurs incidents graves survenus en 2010 : En mars, 2 fermiers de la province du Jiangsu se sont immolés par le feu (un mort et un blessé grave) pour protester contre la faiblesse des compensations accordées après éviction. Moins de 6 mois plus tard un cas similaire s’est produit dans le Jiangxi (un mort, un gravement brûlé). En octobre dernier, dans le Shanxi, un homme de 54 ans a été violemment expulsé de sa maison avant démolition et battu à mort.

La nouvelle règlementation prévoit notamment que les expropriations ordonnées par les autorités locales ne pourront plus concerner que « l’intérêt général », dont l’utilisation des terres pour la défense nationale, la production d’électricité, les transports publics, la santé, l’éducation ou les logements destinés aux faibles revenus.

Les sociétés de développement immobilier sont désormais exclues du processus d’expropriation et de démolition qui dépendra uniquement des autorités locales. Les actions violentes de même que les coupures d’eau et d’électricité destinées à faire pression sur les occupants sont interdites. Les compensations devront se conformer au prix du marché en vigueur. Si aucun accord n’est trouvé entre les propriétaires et les autorités locales, c’est la justice qui statuera.

La promulgation des nouvelles règles, à l’étude, sous les auspices de plusieurs professeurs de droit de l’Université de Pékin et de l’Université du Peuple depuis 2007, semble avoir été accélérée par l’évolution sociale qui, de plus en plus, demande des comptes aux pouvoirs publics. Elle heurte de plein fouet les pratiques des autorités locales qui tiraient de considérables bénéfices de leur collusion bien connue avec les développeurs, dans un contexte général où le concept de propriété reste ambigu en Chine.

 

 

Orage nationaliste sur les réseaux sociaux

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