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›› Economie

Les réserves chinoises et les bons du trésor américains. La force des choses

Les faits sont têtus et les dirigeants chinois pragmatiques et prudents, anticipant une nouvelle crise économique mondiale, ont continué à acheter des bons du trésor américains, en dépit des critiques et mises en garde exprimées par les milieux officiels de Pékin eux-mêmes.

Le 8 août dernier, l’agence Xinhua dénonçait encore une fois la « dilapidation des emprunts à l’étranger par les Etats-Unis » et appelait à une « surveillance internationale du Dollar américain et à la création d’une nouvelle monnaie de réserve, pour éviter que la catastrophe soit provoquée par un seul pays ».

Cette critique venait juste après une déclaration du ministre des Affaires étrangères, Yang Jiechi, qui appelait Washington à « adopter une politique financière plus responsable et à garantir la sécurité des avoirs étrangers ».

Il n’en reste pas moins qu’entre avril et juin dernier la Banque de Chine a fait l’acquisition de 26 Mds de $ de bons du trésor émis par les Etats-Unis, ce qui portait le total des engagements chinois dans la dette américaine à 1200 Mds de $, en augmentation de 30% en 9 mois. Le tout représentant plus du tiers de ses réserves de change, évaluées à 3200 Mds de $ en juin 2011 (China Daily 2 août 2011).

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Une logique financière imparable.

A ceux qui s’interrogent sur les raisons de ces contradictions, la presse officielle chinoise a récemment apporté des réponses argumentées qui en disent long sur l’appréciation chinoise des risques qui pointent à l’horizon et sur la manière dont Pékin considère les Etats-Unis. Dans un éditorial en ligne en date du 19 août dernier, le Quotidien du Peuple expliquait d’abord qu’à l’heure où se profilent de nouveaux risques financiers majeurs, les investisseurs attachaient beaucoup plus d’importance à la sécurité de leurs actifs qu’à leur rentabilité.

Ceci étant posé, tout le reste de l’article visait à démontrer que, tout bien pesé, les bons du trésor américains étaient encore le placement le plus sûr. L’or pourrait offrir des garanties, mais les disponibilités étaient largement insuffisantes pour la quantité de capitaux à la recherche d’un refuge. On pouvait aussi constituer des stocks de ressources sensibles mais, outre que les accumulations feraient monter les prix, ce qui aggraverait la tendance inflationniste en Chine, « leur marché avait été financiarisé et ne présentait aucune garantie ».

Poursuivant sa démonstration l’article ajoutait qu’en réalité, si une crise financière survenait, la probabilité la plus grande serait que les 16 000 à 17 000 Mds de $ de capitaux spéculatifs qui circulent dans le monde chercheront refuge en achetant la dette la moins exposée. Or, ajoutait le Quotidien du Peuple, ni le Yen ni l’Euro n’offraient une assurance comparable à celle du Dollar américain, dont la force reposait sur la stabilité du système politique, la qualité de l’éducation et la vitalité de l’innovation technologique.

« Mesurée à ces standards, la devise américaine reste à l’évidence la plus sûre. S’il est vrai qu’elle se déprécie, il n’en reste pas moins qu’aucune autre monnaie ne peut lui être comparée ».

Pour l’auteur, il en résultait que, plus la situation financière mondiale deviendrait volatile, plus la dette américaine et les investissements aux Etats-Unis seraient considérés comme des recours sûrs. Ceci expliquait largement pourquoi la Chine avait augmenté ses achats de bons du trésor américains.

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Se libérer du piège du Dollar.

Après cette démonstration justifiant une tendance au repli en direction du billet vert, que beaucoup continuent de trouver étonnante compte tenu des faiblesses financières américaines commentées dans tous les médias du monde, l’article concluait en évoquant les risques majeurs posés par l’éventualité d’une dépréciation des formidables réserves de change accumulées par la Chine, et proposait des solutions pour les réduire.

Pour éponger ces surplus, il convenait d’abord de remettre en ordre les structures industrielles encore chaotiques, à l’origine d’importants gaspillages et responsables d’un schéma de développement articulé autour de l’export, principale cause, avec le contrôle trop serré du taux de change, des excédents commerciaux et de l’accumulation des réserves.

Début août, le China Daily avait déjà évoqué la nécessite de réformer la gestion financière du pays. Constatant que la taille des investissements chinois à l’étranger était insuffisante pour absorber l’excédent de capital, il suggérait d’en réduire les risques en « rachetant » les réserves de change pour les réinvestir à l’intérieur.

Enfin, laissant présager de difficiles négociations au G20 pour la remise en ordre des finances mondiales, la presse chinoise, dont les éléments les plus conservateurs n’envisagent en aucune manière la convertibilité du Renmibi à court terme, réclamait la mise sur pied d’un système international de garanties sous forme d’actifs rachetables à la maturité des emprunts contractés par les Etats-Unis.

Le but était bien sûr de rassurer les prêteurs et surtout de protéger la sécurité des engagements de Pékin dans la dette américaine. Une disposition, on s’en doute, difficilement acceptable pour la Banque Fédérale.

Quant aux propositions qui circulent depuis un an d’inclure le RMB dans la composition des Droits de Tirage Spéciaux (DRS) du FMI, dans le but de créer une référence monétaire autre que le Dollar, elles pourraient se heurter aux réticences politiques des conservateurs, inquiets des conséquences sociopolitiques internes d’une réévaluation trop rapide du Yuan.

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Coups de projecteur.

1. La Chine et le monde.

Investissements publics et privés.

Les destinations des investissements d’état chinois, par le biais du fond souverain (CIC) ou la Banque Chinoise de Développement restent en priorité la dette américaine, dans une moindre mesure celle des pays européens (où les engagements chinois sont évalués à 600 Mds de $) et les pays d’Amérique Latine, d’Afrique, du MO, et d’Asie du Sud-est, où leurs objectifs sont en général les ressources (pétrole, gaz, mines). L’approche est en général prudente.

Il faut cependant s’attendre au développement rapide des investissements privés (ou semi-privés, ou de firmes prête-noms de fonds publics) avec prises de participation en Europe et aux Etats-Unis, dans des entreprises en difficultés, mais ayant un potentiel économique ou commercial et/ou recélant une technologie de pointe convoitée par la Chine. Les achats immobiliers (Londres est une destination privilégiée par les Chinois) s’amplifieront, ainsi que les engagements dans des secteurs nouveaux tels que le tourisme.

Une récente étude de la China Merchant Bank évaluait à 9000 Mds de $ la somme des capitaux disponibles en Chine pour ce type d’investissements. On estime qu’en Asie, d’ici 2015, 50% de la richesse privée serait concentrée en Chine.

Depuis 2009, la proportion des sommes engagées à l’étranger par les riches chinois est passée de 10 à 20% de leur portefeuille d’investissements. La priorité va à Singapour et Hong Kong, mais une proportion croissante est investie en Europe et aux Etats-Unis.

Investissements dans le secteur High Tech au Brésil.

En 2011, les investissements chinois au Brésil auront atteint 9 Mds de $, dont 50% iront au secteur des hautes technologies, où les fers de lance sont les 2 géants des télécom chinois, ZTE et Huawei.

Au passage, ce dernier vient d’engager à Shenzhen John Suffolk, ancien Directeur des Systèmes d’Information britanniques, responsable national de la sécurité informatique et de la lutte anti-intrusion. L’initiative montre à quel point le fleuron chinois du secteur des télécoms est décidé à corriger son image de société espion, à la solde des services secrets chinois et de l’APL.

ZTE qui réalise 9% de ses ventes mondiales au Brésil, a construit un parc industriel près de Sao Polo et espère augmenter ses ventes dans le pays à 1 Md de $ (600 Millions de $ en 2010). Le reste des engagements chinois est essentiellement investi dans les ressources minières et l’agriculture – dont l’huile de soja – par le truchement de 2 fermes établies dans le nord et le sud du pays par une société du Zhejiang.

Depuis plusieurs années les autorités brésiliennes tentent de modifier la structure des investissements chinois au Brésil – stock total estimé à 30 Mds de $, dont 17 Mds de $ pour la seule année 2010 -, jusqu’à présent orientés à 70% vers les ressources minières et les hydrocarbures. Depuis 2009 la Chine est devenue le 1er partenaire commercial du Brésil, avant les Etats-Unis.

En 10 ans, le commerce entre les 2 pays a été multiplié par 16. Le Brésil, qui est aussi un partenaire de la Chine dans le domaine spatial est sans conteste une cible majeure des attentions chinoises dans la région.

Pour l’ensemble du continent sud-américain le flux annuel des IDE est estimé à 145 Mds de $. La part chinoise est en augmentation rapide et peut-être estimée à 14% ce qui la place au 2e rang derrière les Etats-Unis (17%) et avant les Pays-Bas (13%). Selon la Commission Economique de l’ONU pour l’Amérique Latine, la proportion des investissements chinois en Amérique Latine dans le secteur des ressources primaires est encore de 90%.

Marchés publics. Levée des restrictions.

Le 1er juillet 2011, le ministère des finances annonçait que la politique de soutien aux « innovations locales », que les compagnies étrangères voyaient comme un handicap à leurs réponses aux appels d’offres publics sur les équipements et les technologies, était levée.

Les chambres de commerce américaine et européenne ont applaudi, mais « attendent de voir si les administrations locales se conformeront à cet ajustement ». Elles ont par ailleurs incité la Chine à adhérer à l’Accord de l’OMC sur les marchés publics.

Augmentation du poids de la Chine en Iran et en Irak

(AFP et China Daily). Le 16 juillet 2011, l’Iran et la Chine ont signé une série d’accords pour des projets d’infrastructures, d’un montant total de 4 milliards de dollars, dans les domaines de l’énergie, de l’eau, de l’industrie, des mines et de l’environnement.

De son côté la Chine doit augmenter ses importations de minerais iraniens, et vendre à l’Iran une soixantaine d’incinérateurs avec récupération d’énergie, d’une valeur de 500 millions de dollars. Ces derniers seront installés d’ici un an dans les grandes villes du pays et le long de la région touristique de la mer Caspienne. A la fin de l’année, le volume des échanges entre les 2 pays – la Chine est le 1er partenaire commercial de l’Iran - pourrait atteindre 40 Mds de $.

Pékin, qui achète 20% du brut iranien, a fortement renforcé sa présence économique et commerciale en Iran au cours des dernières années, notamment dans le secteur pétrolier et gazier, profitant de l’embargo occidental qui a obligé de nombreux partenaires européens de l’Iran à se retirer.

Mais des difficultés sont récemment apparues dans la relation, provoquées par les pressions de Washington et des frictions avec le partenaire iranien qui reproche aux Chinois la lenteur des travaux d’exploration. Pékin aurait récemment ordonné à CNPC de réduire ses équipes sur place.

Les différends n’ont cependant pas eu d’effet sur le volume des importations chinoises de brut iranien, resté stable à 525 000 barils / Jour. Ce qui fait de l’Iran le 3e fournisseur de la Chine, derrière l’Angola et l’Arabie Saoudite.

Accord Bagdad - Pékin

Le 18 juillet 2011, la Chine et l’Irak ont signé 2 accords, l’un de coopération économique, l’autre portant sur la formation de personnels, à l’occasion de la visite en Chine du PM irakien Nouri al-Maliki, une première depuis 1958.

Le cœur de la coopération et des échanges commerciaux entre les deux pays est le secteur des hydrocarbures, où Pékin reste un des plus grands investisseurs. En Juin CNPC fut la première des grandes compagnies mondiales à commencer l’exploitation du champ pétrolier de Al-Ahdad (25 000 barils/jour) et envisage l’exploitation de 2 autres gisements.

En mars 2010, les importations chinoises de pétrole irakien étaient de 224 000 barils/jours soit 50% de celles venant d’Iran et 20% seulement de celles venant d’Angola.

Minerai de fer. Investissements en Sierra Leone

Le groupe d’Etat Shandong Iron & Steel est en négociations avec African Minerals pour l’acquisition de 25% des parts de la mine de fer de Tonkolili en Sierra Leone, dont les réserves, estimées à 12,8 Mds de tonnes, sont parmi les plus riches du continent africain. L’accord, au prix de 1,5 Mds de $, garantirait au groupe chinois une réduction de 15% sur le prix de 10 millions de T de minerai par an. Il reste à obtenir l’accord officiel de Pékin.

Depuis ses déboires avec Rio Tinto en 2009, la Chine, qui avait à l’époque enregistré de fortes pertes à la suite d’une controverse mal gérée avec les minéraliers sur le prix du minerai de fer, dont elle importe 50% de la production mondiale, tente de sécuriser ses approvisionnement, en même temps que les prix. (Voir notre article) .

Mines de charbon en Mongolie.

Le groupe charbonnier chinois Shenhua a obtenu la plus grande part (40%) du contrat d’exploitation de la mine de Tavan Tolgoi, au sud de la Mongolie, à 200 km de la frontière chinoise (6,5 Mds de tonnes de réserves d’un charbon indispensable à la Chine, qui recèle elle-même 14% des réserves mondiales – 114 Mds de tonnes de réserves prouvées - et engloutit 45% de la consommation globale – en augmentation de 10% par an -). Au rythme actuel de sa consommation, les réserves de charbon de la Chine seront épuisées avant 2050.

Shenhua sera en compagnie d’un consortium russo-mongol (36%) et de l’Américain Peabody (24%). Le Brésilien Vale et le Franco-Indien Arcelor Mittal ont été écartés du projet.

La décision de partager l’exploitation de la mine au prix de total de 1 Mds de $, payés à l’Etat Mongol par les trois vainqueurs de l’appel d’offre, traduit la volonté politique d’Oulan Bator de se donner une marge de manœuvre face aux trois géants stratégiques, tous rivaux, qui pèsent sur la Mongolie, alors que le principal marché de son charbon reste la Chine. Certains experts ont critiqué ce choix qui pourrait conduire à des difficultés dans l’exploitation de la mine.

Chine – Russie

Izvestia

Gazprom aurait l’intention d’abaisser le prix du gaz vendu à la Chine, dans un accord qui garantit l’achat par la Chine de 70 Mds de m3/an pendant 30 ans. Mais, pour l’heure l’offre russe de 250 $/1000 m3, alors que les Européens payent 300 $, ne serait toujours pas acceptée par Pékin.

Ces informations coïncidaient avec la nouvelle rendue publique par le journal Caixin que Kirill Dmitriev, PDG du fonds souverain russe RDIF, en visite en Chine, cherchait à ouvrir un partenariat avec des investisseurs chinois. Pour Moscou, il s’agit de corriger la faiblesse des investissements chinois en Russie, qui, pour l’heure, ne représentent que 3% des engagements chinois, dont 97% sont des prêts.

Coopération Siemens – Volvo.

Le groupe Siemens a annoncé le 30 août qu’il avait signé un accord avec Volvo, racheté en 2010 par le Chinois Geely à Ford Motor. corp, pour un développement des technologies de propulsion électrique et de charge de batteries. A cet effet, Volvo livrera début 2012 une série de 200 véhicules qui seront testés par Siemens.

Cet accord donnera à Geely l’accès aux dernières technologies des voitures électriques et lui conférera un avantage important sur le marché chinois où elle est en compétition avec BYD.

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2. Economie intérieure. Restructurations industrielles

Alors que le 5e Plan prévoit plus de 200 Mds de $ d’investissements dans l’industrie aéronautique qui devient une forte priorité stratégique – en janvier on annonçait la construction de 40 nouveaux aéroports, prévoyant qu’en 2015 la flotte commerciale chinoise attendrait 5000 appareils -, le gouvernement étudie en revanche une réduction de ses investissements dans d’autres secteurs, dont il estime qu’ils nécessitent d’abord une remise en ordre.

Sont concernés 7 secteurs qui, au total, avaient bénéficié d’une enveloppe de 1500 Mds de $ pour le 12e plan quinquennal : réseau ferré et TGV – sur la sellette depuis l’arrestation de Li Zhijun et l’accident de Wenzhou, avec ralentissement des projets et de la vitesse -, énergies alternatives – dont l’énergie solaire, dans le collimateur pour des problèmes de qualité -, technologies de l’information, biotechnologie, « énergies vertes », machines outils, véhicules hybrides.

L’ampleur de la réduction n’est pas connue, mais ce coup d’arrêt traduit une prise en compte de la double nécessité de réformer le schéma de développement, encore trop basé sur l’investissement public massif, engendrant des doublons, des déficits de qualité et des gaspillages, et de réduire les dettes locales dont le gonflement est homothétique de l’ampleur des capitaux injectés par les banques d’état.

Le souci de l’Etat de mettre fin aux avalanches d’emprunts mal contrôlés des administrations locales se lit aussi dans la récente décision du Bureau des Affaires Légales du Conseil des Affaires d’Etat de sanctionner les fonctionnaires locaux ayant laissé filer la dette de la province durant leur mandat. Une tendance qui commence à engendrer un défaut de confiance de la part des investisseurs potentiels.

A cet égard un événement inhabituel s’est produit le 11 juillet dernier, puisque, pour la première fois depuis 2009, année de l’inauguration de ces pratiques, le gouvernement n’est pas parvenu à vendre 7,73 Mds de $ de bons d’emprunt au profit des administrations locales.

Fermetures de mines illégales

Fin juillet, le bureau de la sécurité du travail a fermé 1289 mines illégales. 86 responsables de mines frauduleuses ont été arrêtés. Le bilan des morts par accident dans les mines de charbon – 1083 - a été diminué de 31% au cours des 7 premiers mois de 2011. Au cours de cette période la Chine a compté 673 accidents de mines, en baisse de 20%.

Ralentissement de la hausse des prix de l’immobilier.

A l’exception de Tianjin et Hangzhou, la spéculation immobilière s’est globalement ralentie en Chine, freinée par la hausse du coût du crédit, les restrictions sur l’achat d’un deuxième bien, ainsi que par le durcissement des règles hypothécaires et celles relatives aux premières mises de fond.

La moyenne des prix se situe en Chine à 1370 $ le m2, avec de très grands écarts entre les régions. A Shanghai, la moyenne des prix est à plus de 3000 $ le m2, avec des quartiers à 7000 $ le m2.

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2.- Economie. Finances

Dettes de la Chine

Début juillet, l’agence d’analyse financière Moody’s corporation estimait que la dette chinoise s’établissait à 36% du PIB – certains la situent à 50% - . Ce chiffre prenait en compte les dettes des provinces contractées par le biais d’agences financières locales, pour tourner l’interdiction faite aux administrations provinciales de lancer des emprunts.

Dans un remarquable essai de transparence – jusqu’à il y a peu la Chine avait nié ou laissé dans le flou les dettes des administrations locales -, le 27 juin le gouvernement publiait un rapport évaluant les dettes des provinces à plus de 1500 Mds de $. Les dettes, en partie non recouvrables, qui échappent au système bancaire sont devenues une préoccupation du régime.

Les fragilités de l’économie chinoise étaient confirmées par un audit du FMI en date du 21 juillet, qui reconnaissait également que la restructuration financière et le réajustement du schéma de développement « comportaient des risques et qu’ils devaient être menés avec prudence ».

Pékin, conscient des risques de défaut de paiement de plusieurs provinces, étudie des mesures d’urgence qui vont de l’arrêt complet des transferts de l’Etat central, mesure brutale qui avait déjà et mise en œuvre dans la douleur par Zhu Rongji, à l’effacement pur et simple des dettes, en passant par la privatisation des actifs publics – séduisant mais improbable en Chine -, ou encore l’autorisation accordée aux provinces de lever des fonds en lançant des emprunts, avec le risque de perpétuer ou d’aggraver la masse des dettes non recouvrables.

Même évalué au niveau de Moody’s, l’endettement de Pékin est nettement inférieur à celui des Etats-Unis (78,7% du PIB en 2010) ou de la France évalué à 82,3% du PIB. Au surplus à la différence de la France, l’endettement chinois est en grande partie interne.

L’agence Moody’s tire cependant la sonnette d’alarme expliquant que les banques chinoises, qui, en 2008 et 2009, ont prêté 8.500 milliards de yuans (1100 milliards de $) aux gouvernements locaux, « sont très fortement exposées ». Cette appréciation coïncide avec le retrait du fonds d’investissement singapourien Temasek qui vient de vendre 3,6 Mds de $ des parts qu’il détient dans la Banque de Chine et dans la China Construction Bank (CCB).

Mais ces retraits partiels sont aussi partie d’une stratégie de refinancement après les pertes subie par le fonds en 2008, à la suite des pertes enregistrées par Meryll Linch. La correction stratégique de Temasek qui a réduit ses engagements dans le secteur financier et replié 30% de ses engagements à Singapour a généré 43% de croissance en 2009.

S’il est vrai que les cotations à la bourse de Hong Kong des 2 banques chinoises ont accusé une baisse de 3,4% pour la Banque de Chine et de 2,9% pour la CCB, les actions mises sur le marché par Temasek ont trouvé preneur en moins de 2 heures, ce qui montre l’appétit des investisseurs asiatiques pour le marché financier chinois.

Bank of America vend des parts chinoises

En vendantm en dépit des perspectives de croissance chinoise, 8 Mds de $ de ses parts dans la China Commercial Bank (CCB) BofA révèle surtout ses besoins de liquidités. Depuis 2 ans elle a réussi à capitaliser par ce moyen prés de 30 Mds de $. Après la vente, BofA conserve toujours 9 Mds de $ de parts dans CCB.

Inflation, restriction du crédit

Début juillet 2011, la Chine a augmenté ses taux d’intérêt pour la 5e fois en 6 mois, signalant que la lutte contre l’inflation – évaluée à + 6,5% en juillet - restait une priorité, en dépit des signes de ralentissement de l’économie. En juin, Wen Jiabao concédait que l’objectif de contenir l’inflation à 4% en 2011 ne serait pas atteint et réajustait la cible à 5%.

Plusieurs experts prévoyaient cependant que la hausse des taux d’intérêt de juillet serait la dernière de l’année. Le gonflement des dettes des provinces, dont une partie n’est pas recouvrable, contractées par les gouvernements locaux pour des projets d’infrastructure et immobiliers, est une des raisons qui poussera le gouvernement à cesser de manipuler le taux du crédit, dont la hausse ajoute encore aux difficultés financières des administrations locales.

Il reste que même après une hausse de 3,5% du crédit, le rendement de l’épargne reste négatif, ce qui pousse les ménages qui en ont les moyens à se replier vers l’immobilier, une tendance lourde qui nourrit la hausse du prix des logements et les craintes d’une bulle immobilière nationale.

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3.- Développement du pays.

Investissements au Xinjiang

Deux années après les émeutes au Xinjiang, le gouvernement a lancé une campagne de relations publiques promettant de stimuler le développement de la région.

Le nouveau secrétaire général du Parti Zhang Chunxian, qui tente de se construire une image plus souple que son prédécesseur Wang Lequan limogé, a promis plus d’investissements publics, tandis que gouverneur Ouïghour Nur Bekri affirmait que le Xinjiang allait augmenter ses efforts de développement et d’ouverture vers l’étranger.

Tel était le thème de la première exposition Chine – Eurasie, organisée au Xinjiang du 1er au 5 septembre 2011. Le 1er septembre, Li Keqiang, futur Premier Ministre, venu inaugurer l’expo à Urumqi devant un parterre de chefs d’état d’Asie Centrale, insistait sur le désenclavement de la province grâce aux voies ferrées, routes, lignes aériennes, télécommunications et oléoducs vers le Moyen Orient et l’Europe.

L’expo d’Urumqi est la manifestation la plus voyante de la mise en œuvre des décisions du Bureau Politique prises en 2010, sous l’égide de Hu Jintao, qui avait souhaité que le Xinjiang soit propulsé par un « bond en avant » et serve « de pont vers l’étranger ».

Faisant allusion aux questions ethniques qui plombent la province, Li Keqiang, incitait aussi aux « efforts d’harmonie » et « au développement des « relations ethniques socialistes » », prônant « l’égalité, l’unité et l’assistance mutuelle, capables d’améliorer la qualité de vie et la stabilité sociale ». Ce discours venait 2 mois après un communiqué d’Amnesty International du 5 juillet dénonçant les détentions arbitraires de plusieurs centaines de Ouïghours et la répression qui, depuis 2009, s’était traduite par plusieurs douzaines d’exécutions capitales.

Investissement publics au Tibet

(Xinhua)

Fin juillet le gouvernement annonçait 21 Mds de $ d’investissement au Tibet pour les 5 prochaines années. Les priorités iront à la construction d’infrastructures (autoroutes, voies ferrées, aéroports, centrales hydrauliques), à l’appui aux industries locales et à la protection de l’environnement.

Cette promesse d’investissements pour le développement du Tibet accompagnait deux intéressantes évolutions politiques :

 L’une à Dharamsala, où Lobsang Sangay, 43 ans Docteur en droit diplômé de Harvard, élu le 27 avril dernier nouveau Premier Ministre du gouvernement tibétain en exil, promettait, à la grande déception des militants adeptes de solutions plus radicales, de continuer la politique non violente du Dalai Lama ayant démissionné de ses fonctions politiques.

 L’autre à Lhassa, où, le 25 août, était nommé un nouveau Secrétaire Général du Parti, Chen Quanguo, économiste de 55 ans, mis en place pour mettre en œuvre le plan de développement concocté par le Centre. Il restera à montrer que la cohérence économique de cette approche saura résister aux provocations politiques d’où qu’elles viennent et répondra favorablement à la main tendue par Lobsang Sangay et aux attentes des Tibétains pour une meilleure prise en compte de leur culture religieuse.

La Banque Chinoise de Développement cible les PME

La BCD vient de décider de prendre des parts dans MP Pacific Harbor Capital, spécialisée dans les prêts aux PME en Asie. Elle sera en compagnie du fonds d’investissement new-yorkais Mattlin Patterson, déjà impliqué dans l’aide aux PME en Chine.

La décision vient après que le Vice-Premier Ministre Wang Qishan ait critiqué les banques chinoises pour leur indifférence aux petites et moyennes entreprises, et leur tendance à n’accorder des prêts qu’aux entreprises d’état. La BCD qui n’est pas cotée en bourse est le bras armé le plus efficace de la politique de Pékin.

Une enquête publiée fin juillet par le groupe Alibaba, n°1 de la vente en ligne en Chine, révélait que 80% des PME chinoises qui fournissent 80% des emplois et comptent pour 65% du PIB, souffraient de la hausse des salaires et du coût croissant des équipements. Cette proportion est en forte hausse depuis une étude de 2010.

 

 

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