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Su Tseng-chang - 苏贞昌 (Su Zhen Chang) - le retour

« Vétéran » et « pragmatique » sont les termes qui reviennent le plus souvent pour caractériser le nouveau président de Parti indépendantiste élu le 27 mai dernier par un scrutin interne au DPP, où il a obtenu plus de 55 000 voix sur les 112 000 suffrages exprimés – 50,47% -.

Agé de 66 ans, cet avocat formé à Taïwan Daxue 國立臺灣大學 l’une des meilleures universités de l’Ile, milita très tôt pour la démocratie et fut le défenseur des accusés de « l’incident de Kaohsiung » qui marqua le début du processus de démocratisation de l’Ile (Le 10 décembre 1979, une quarantaine d’opposants au parti unique furent arrêtés lors d’une manifestation de la journée des droits de l’homme, et condamnés à de lourdes peines de prison).

Vétéran de la politique, Su l’est assurément. Entre 1989 et 2004, il est élu local à Pintung et à Taipei (2 mandats, dont un contre une coalition entre le KMT et le Nouveau Parti). Il occupe ensuite, toujours assez brièvement, des postes au sommet du pouvoir sous Chen Shui-bian, dont celui de secrétaire général de la présidence (2004 – 2005), puis de premier ministre, de janvier 2006 à mai 2007. De 2004 à 2005, il est aussi une première fois secrétaire général du parti indépendantiste (DDP).

En 2007, candidat malheureux à l’investiture du DDP pour les présidentielles de 2008, il se présente comme colistier de Franck Hsieh Chang-ting contre Ma Ying-jeou, en mars 2008. Les deux sont sévèrement battus puisqu’ils n’obtiennent que 41,55% des voix contre 58,45 % au tandem Ma Ying-jeou – Vincent Siew.

Le nouveau président incarne aussi le pragmatisme affiché par le DPP après l’épisode indépendantiste exacerbé de l’ère Chen Shui-bian, dont Tsai Ying-wen s’était appliquée à corriger les dommages collatéraux, sans y parvenir totalement. L’arrivée à la tête du parti d’un policien chevronné signale incontestablement un compromis marqué par un glissement au centre, que certains au sein de l’appareil ne cautionnent pas.

Su rejette l’appellation familière de Dalu « 大陆 - Grande Terre » –, utilisée par une majorité de Taïwanais pour désigner la Chine, selon lui trop marquée affectivement et politiquement ; mais, sans abandonner la revendication centrale du Parti, exigeant que les Taïwanais soient les seuls à décider de leur destin, il évite soigneusement l’allusion à « deux Etats indépendants », rendue populaire par l’ancien président Lee Teng-hui.

Dans ce contexte, et sans surprise, il a précisé que sa politique chinoise se caractérisera par la souplesse, ajoutant qu’il n’excluait pas de se rendre en Chine pour peu que le Parti Communiste Chinois ne fixe pas de conditions préalables. Ce qui est peu probable.

Reprenant les idées de Tsai Ying-wen et de la présidente intérimaire Chen Chu, il a confirmé que le DDP allait recréer un bureau des Affaires chinoises, composé de chercheurs émérites pour, dit-il, « améliorer la compréhension réciproque avec la Chine, sur un mode plus positif et moins conflictuel. » Une autre priorité sera de rouvrir le bureau officiel du DPP aux Etats-Unis, fermé depuis 2000 et remplacé par une simple permanence, après l’élection de Chen Shui-bian à la présidence.

En interne, l’urgence sera de trouver les termes d’une relation avec le KMT, forcément critique, mais décrispée et constructive, et, surtout, de refonder l’unité du Parti fragilisé par les débats après deux échecs consécutifs à la présidentielle et les questionnements sur les avantages et les inconvénients de son recentrage politique, dont beaucoup pensent qu’il est la condition essentielle d’une victoire au présidentielles de 2016, mais fermement rejeté par les plus fervents indépendantistes.

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Brèves.

Discours d’inauguration de Ma Ying-jeou.

Le 20 mai, Ma Ying-jeou réélu pour 4 ans a prononcé un discours définissant sa politique intérieure et la nature des relations qu’il entendait développer avec la Chine, dans une ambiance de forte contestation interne au Kuomintang.

A l’intérieur, où il est sur la sellette à cause de la hausse des prix de l’énergie et des importations de viande américaine de bœuf et de porc traitée aux additifs favorisant la masse musculaire, il entend, sans surprise, appuyer son action sur les « 5 piliers » désormais classiques d’un pays développé : la croissance, la justice sociale, l’attention à l’environnement, le développement culturel et l’innovation.

Mais son autorité a été récemment remise en cause par une fronde des députés du KMT ayant refusé de voter une loi sur la taxation du capital, destinée à réagir contre les inégalités. Ce qui provoqua immédiatement la démission de la ministre des finances, Christiana Liu. En avril une vingtaine de députés du KMT avaient rejeté une loi autorisant l’importations de viande venant des Etats-Unis, traitée à la ractopamine.

Tout se passe comme si une partie des députés KMT, voyant la populatité de Ma Ying-jeou au plus bas dans les sondages (évoluant à moins de 35% d’opinions favorables, avec des chutes à 15%), prenaient déjà leur distance en vue des échéances électorales futures.

Quant aux relations avec Pékin, Ma les place toujours sous la double exigence du développement des relations économiques, encadrées par l’impératif, hautement sensible en interne, de protéger l’identité politique de l’Ile. La ligne, inchangée depuis 2008, reste les « 3 NON », qui balisent le statuquo auquel est attachée la majorité des Taïwanais : NON à l’indépendance, à la réunification et à l’usage de la force. A quoi il rajoute la variante sémantique, qui décrit la situation et la relation entre les deux rives comme celles « d’Un pays deux régions « 一國兩區 Yi Guo Liang Qu » (1) , le tout placé sous l’affabulation toujours aussi ambigüe du « consensus de 1992 ».

Enfin, ayant mesuré la sensibilité politique à Taïwan d’une proposition qu’il avait avancée il y a quelques mois, de négocier la paix avec Pékin, il a clairement fait marche arrière, rejetant le projet aux calendes grecques : « A ce stade, il n’y a pas urgence à discuter d’un traité de paix avec la Chine ». A quoi il a ajouté que la sécurité de l’Ile continuerait à reposer sur les trois piliers que sont la stabilité des relations dans le Détroit, une diplomatie stable et crédible et une défense nationale efficace. A cet effet Taïwan continuerait à acheter aux Etats-Unis des armes défensives.

Notons que seul le premier de ces trois piliers pourrait être accepté par Pékin. Les deux autres, qui affirment à la fois l’identité de l’Ile et la volonté de la défendre, constituent des motifs de tensions récurrents. De même la Chine est agacée par le report des négociations de paix qu’elle envisage comme un pas vers la réunification.

(1) Le concept de « région » est la reprise d’un terme de la Loi constitutionnelle qui dit « régir le gouvernement des peuples de la « région de Taïwan » et ceux de la « région du continent, ou Grande Terre - Da Lu 大陆 » »

Economie. Accord-cadre.

Selon les statistiques taïwanaises en mars le commerce a baissé en moyenne de 4,5% (-3,2% à l’export et -5,8% à l’import) du fait du ralentissement de l’économie globale. La croissance pour 2012 est estimée à +3,38% soit un demi-point en-dessous des prévisions. Dans ce contexte, le gouvernement est placé sous les contradictions de l’Accord-cadre, dont les effets d’abord bénéfiques pour l’Ile, grâce à la bonne volonté de la Chine, parfois au détriment de ses propres entreprises, pourraient créer une dépendance dangereuse, instatallant progressivement les conditions d’une finlandisation.

C’est pourquoi Taipei s’efforce de relever le niveau technologique de sa production pour reconquérir les marchés développés, tout en cherchant, en dépit des obstacles chinois, à multiplier les accords commerciaux avec d’autres partenaires.

A l’intérieur l’administration a identifié 6 secteurs à privilégier pour relancer l’économie et consolider ses parts de marché hors Chine : les biotechnologies, l’éco-tourisme, les énergies vertes, l’agriculture organique, la santé et les technologies de l’information.

A l’extérieur, des négociations pour des accords commerciaux ont été entamées avec les Etats-Unis, la Chambre de commerce européenne, Singapour, le Japon (signature en septembre 2001 d’un pacte d’investissement), les Philippines, l’Indonésie, l’Inde et la Corée du sud.

Enfin, la volonté affirmée par Ma Ying-jeou de participer en 2020 au projet de coopération transpacifique, lancé par la Maison Blanche en janvier 2012, procède également du souci d’alléger la pression chinoise. Toutefois, le fait que cette construction commerciale ait été envisagée sans Pékin et contre le schéma chinois d’une zone de libre échange Chine – ASEAN, crée les conditions de tensions à venir et augure mal de son succès.

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Défense de l’Ile.

La défense de Taïwan repose d’abord sur sa capacité à contrôler le Détroit, à partir de moyens d’observation et de combat qu’ils soient maritimes ou aériens. Elle se compose essentiellement de sous-marins, de chasseurs de combat, de missiles de croisière antinavires, basés à terre ou équipant les frégates et corvettes lance-missiles. A quoi il faut ajouter les missiles Sol-air PAC-3, les avions de surveillance P-3C et les chasseurs de mines. Le tout complété par une couverture radar abritée dans les montagnes de l’Ile, dont la remise à niveau est en cours.

Récemment Taïwan a mis en service les missiles de croisière Hsiung Feng-IIE (HF-2 E) d’une portée de 650 km, construits à Taïwan pour un coût total de 1 Mds de $. Ces derniers seront non seulement déployés à terre, mais ils équiperont également les catamarans antinavires furtifs Hsun Hai de 500 tonnes. Produits à Taïwan, ces derniers, dont le programme devrait être mené à bien d’ici 2014, pourront évoluer à 30 nœuds et seront équipés de 8 missiles supersoniques, version améliorée du Hsiung Feng, baptisée HF 3 E. Leur tonnage est 2 fois supérieur aux catamarans chinois de la classe Houbei.

Les 6 premiers avions de surveillance P-3C achetés aux Etats-Unis en janvier 2010 seront livrés à Taïwan entre 2013 et 2015.

Alors que la chambre des représentants américaine a, début mai, approuvé la vente à Taïwan de 66 F-16/D, les militaires taïwanais ont à plusieurs reprises exprimé leur intérêt pour le F-35 JSF, dernière génération de chasseurs, dont le développement, qui n’est pas achevé, a rencontré de nombreux problèmes, occasionnant une importante hausse des coûts.

Rien ne dit que les autorités américaines, inquiètes des réactions chinoises, approuveront ce choix, d’autant que les services de sécurité du Pentagone craignent des fuites de technologies sensibles vers la Chine.

Nouveau bâtiment chinois de projection de forces.

Naturellement les stratèges taïwanais observent attentivement la modernisation des forces chinoises. Parmi les progrès enregistrés ils notent l’augmentation des capacités de projection, qu’ils relient à la fois à la volonté de Pékin d’alourdir la présence de l’APL en Mer de Chine et à une menace d’invasion de l’Ile.

C’est dans ce contexte que le futur porte-hélicoptères de 22 000 tonnes en cours de développement par les chantiers navals chinois (CSIC pour China Shipbulding Industry & C) a fait la une de la presse taïwanaise après sa présentation au salon Défense Sécurité de Bangkok en mars dernier.

Baptisé 081, le bâtiment, dont le lancement est attendu pour 2014 serait capable d’embarquer 12 hélicoptères et plus de 1000 hommes. Cette mise en chantier ferait suite à celle des porte-chalands de débarquement de la classe Yuzhao (20 000 t), dont 3 exemplaires sur les 6 prévus ont déjà été produits.

 

 

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