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›› Technologies - Energie

HUAWEI, le flambeau du succès High Tech, pilier de la captation de technologies ?

S’il existe une société de hautes technologies emblématique de la modernisation de la Chine et de son implication internationale, y compris dans les régions troublées, dont la marque se pose déjà parmi les plus grands équipementiers de télécom, concurrent global des géants tels que Nokia Siemens, Cisco, Ericsson ou Alcatel, c’est bien Huawei (华为).

Présente dans 140 pays, la firme chinoise s’est insinuée dans les marchés mondiaux par un extraordinaire effort d’adaptation technologique - qui contredit la mauvaise réputation de basse qualité des produits chinois -, appuyée par la force de frappe incomparable de la Banque Chinoise de Développement, bras étatique de l’expansion commerciale de la Chine, dont les prêts à long terme et à faible taux d’intérêt confèrent à la marque, quoi qu’elle en dise, un avantage indiscutable sur les marchés où, de surcroît, ses offres sont parfois 25% moins chères que celles de ses concurrents.

Une stratégie circulaire…

Après avoir reconquis de haute lutte une partie du marché chinois, par une approche concentrique à partir des campagnes, où ses concurrents étrangers étaient peu présents, pour, ensuite, marcher sur les plates bandes des géants mondiaux dans les grands centres urbains de la cote Est - mais il y a loin de la coupe aux lèvres car, en Chine, Alcatel-Lucent détient encore 25 % du marché dans l’infrastructure du fixe et Cisco 50% du marché des routeurs -, Huawei développe, depuis plus 15 ans, une stratégie globale analogue qui avance progressivement vers les marchés sophistiqués et plus exigeants des pays développés de l’Europe et de l’Amérique du Nord.

Partie des pays en développement ou troublés (Moyen Orient, Afghanistan, Pakistan, Afrique, Amérique latine, Asie du sud-est), la compagnie chinoise arrache aujourd’hui des marchés à ses concurrents dans leurs propres fiefs d’origine - selon ZTE, son compétiteur chinois, elle détiendrait près de 20% du marché européen -. Elle a également solidement pris pied au Canada en remportant l’appel d’offres pour les réseaux d’internet sans fil de Bell et Telus (2008), puis en signant avec eux un accord pour la création d’un « pôle d’innovation » (Janvier 2011, source Huawei).

Depuis un an et demi, provoquant une effervescence latente dans le monde des technologies de l’information, le bruit court même que Huawei serait intéressé par le rachat d’Alcatel-Lucent, également propriétaire des laboratoires Bell. Probablement infondée, ou provocation délibérée de Huawei, la rumeur, resurgie en mars dernier, n’en a pas moins a provoqué une hausse de 8,8% des cours du groupe franco-américain. Elle est aussi une indication que le géant chinois s’est taillé une place dans la cour des grands.

…Un champion de la R&D et de l’innovation.

Aujourd’hui la société qui emploie plus de 100 000 personnes, et dont 70% des ventes se font à l’export, est devenue le n°2 mondial des équipementiers de télécommunications avec des ventes annuelles atteignant 29 Mds de $, à quelques encablures seulement des 30 Mds du n°1 Ericsson.

Ses efforts pour se maintenir à la pointe de la high-tech sont considérables. Plus de 60 000 personnes travaillent dans 20 « pôles d’innovation » et 17 centres de R&D répartis dans 6 pays, dont la Chine. En 2010 le groupe a consacré 2,5 Mds de $ à la recherche, en augmentation de 500 % depuis 2004, n°3 en Chine et au 37e rang mondial. Selon la World International Property Organization (WIPO), Huawei se classe aussi au 2e rang mondial pour les brevets déposés.

Selon une étude menée par « The Economist » et publiée en décembre 2010, à côté de ses investissements importants dans la recherche, son organisation et sa gestion des ressources humaines en réseaux, au lieu des traditionnelles hiérarchies verticales, sa vision du long terme et son système de décision collégial, ajoutés à ses constants échanges et collaborations avec les meilleurs experts étrangers, confèrent à la société une force de frappe innovatrice redoutable.

…Et une exigence d’excellence.

Et pourtant, ces indéniables succès commerciaux et technologiques qui fondent la crédibilité de la compagnie, dont il faut aussi souligner qu’elle est un des seuls groupes chinois n’ayant pas diversifié ses activités et investissements dans une multitude de secteurs parallèles comme l’immobilier, la grande distribution, l’énergie ou les mines, n’effacent pas un sentiment d’urgence, de fragilité et de frustration.

Ce dernier s’alimente d’abord de l’exigence pressante d’une nouvelle montée en gamme capacitaire dans les domaines des logiciels et des services, qui recèlent les plus importants gisements de profits et où Huawei s’est laissé distancer par Ericsson.

Dans un article récent, The Economist raconte qu’il y a dix ans Ren Zhengfei (67 ans), le patron de Huawei, ancien ingénieur de l’APL, qui ne parle jamais à la presse, avait déjà manifesté une crise de nihilisme, lors de l’explosion de la bulle des start-up des nouvelles technologies de l’information : « Le déclin et la banqueroute guettent Huawei. Avait-il prédit, nous sommes au printemps, mais l’hiver est proche. N’oubliez pas que le Titanic avait pris la mer dans une atmosphère de liesse, au milieu des hourras ».

Ren Zhengfei connaît mieux que quiconque ses fragilités et espère bien y remédier. La compagnie chinoise a en effet construit sa force grâce à une organisation exemplaire, une série d’innovations dans les équipements de réseau, le tout appuyé par des prix et des facilités de paiement incomparables accordées aux clients. Mais elle est moins préparée à la course aux logiciels de pointe et à la compétition pour la qualité des services clients, domaines où Ericsson excelle.

Le réajustement - rattrapage est cependant en cours. Huawei affirme en effet que son nouveau créneau stratégique, cependant déjà investi par d’autres, sera constitué par les « smartphones » et les tablettes numériques, où, d’ici 2013, la firme espère figurer dans les 5 premiers mondiaux, grâce à une politique de prix agressive qui commercialisera les portables dernier cri entre 70 à 200 $.

Joignant le geste à la parole, le 20 juin, le groupe a dévoilé une tablette numérique baptisée MediaPad destinée à concurrencer l’iPad d’Apple (80% des ventes mondiales), fonctionnant sous le système d’exploitation Android de Google et disposant d’un processeur conçu par l’Américain Qualcomm, avec des applications Facebook et Twitter pré-installées.

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Soupçons et frustrations.

Ayant appris les techniques de management modernes lors d’un voyage aux Etats-Unis dans les années 90, conscient des défis de la haute technologie et des exigences de la R&D où sa compagnie est en pointe, toujours aux aguets et inquiet de l’avenir, Ren Zhengfei éprouve cependant ses plus vives frustrations quand il se heurte aux obstacles qui, pour l’instant, lui ferment le marché des Etats-Unis où plane, comme ailleurs, l’insistant soupçon que sa compagnie est l’un des principaux instruments chinois de l’espionnage high-tech.

En 2005, Huawei était victime de deux blocages gouvernementaux, l’un par Londres qui lui interdisait l’achat de la société Marconi, finalement vendue à Ericsson. L’autre par New-Delhi qui s’opposait à la vente d’équipements d’infrastructure à la compagnie nationale de télécom BSNL.

En 2008, les autorités américaines bloquèrent l’achat par Huawei de la société 3Com, qui produit des logiciels anti-intrusion pour l’armée. En novembre 2010, le gouvernement américain annulait un contrat de plusieurs milliards de $ entre Huawei et le 3e opérateur de téléphonie mobile et d’internet américain Sprint Nextel. Enfin, en février 2011 Washington contraignait la compagnie chinoise à annuler l’achat de logiciels de la compagnie 3Leaf en faillite.

Le 17 février 2011, en réaction à ses rebuffades renouvelées, le porte parole du gouvernement chinois répétait une fois de plus que les questions de sécurité étaient un prétexte pour freiner les investissements chinois aux Etats-Unis. Il est un fait que la part de marché de Huawei sur le marché nord-américain n’est que de 12%, alors qu’ailleurs dans le monde, où elle a doublé en 4 ans, elle atteint 33%.

Alors que Pékin et Huawei accusent leurs détracteurs de protectionnisme et de xénophobie, les soupçons de tous les services de renseignement occidentaux, auxquels s’ajoutent ceux de l’Inde, s’alimentent d’abord de l’opacité de la société qui n’est pas cotée en bourse et reste très discrète sur la structure de son capital.

Les analystes soulignent en effet que, puisque Ren Zhengfei dit lui-même ne posséder que 1,42% des parts et que rien ne filtre du groupement des actionnaires tous officiellement employés de Huawei se partageant le reste du capital, la question de savoir qui contrôle vraiment la société reste ouverte.

Enfin, le fait que le géant high-tech chinois soit le spécialiste attitré du contrôle de la sécurité télécom et informatique des ambassades chinoises à l’étranger ajoute encore à l’image sensible d’une société directement connectée au pouvoir chinois, généralement considérée, malgré ses démentis insistants, comme la clé du dispositif technique mis en place par la Chine pour collecter les informations de haute technologie en liaison avec la Commission Militaire Centrale et plusieurs ministères, dont ceux des sciences et technologies et de la sécurité publique.

Une image à corriger.

Récemment Huawei, dont les équipements sont vendus dans le monde entier, et qui nie toute connexion avec l’APL et le système de sécurité chinois, a ouvert son siège et ses usines de Shenzhen à plusieurs journalistes occidentaux et lancé une campagne de relations publiques, accompagnée d’un exercice de transparence destiné à corriger son image.

En février 2011, après le blocage du rachat des logiciels de 3Leaf et créant un précédent dans ce type de controverse avec une société chinoise soupçonnée d’espionnage, le représentant de Huawei aux Etats-Unis, Ken Hu, adressait une lettre ouverte à la Maison Blanche, pour demander des clarifications et inviter les agents de sécurité américains à contrôler sa société.

Il concluait « nous croyons pouvoir travailler étroitement avec le gouvernement des Etats-Unis pour résoudre toutes les difficultés et nous nous conformerons à toutes les exigences de sécurité supplémentaires, quelles qu’elles soient ».

Mais les plus gros efforts de relations publiques et de transparence ont peut-être été consentis en Inde, où Huawei s’apprête, à la demande des services de sécurité indiens, à fournir le savoir-faire et les dispositifs techniques destinés à tester la sécurité des équipements de télécom importés en Inde, dont la plupart sont vendus par des sociétés chinoises.

Pour faire bonne mesure, et après avoir promis d’aider les ingénieurs indiens à tester, entre autres, la sécurité de ses propres exportations d’équipements, la rumeur court que Huawei aurait dévoilé au gouvernement indien la structure de son capital, ce que la société n’avait jamais consenti à faire jusqu’à présent.

La stratégie corrective est peut-être efficace, car, lors de sa dernière visite en Chine, en mai dernier, le ministre de l’économie hollandais, Maxime Verhagen a explicitement demandé à rencontrer Ren Zhengfei pour l’inciter à investir aux Pays Bas.

Une proposition qui prenait le contre pied des méfiances exprimées par les Pays Bas il y a seulement deux ans, quand le ministère de l’intérieur mettait en garde contre les risques de sécurité posés par Huawei.

Mais chacun sait bien que, s’il est vrai qu’une réputation se détruit en un tour de main, elle est infiniment plus difficile à reconstruire, surtout si, aux soupçons de sécurité et de dumping sur les prix, s’ajoute le fait qu’elle subit également les effets d’une féroce compétition stratégique, technologique et commerciale.

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EN BREF

7e édition du forum CHINICT.

La high-tech chinoise a été placée sous le feu des médias internationaux à l’occasion de l’édition annuelle de la foire à l’innovation chinoise CHINICT - 26 et 27 mai 2011 -, dont la première édition avait eu lieu en 2005.

L’engouement se nourrit de la voque des entreprises IT chinoises comme Tencent (messageries instantanées), Sina (portail Internet) ou Baidu (recherche en ligne). Comme ailleurs, l’attrait des investisseurs de la planète repose sur le potentiel du marché, puisque les 437 millions d’internautes ne représentent encore que 35% de la population chinoise.

Leur succès s’est essentiellement appuyé sur la capacité à s’inspirer des technologies américaines mises au point par google, facebook ou twitter et à les adapter au goût et exigences du marché chinois, donnant naissance à des « start-up » à l’ascension fulgurante comme Baidu, Weibo ou QQ.

Les organisateurs du forum affirment dans leur plaquette publicitaire en ligne que « la Chine est en train de dépasser la Silicon Valley pour devenir le foyer de l’innovation mondiale ». Il y a cependant loin de la coupe aux lèvres puisque le cœur de tous les produits mis au point par les compagnies chinoises est un dérivé direct ou indirect des innovations américaines.

L’aéronautique chinoise au salon du Bourget

Lors de la 49e édition record du salon du Bourget - 2113 exposants, venus de 45 pays, 345 000 visiteurs, dont 145 000 professionnels, 150 aéronefs présentés, 730 commandes pour l’Airbus A 320néo, plus économe en carburant -, la Chine et la COMAC (Commercial Aircraft Corporation of China 中国商用飞机有限责任公司), constructeur chinois dérivé de l’AVIC, ont présenté les maquettes de l’ARJ 21, 100 places - certification attendue à la fin de 2011 - et du C919 , 168 places - certification attendue en 2014 -.

La commercialisation des deux appareils qui ne sont pas encore complètement au point, bénéficiera de l’explosion attendue du marché de l’aéronautique. Selon Boeing, d’ici 20 ans, 35 000 appareils de 100 à 200 places devraient s’ajouter à la flotte mondiale.

L’Onera, précise que ce chiffre est basé sur une hypothèse de croissance annuelle du trafic aérien de 5,1 %, tiré par l’augmentation du PIB de l’Asie et des BRICs (Brésil, Russie, Inde, Chine). Il préfigure la multiplication inéluctable des constructeurs qui viendront briser le duopole Boeing Airbus.

Le C 919 aurait déjà fait l’objet de 55 commandes fermes de la part des compagnies chinoises et de 2 compagnies de leasing américaines. La compagnie Ryanair a placé une option pour 200 appareils, à condition que la capacité soit portée à 200 sièges.

En attendant, la coopération s’accentue entre la COMAC et les géants actuels du secteur, constructeurs ou équipementiers - dont 17 apportent leur technologie et savoir faire à l’ARJ 21 et au C 919 -.

Après l’installation à Tianjin d’une usine de montage des Airbus - 1er appareil sorti des chaînes de montage chinoises, le 23 juin 2009 - GE Aviation a signé une JV 50 / 50 avec AVIC pour une coopération sur l’avionique du C919, tandis que Safran et GE installent une usine en Chine pour la production du moteur, à faible consommation CFM Leap - X qui équipe déjà l’A 320néo.

Thalès, qui, en 2000, avait vendu à la Chine 6 radars à usage civil et militaire de surveillance de l’espace aérien, vient de signer un accord pour l’installation d’un système TV - Vidéo dans la cabine passagers du C 919.

Parmi les autres équipementiers en lice pour le C 919, citons Hamilton Sundstrand (système électrique), Nexcelle (nacelle du moteur), Kidde aerospace - avec Hamilton (sécurité incendie), Parker Aerospace (systèmes hydrauliques) et Rockwell (simulateur de vol), Liebherr Aerospace (train d’atterrissage).

Microsoft fournira à Baidu son moteur de recherche en Anglais.

Une année après le départ de Google, en partie pour protester contre la censure, son rival Microsoft a conclu un accord avec Baidu.com pour lui proposer son moteur de recherche destiné aux 10 millions d’abonnés chinois parlant anglais. Microsoft fait le pari que, par ce biais, il accédera au marché des 470 millions d’internautes chinois.

Google est toujours en partie accessible en Chine pour des recherches en Chinois et en Anglais non censurées, mais l’année dernière il a installé son siège social à Hong Kong. En dépit des échauffourées de 2010, Google reste n°2 en Chine derrière Baidu qui détient 80% du marché.

Le TGV Pékin - Shanghai sur les rails.

Le voyage inaugural du TGV Pékin - Shanghai a eu lieu le 27 juin. La distance de 1318 km - la plus longue ligne de train rapide du monde - a été avalée en 5 heures, à la vitesse moyenne de 269 km/h, soit 2 fois plus vite que les trains traditionnels.

Le gouvernement chinois, qui a engagé 106 Mds de $ sur le programme national TGV en 2011, annonce que le réseau TGV comptera 13 000 km de voies rapides à la fin de l’année et 16 000 km en 2020.

Utilisant des technologies japonaises, françaises et allemandes, le TGV chinois est en pourparler pour des ventes en Amérique Latine et aux États-Unis. Cette perspective a soulevé des controverses avec Kawasaki qui dit avoir accepté de céder sa technologie contre la promesse qu’elle ne serait pas utilisée à l’export.

Ma Yunshang, vice-directeur du centre technologique TGV de Qingdao Sifang expliquait qu’après des essais et améliorations, le TGV chinois CRH 380 A « était totalement différent su prototype importé du Japon (...) Il est vrai que nos technologies viennent de pays étrangers, mais cela ne signifie pas que les nôtres leur appartiennent aussi. Nous y avons ajouté notre expérience et notre propre technologie pour ajuster le TGV à nos besoins. Le nouveau train ne leur appartient plus ».

Le 27 juin, le porte parole du ministère du rail confirmait que la Chine allait continuer ses prospections pour l’export. Dans le même temps, il annonçait - étape indispensable pour légaliser les exportations - que 21 demandes de brevet avaient été déposées aux États-Unis, au Brésil, en Europe, en Russie et au Japon.

 

 

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