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›› Société

Les 裸官 – Luo Guan -, « fonctionnaires nus », dans le collimateur

Décidément les caciques du Parti sont sur la sellette après les dérapages éthiques de la famille BO. La liste s’allonge des articles qui dénoncent les grands et petits arrangements des cadres pour améliorer leur ordinaire et profiter, avec leurs familles, d’un mode de vie normalement inaccessible au commun des mortels.

Fuite des cadres et des capitaux.

Cette semaine l’hebdomadaire de l’économie chinoise 中国经济周刊 Zhongguo Jingji Zhoukan, plaçait sous le feu de ses indiscrets projecteurs les « fonctionnaires nus 裸体官员 luoti Guanyuan ou Luo Guan ». C’est ainsi que, depuis quelques années, sont désignés avec dérision ces cadres restés seuls en Chine après avoir envoyé leur famille et leur argent à l’étranger, en attendant de pouvoir les rejoindre, une fois venue la retraite, parfois avant.

Selon le journal, le « fonctionnaire nu » type avait la cinquantaine, était proche de la retraite et avait réussi à économiser sans se faire pincer plus de 10 millions de $. Mais tous ne sont pas passés entre les mailles du filet, puisque, ajoute le journal, plus de 18 000 d’entre eux, dont quelques PDG de grandes entreprises publiques, avaient été arrêtés au cours des 12 dernières années. Ce qui fait tout de même plus de 1500 par an, en moyenne.

Le phénomène n’est donc pas anecdotique. Selon la Banque de Chine, 125 Mds de $ ont été ainsi passés en fraude à l’étranger entre 1990 et 2008. Mais l’organisation Global Financial Integrity, basée à Washington, est bien plus pessimiste.

Selon ses statistiques, le total des sommes transférées de manière illicite hors de Chine entre 2000 et 2009, tous fraudeurs confondus, cadres et particuliers, atteignait la somme faramineuse de 2700 Mds de $, soit 5 fois plus que celles échappées du Mexique, pourtant connu pour être le spécialiste de la fuite des capitaux. Il est probable qu’une partie de ces capitaux a été réinvestie dans l’économie chinoise, blanche ou grise par le biais de Hong Kong.

La tendance est endémique, ajoute le journal, et s’organise vers les destinations privilégiées que sont les Etats-Unis (75%), le Canada et Hong Kong, au point que la puissante et sourcilleuse Commission de Discipline du Parti est en train de concocter un plan « anti – fuite » pour stopper l’hémorragie. Les mesures envisagées vont de la confiscation des passeports officiels - une solution de moins en moins réaliste à mesure qu’on s’élève dans la hiérarchie - à la publication de la liste des familles séjournant à l’étranger.

L’efficacité d’internet et de la mise en ligne font que les informations publiées par la presse chinoise sont aussitôt reprises par les journaux de la planète, avec parfois des compléments précis. Ainsi le Los Angeles Times qui reprend les informations du Jingji Zhoukan, explique dans un article du 6 juin, « China steps up efforts to keep officials from leaving country », que Los Angeles avait accueilli entre autres la famille de Zhang Shuguang, un responsable du rail chinois, limogé pour avoir, selon le New-York Times, détourné près de 3 Mds de $.

Il s’était signalé dans la ville pour avoir fait l’acquisition d’une villa avec 5 salles de bain, après avoir acheté à Walnut, il y a huit ans, une demeure de plus de 800 000 $, alors que son salaire mensuel de ministre ne dépassait pas à l’époque 400 $. Son épouse et sa fille s’y était installées, ce qui faisait de Zhang, resté seul en Chine, un « Luo Guan » type et une cible pour la Commission de Discipline. Le 2 mars 2011, 15 jours après la mise à pied de son patron Liu Zhijun le China Daily annonçait que Zhang était mis en examen.

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Une endémie politiquement gênante, difficile à stopper.

La blogosphère chinoise discute du sujet sur le thème de la confiance. Les leçons de morale des « Luo Guan » sur le patriotisme et la corruption ne sont plus crédibles, dit un internaute. Mais les cadres du Parti ne sont pas les seuls, dont la vie est à cheval entre la Chine et l’étranger. A l’automne dernier, un sondage révélait que 14% des Chinois riches avaient pris leurs dispositions pour émigrer ou se préparaient à le faire. L’immigration à l’étranger n’est au demeurant pas obligatoirement liée à la corruption. Mais, explique un autre internaute, « quand ils envoient leur famille à l’étranger, ils ne contribuent pas à la confiance dans l’avenir de la Chine ».

En janvier, un cadre du Guangdong suggérait que l’avancement des fonctionnaires dont les familles sont installées à l’étranger soit bloqué. Mais Cao Lin, journaliste du Journal de la jeunesse - 中国青年报 Zhong Guo Qing Nian Bao – critiquait déjà en 2009 ces mesures à l’emporte pièce : « Les fonctionnaires ont, comme tout le monde, le droit d’immigrer. Le fait que leurs familles vivent à l’étranger n’a, au terme de la loi chinoise, rien à voir avec leur probité morale. En ces temps de globalisation s’installer à l’étranger n’est pas inhabituel. »

Certains au Parti sont résignés, tandis que les sociologues et analystes politiques des centres de recherche considèrent que le mal est chronique. Il prend en effet racine dans la crainte d’une secousse politique, en même temps que dans le sentiment d’insécurité latent, conséquence d’un système judiciaire aux ordres, dont la colonne vertébrale n’est pas l’équité et l’intégrité au service de la loi, mais la préservation à tout prix de l’ordre social et politique, au service du magistère du Parti. Voir notre article « Procès de Rio Tinto. Coup de projecteur sur le système judiciaire chinois »

Selon un professeur de Beijing Daxue, qui protège son anonymat et met brutalement les pieds dans le plat : « ceux des officiels qui peuvent expatrier épouse et enfants sont non seulement les plus puissants, mais également les plus conscients des problèmes de la Chine, dont ils savent bien que le modèle de développement n’est pas durable. C’est précisément la raison pour laquelle ils s’en vont ».

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BREVES

Candidats au Gaokao en baisse.

Selon le ministère de l’éducation le nombre de candidats à l’examen d’entrée à l’université, aujourd’hui 9 millions a baissé de 1,4 million depuis 2008. Les raisons en sont les premiers effets de la dénatalité et le nombre de jeunes Chinois étudiant à l’étranger, qui, aujourd’hui , dépasse 300 000.

Déjà en 2011 de nombreux établissements d’enseignement supérieur n’avaient pu honorer leur quota d’étudiants et ont été obligés de d’abaisser le niveau de la sélection. Entre 2002 et 2011, la barre avait été baissée de 50% et les taux d’admission avaient grimpé de 50 à 75%. Une politique qui souleva les critiques de ceux qui craignent la multiplication de diplômés peu qualifiés, candidats pour le chômage.

Selon un sondage du ministère de l’éducation, 97% des étudiants du supérieur adhèreraient aux valeurs essentielles de socialisme avec, au centre, les qualités d’honnêteté. 80% d’entre eux seraient prêts à rejoindre le Parti Communiste Chinois pour – dit le sondage – « servir la Nation et le peuple ». Toutefois, un autre sondage, publié cette fois par le ministère de la culture, révélait que 46,9% des étudiants souhaitaient rejoindre le Parti parce qu’ils y voyaient une meilleure chance de trouver un travail. Seulement 21% adhéraient à l’idéologie du Parti.

Espionnage.

Selon la presse de Hong-Kong et des Etats-Unis, un haut fonctionnaire du ministère de la sécurité a été arrêté par la sécurité d’Etat au début de l’année 2012. Le fonctionnaire, âgé de 38 ans, serait proche de Lu Zhongwei et de Qiu Jin, un des adjoints de la sécurité d’Etat. Compromis par une affaire de mœurs, il travaillait pour la CIA à qui il aurait passé des informations de nature économique, politique et stratégique.

L’affaire aurait été mise à jour après la défection de Wang Lijun au consulat américain de Chengdu en février dernier, quand une enquête avait été lancée contre la sécurité d’Etat. Si les informations étaient avérées, l’affaire serait le plus sérieux cas d’espionnage depuis celui de Yu Qiancheng refugié aux Etats-Unis en 1985, qui avait permis de mettre à jour l’agent double Larry Chin Wu-tai, membre de la CIA qui se suicida en prison. Pékin a toujours nié sa responsabilité dans l’affaire Larry Chin.

Le scandale affaiblit l’appareil de sécurité et la mouvance proche de Zhou Yongkang. Il pourrait gêner l’ascension au pouvoir de Yu Zhengsheng, actuel secrétaire du Parti de Shanghai, candidat pour le Comité Permanent, qui est précisément le frère cadet de Yu Qiansheng, dont la rumeur dit qu’il aurait été assassiné par des agents chinois sur une plage en Amérique Latine.

Pétition pour libérer un adepte du Falun Gong

Pour la deuxième fois en 2 mois plusieurs centaines de pétitionnaires se sont rassemblés dans le Hebei pour demander la libération de Zhang Xiangxing, un adepte du Falun Gong (FLG). Après Zhouguantun en avril, un autre rassemblement à eu lieu à Tangshan, le 29 mai dernier.

Zhang, qui pratique le FLG depuis 2003, a été arrêté le 25 février, puis transféré à l’hôpital psychiatrique de Ankang, où sa condition physique serait gravement détériorée. Sa famille a reçu une facture de 10000 RMB (1250 €) pour prix des drogues qui lui ont été injectées par l’hôpital.

Le ministère de la santé brise le tabou du Qigong.

Après 13 années de condamnation du Qigong par le Parti, qui l’assimilait à la pratique du Falun Gong, plusieurs journaux chinois viennent d’en faire l’éloge, signalant une évolution de la position officielle. Plusieurs médecins et personnels soignants ont récemment suivi une cession d’initiation à la pratique du Qigong de 9 jours, dont les bienfaits ont été publiés par le Bureau de la santé publique du Gansu.

Cette évolution n’aurait pas été possible sans l’approbation des plus hautes strates du régime. Selon le journal Epoch Times, une source à Pékin affirme qu’un consensus serait intervenu au sommet du pouvoir pour réhabiliter les persécutés du Falun Gong.

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Les mesures de pollution de l’ambassade des Etats-Unis ne sont pas bienvenues.

Le 5 juin le Vice-ministre de l’environnement Wu Xiaoqing a déclaré que les mesures de pollution effectuées par les ambassades étrangères étaient illégales en Chine. La déclaration visait l’ambassade des Etats-Unis à Pékin et les consulats américains à Shanghai et Canton qui publient toutes les heures, depuis 2008, un état de la pollution de l’air. Les mesures sont diffusées via twitter à plus de 20 000 destinataires.

Depuis la large diffusion des mesures américaines dans les trois grandes villes de Chine, le Chinois moyen accueille avec scepticisme les bulletins officiels sur la qualité de l’air. La différence des résultats provient de la dimension des particules analysées – plus fines chez les Américains -.

Ainsi quand les mesures chinoises estiment que l’air est « modérément ou légèrement pollué », il arrive que les Américaines le jugent « dangereux », voire « très dangereux ». En novembre dernier, le Global Times, pressait le gouvernement de ne pas distordre les faits. En janvier 2011, le ministre de l’environnement Zhou Shengxian avait reconnu que l’air était pollué dans 30% des villes chinoises.

Deux villes chinoises Tianying – District de Jieshou dans le Nord-ouest de l’Anhui - et Linfen – sud du Shanxi -, figurent parmi les 10 villes les plus polluées du monde, la première pour la très forte concentration de métaux lourds dans l’atmosphère, la deuxième à cause des particules de charbon (mais à Linfen des efforts drastiques sont en cours pour remplacer le chauffage au charbon par le chauffage au gaz – aujourd’hui 85% des foyers se chauffent au gaz -).

Quant aux grandes métropoles, leur combat contre la pollution reste insuffisant. L’air à Pékin est à peine meilleur que celui des capitales les plus polluées de la planète (Ulan Bator, Gaborone, New Delhi, Islamabad, Riyadh, Dakar, Le Caire, Dhaka, Koweit) ; Lanzhou, Jinan, Chongqing, Hangzhou, Tianjin, Harbin, Chengdu, figurent aussi sur la liste noire des statistiques mondiales de la pollution.

En revanche des améliorations sont nettement perceptibles à Shanghai, Canton, Fuzhou, Kunming, Haikou, où les autorités ont lancé des programmes d’assainissement de l’air. Il est évident qu’en ces temps de controverses, toutes les statistiques doivent être considérées avec prudence.

Incidents à l’usine Foxconn à Chengdu.

Plusieurs douzaines d’ouvrières ont été arrêtées le 4 juin dernier à l’usine Foxconn de Chengdu après qu’une petite foule d’une centaine d’ouvrières occupant un dortoir de l’usine aient pris à partie des gardes de sécurité qui tentaient d’arrêter des voleurs. L’échauffourée, qui de toute évidence s’alimentait de rancœurs contre les gardiens, s’est rapidement étendue à un millier d’ouvrières lançant des boîtes de conserve, bouteilles et autres projectiles sur les gardes, au point qu’une centaine de policiers sont intervenus pour mettre fin à l’émeute.

Depuis 2010, Foxconn, sous traitant taïwanais qui fabrique des pièces pour les iphones d’Apple et emploie près d’1 million de personnes en Chine, est secoué par des incidents de cette sorte. En 2010, 14 ouvriers de Foxconn s’étaient suicidés lors d’une série d’incidents dans la province de Canton. En mai dernier deux ouvriers avaient trouvé la mort lors d’une explosion survenue à l’usine de Chengdu. 16 autres avaient été blessés.

Le 2 janvier dernier 2012, 300 employés de l’usine Foxconn de Wuhan étaient montés sur le toit d’un atelier, pour réclamer une hausse de salaires en menaçant de se suicider. Le maire de Wuhan était personnellement intervenu pour calmer les protestataires.

Mise aux enchères des plaques d’immatriculation.

L’explosion du nombre de voitures particulières est un problème sérieux dans les grandes villes chinoises. A Pékin l’attribution des plaques d’immatriculation est limitée par un quota mensuel qui attribue les plaques par tirage au sort. A Shanghai l’attribution est mise aux enchères. C’est la seule ville de Chine qui pratique ce système.

A la dernière séance du mois de mai, la moyenne des enchères proposées était de 10 000 $, en augmentation de 245 $ par rapport à avril. Depuis la mise en place de ce système en 2011, les records d’enchères ont été battus 10 fois et l’inflation des prix sur un an est de 315 $. En mai, le gouvernement a accordé 9300 immatriculations, soit 800 de plus qu’en avril. Mais ce chiffre ne satisfait que 38,3% des demandes.

La Chine est aujourd’hui le plus gros marché automobile potentiel de la planète et les grandes villes, dont les réseaux routiers ne sont pas assez denses, doivent faire face à d’importants problèmes de circulation. En 2008, il y avait 20 millions de voitures en Chine, en 2010, elles étaient 85 millions. En 2020 elles seront 200 millions. Ce qui représenterait 25% des voitures circulant dans le monde. A ce rythme, en 2040, le nombre des voitures circulant en Chine représenterait 50% du parc mondial, évalué par certaines études à 1,2 milliard.

 

 

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