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›› Economie

Restructurer l’économie

Andy Xie, docteur en génie civil et en économie du Massachussetts Institute of Technology, est aussi l’ancien représentant en Chine de Morgan Stanley, après avoir été analyste au FMI. Il est connu pour ses analyses sans concession de la situation économique mondiale et ses mises en garde répétées sur les risques des bulles spéculatives, en Chine et ailleurs.

Le 11 mars dernier, il publiait dans le magazine Xaicin une longue mise en garde sur l’urgence de restructurer l’économie chinoise, dans un contexte où la hausse durable des prix de l’énergie et des salaires en Chine, ajoutée à la faible demande des pays développés endettés, allaient rendre inopérant l’actuel modèle de développement, basé sur l’investissement et l’export, où la faible consommation intérieure générait un retour insuffisant sur les investissements publics.

Le 29 mars, la commission de régulation bancaire pointait aussi du doigt les risques internes liés à la spéculation immobilière et aux dettes non encore apurées des institutions financières locales. En même temps, elle rappelait les incertitudes de l’économie mondiale, marquée par l’endettement du Japon, de l’Europe et des Etats-Unis, où les politiques d’incitations monétaires ajoutaient encore aux pressions inflationnistes des pays émergents.

Andy Xie rappelle que le schéma de croissance privilégié en Chine par les pouvoirs locaux et que Pékin tentait de réformer, basé sur l’investissement, créait une pression inflationniste, détournait les ressources publiques des secteurs de la santé et de l’éducation, entretenait un taux de rémunération de l’épargne négatif et exerçait une pression fiscale excessive sur la classe moyenne, tandis qu’en proportion, les entreprises d’état et les grandes fortunes étaient beaucoup plus légèrement taxées.

Ce cercle vicieux - investissements massifs dans l’infrastructure et l’immobilier, générateurs de hausse des prix, taxation abusive de la classe moyenne, dont l’épargne n’est pas rémunérée, faiblesse des revenus des ménages et indigence du système de sécurité sociale - était à l’origine des échecs répétés des pouvoirs publics pour rehausser la part de la consommation interne dans le PNB, qui, en Chine stagnait encore à 30% alors que dans la plupart des pays émergents elle était de 50%.

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Le risque qui se profilait était une grave réduction du pouvoir d’achat due à l’inflation mal contrôlée, pouvant générer une instabilité sociale. A Pékin, lors de la dernière ANP, la hausse des prix était devenue un souci majeur, d’autant que, pour la première fois depuis 15 ans, une part importante de la population chinoise était victime d’une baisse du pouvoir d’achat.

Sauf à risquer des troubles internes, il était donc urgent de casser la spirale inflationniste et de relever le pouvoir d’achat des Chinois 1) en réformant le système de taxations - y compris la TVA aujourd’hui de 17% - qui détourne la richesse de la classe moyenne vers l’Etat, tandis que les gros revenus, les spéculateurs et les entreprises publiques sont protégés,

2) en rehaussant les taux d’intérêt, d’au moins 2 points pour inverser une situation où le manque à gagner des épargnants est estimé à 5 000 Mds de Yuan en 2010 (536 Mds d’euros), qui représentent 2,5 fois les profits cumulés des entreprises d’état chinoises sur une année et dessine une situation où les épargnants sont parmi les plus mal traités au monde.

Les pouvoirs publics entendent corriger ces déséquilibres par des programmes de logements à prix modérés. Même s’ils réussissaient, ces plans sociaux ne réduiraient pas la grogne montante de la classe moyenne, dont l’ambition est d’être en mesure de s’acheter un appartement au prix du marché. A ce propos Andy Xie souligne que quand un « col blanc », qui a toutes les raisons de considérer qu’il a réussi, ne peut pas s’acheter un appartement après dix années de travail, cela signifie que quelque chose « ne tourne pas rond dans le marché et dans l’économie ».

Quant au deuxième moteur de la croissance, alimenté depuis dix ans par une hausse annuelle des exportations de 20%, il s’essoufflera à mesure que les économies développées tenteront de réduire leurs déficits. Là aussi une restructuration s’impose, pour abandonner le schéma quantitatif et réorienter l’outil industriel vers des produits à forte valeur ajoutée. Cette exigence renvoie aux appels répétés des dirigeants pour réorganiser le secteur productif, notamment par l’importation de hautes technologies.

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Commentaires : Les pouvoirs publics chinois sont conscients de ces urgences. Depuis 2002 ils tentent de corriger un schéma de développement qui pourrait assez vite devenir obsolète, dans un contexte où l’inflation devient une menace sociale. Pour l’heure, de nombreux obstacles, dont la structure imbriquée des affaires et des pouvoirs locaux qui favorisent les investissements d’infrastructure et immobiliers, tout en subventionnant les exportations à faible valeur ajoutée, ont freiné les réformes.

La crise économique, la hausse des prix des matières premières et de l’énergie, l’augmentation des coûts de production, la hausse des salaires, l’atonie persistante des économies développées, principaux clients de la Chine et les risques inflationnistes sont autant de facteurs qui mettent les dirigeants au pied du mur. A plus long terme le vieillissement de la population, qui diminuera encore le réservoir de main d’œuvre bon marché ajoutera à ces pressions.

Le pouvoir compte beaucoup sur l’urbanisation rapide et le décloisonnement géographique du marché de l’emploi pour augmenter le revenu moyen des ménages, éloigner les risques de contestation sociale, accroître la consommation interne et accompagner la transition vers un schéma économique moins dépendant des investissements et de l’export.

Il restera à accomplir la transition qualitative, dont le pouvoir souligne sans cesse la nécessité. Il n’y parviendra que s’il parvenait à réorienter les ressources financières vers les besoins à long terme de la société (santé, éducation, recherche, services publics) et en restructurant sans faiblir le secteur productif.

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Brèves.

Situation de l‘économie globale : Le Vice-président de la Banque Mondiale, Lin Yifu, - transfuge taïwanais, réfugié en Chine en 1979 après avoir déserté l’armée taïwanaise -, titulaire d’un MBA d’économie de l’université Chengchi (Taïwan) et d’un doctorat d’économie de l’Université de Chicago, a récemment livré ses prévisions sur la situation de l’économie mondiale et de la Chine.

La planète doit faire face à 4 défis majeurs : Surcapacités dans les pays développés ; accumulation des dettes en Europe et aux Etats-Unis ; excès de capitaux ; inflation. La croissance des pays développés, encore handicapés par un fort taux de chômage et des surcapacités industrielle, stagne à 2,8% et pourrait augmenter à 3,3% en 2011.

La moyenne de la croissance des pays en développement en 2010 a été de 7%. La Chine et l’Inde seront les moteurs de la croissance pour 2011. Partout dans le monde, la hausse des prix de l’alimentation et des ressources pourrait créer des instabilités sociales. Lin Yifu estime cependant qu’en dépit des déficits en ressources, des déséquilibres structurels et des lacunes de son système financier, « la croissance chinoise restera stable à 8% pendant 20 ans. »

Difficultés pour les entreprises taïwanaises. Les patrons des petites et moyennes entreprises taïwanaises commencent à se plaindre de la modification du climat des affaires en Chine (hausse des salaires, contrats de travail plus restrictifs, augmentation des impôts). Compte tenu de la compétition sur l’Ile, pour beaucoup d’entre elles le retour serait une option compliquée. Il leur reste la délocalisation vers le Grand Ouest chinois ou une expatriation dans un pays d’Asie du Sud-est.

Taux d’intérêt et réserves obligatoires. Le 25 mars la Banque Centrale a pour la 6e fois depuis octobre augmenté le taux de réserve obligatoire des banques, qui a atteint un taux record de 20%. Le 8 février, la BOC avait augmenté les taux d’intérêts pour la 3e fois depuis octobre.

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Mais la rémunération des dépôts, portée à 3%, reste encore nettement inférieure à l’inflation estimée à 4,9% pour le mois de mars par le magazine Caixin. Le taux de réserve obligatoire commence à sérieusement entamer les profits des banques. Quant à la hausse des taux d’intérêt, elle pèse lourdement sur les finances des gouvernements locaux très endettés et présente le risque d’accélérer l’afflux de capitaux, également un facteur d’inflation. Si l’inflation continue la BOC pourrait accélérer le réajustement de la parité de sa monnaie avec le dollar.

Investissements chinois aux Etats-Unis. Répondant aux critiques de la Chine qui soupçonne Washington de freiner les investissements chinois, l’Ambassade US à Pékin a, le 29 mars, rappelé l’importance des investissements chinois aux Etats-Unis. Dans un mouvement global d’accélération de ses engagements à l’étranger - passés globalement de 3 Mds de $ en 2002, à 59 Mds de $ en 2010 -, les investissements chinois aux Etats-Unis ont augmenté de 448 Millions de $ à 2,3 Mds en 2010.

Les principaux investissements sont répartis dans la production de pièces détachées de voitures, (WANXIANG), d’ordinateurs portables (LENOVO), d’électroménager (HAIER), d’équipements lourds (SANY), dans l’énergie (énergies propres et schistes bitumeux). Ces chiffres, en augmentation rapide, sont cependant à comparer avec les investissements français ou allemands aux Etats-Unis qui, en 2009, s’élevaient à 24 Mds de $ pour chacun de ces pays.

Le G20 à Nankin. La réunion a eu lieu le 31 mars à l’initiative de la France, et après de longs pourparlers pour que Pékin l’accepte. Présentée par Paris comme une réunion d’exploration des possibilités de refonte du système financier international, elle n’a, comme prévu, abouti à aucun résultat concret.

Dans une atmosphère insolite, où le pouvoir chinois a minimisé l’exercice, qualifié de « réunion informelle » par Xinhua , il est apparu : 1) que Pékin continuerait à refuser de se laisser imposer le rythme de réajustement de sa monnaie - le 21 juillet 2005 le RMB était à 8,11 RMB pour 1 $, le 31 avril 2011, il était négocié à 6,54 RMB pour 1 $, son taux le plus haut depuis 17 ans, soit une réévaluation de 19% en un peu moins de 6 ans -, et : 2) que la Chine ne discuterait pas des conséquences négatives pour l’équilibre des finances mondiales de réserves de change excessives, question pourtant évoquée par Paris, il y a quelques semaines.

Sur ce point, tous les experts s’accordent à dire que ses réserves de change permettent à la Chine de conserver un RMB sous-évalué. La masse des réserves de change est en effet utilisée pour créer de la monnaie nationale, ce qui l’empêche de s’apprécier. Dans une situation d’équilibre, les économistes estiment que les réserves de change devraient se situer au niveau de la dette extérieure du pays. En Chine, elles excèdent de beaucoup ces montants.

La réunion a également mis en évidence la forte opposition des Etats-Unis à la proposition française d’intégrer le RMB chinois au « panier des monnaies » permettant de calculer les Droits de Tirage Spéciaux du FMI, alors même que la monnaie chinoise n’est pas convertible. A ce sujet, Timothy Geithner a répété : « un marché financier ouvert et un taux de change libre sont les conditions nécessaires, que la Chine ne remplit pas, pour que le RMB soit associé au Dollar et à l’Euro, au Yen et à la Livre. » Cette remarque était approuvée par J.C. Trichet, Directeur de la Banque Centrale Européenne.

La production de l’appareil industriel est repartie à la hausse en mars pour la première fois depuis 4 mois. La tendance a temporairement mis fin aux inquiétudes selon lesquelles la politique de resserrement anti-inflation aurait un impact sur la croissance et la production. Selon la Banque de Chine, la masse monétaire et le crédit sont sous contrôle et l’inflation sera maîtrisée.

 

 

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