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›› Editorial

Mer de Chine. La tentation de la force

Piste d’aviation de 2700 m construite par la Chine sur Woody Island – Yong Xing Dao – dans l’ouest de l’archipel des Paracels, à 170 nautiques au sud de Hainan.

Récemment, la tension est montée en Mer de Chine, que Pékin revendique en totalité, dans un contexte où la vigilance accrue des Américains, qui disent vouloir basculer 60% de leur marine dans la zone du Pacifique Ouest d’ici 2020, incite Hanoi et Manille à réagir avec plus de pugnacité que par le passé aux affirmations de souveraineté de la Chine.

L’extravagance des prétentions chinoises auxquelles répondent les raidissements du Vietnam et des Philippines encouragés par les projets des Washington, place la région en zone rouge des conflits possibles, sinon probables, à la merci d’un dérapage militaire. La situation est d’autant plus bloquée et volatile que les positions de la Chine et des pays riverains membres de l’ASEAN sont irréconciliables, au moins sur les questions de souveraineté.

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Positions irréconciliables et affichages dangereux.

Paracels et Spratlys


Les archipels des Paracels et Spratlys convoités par4 pays de l’ASEAN et la Chine

Quand Pékin met en avant son contrôle immémorial sur tout l’espace de la Mer de Chine, vaste comme la Méditerranée, Manille, Hanoi, Brunei, Kuala Lumpur évoquent le droit de la mer et la convention de Montego Bay établie en 1982, après 14 ans de négociations entre 150 pays, et ratifiée par la Chine en 1996.

Pour de multiples raisons liées à l’histoire, à la quête de ressources de son économie affamée, mais également au « désir d’Empire et de puissance » qui nourrit le nationalisme de l’Armée Populaire de Libération et d’une partie de l’opinion publique, le pouvoir à Pékin, assez souvent contre l’avis de chercheurs chinois eux-mêmes, ne donne aucun signe d’apaisement à ses voisins, qu’il traite parfois comme des pays vassaux.

Lors de la dernière réunion des ministres des Affaires étrangères de l’ASEAN, l’association, gênée par la proximité avec la Chine du Cambodge, pays hôte, a eu le plus grand mal à publier une déclaration commune en 6 points, promettant de se conformer aux lois de la mer, et d’éviter les confrontations militaires. Mais le problème de fond, lié aux questions de souveraineté, n’a pas été traité. Compte tenu de la difficulté des échanges et des tensions au sein même de l’ASEAN, chacun s’est satisfait de la promesse minimum de protéger le statu quo et d’écarter tout recours à la force.

Mais le 20 juillet, Pékin annonçait la création d’un état major divisionnaire et l’installation d’une garnison sur Woody Island, Yong Xing Dao en Chinois 永兴岛, et Đảo Phú Lâm en Vietnamien, partie à l’archipel des Paracels, que la Chine occupe en totalité depuis 1974. Les troupes qui seront subordonnées au commandement militaire de l’Ile chinoise de Hainan, située à 170 nautiques au Nord-ouest, prendront leurs quartiers sur une zone qui dispose déjà d’une piste d’aviation de 2700 m de long, capable d’accueillir des avions de chasse et équipée de radars et de capacités de stockage de carburant (photo de la première page).

Tandis que Manille et Hanoi protestaient contre la militarisation des Paracels, tout en réaffirmant leurs désirs de régler les différends de manière pacifique, une note de l’International Crisis Group signalait que la situation en Mer de Chine évoluait dans une direction dangereuse. Elle se gardait cependant de rejeter l’entière responsabilité des tensions sur Pékin.

Suggérant à Washington de rester à l’écart des querelles territoriales, elle critiquait aussi le recours de Manille à une unité militaire lors de l’incident autour des récifs de Scarborough, en avril dernier. Selon l’ICG l’engagement sur zone d’un navire de guerre Philippin avait donné à la Chine une occasion d’attiser le nationalisme de son opinion publique, alors que les médias officiels chinois évoquaient la nécessité de « d’infliger une leçon aux Philippines », tandis que les deux pays adoptaient des mesures de représailles économiques.

Compte tenu de l’équilibre général des forces et de la contrainte incontournable de la dissuasion atomique qui pèse sur Pékin et Washington, aucun de ces incidents et développements qui, le plus souvent tiennent de l’affichage, n’est de nature à provoquer une conflagration de grande ampleur dans la zone.

Il reste que leur conjonction et leur accumulation, créent un contexte où la tendance est de plus en plus à se référer à l’usage de la force, ou, à tout le moins, à son affichage ostentatoire, alors que la voie diplomatique pour la résolution de la question centrale des souverainetés paraît, pour l’heure, irrémédiablement bloquée.

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Faiblesse des solutions diplomatiques.

Les revendications de Pékin en Mer de Chine


Les revendications chinoises en Mer de Chine du Sud.

Alors que toutes les parties, y compris la Chine et les États-Unis, réaffirment régulièrement leur détermination à négocier pour tenter de régler pacifiquement les différends enkystés depuis des lustres, la solution définitive aux conflits paraît encore éloignée.

Les revendications chinoises, inacceptables par les autres parties, n’offrent à la voie diplomatique que des marges tactiques, telles qu’un Code de Conduite, au demeurant déjà envisagé par le passé, reportant la question des souverainetés à des jours meilleurs, pour se concentrer sur les mesures de confiance militaires, la liberté de navigation et la coopération pour l’exploration conjointe et le partage des ressources.

Autant de sujets qui n’apportent pas de solution à la question centrale dominée par perspective hautement déstabilisante et agressive de la domination totale de l’espace par la marine chinoise. Mais ils permettraient d’attendre qu’en Chine même s’affaiblisse le lien émotionnel, aujourd’hui exorbitant, entre la Mer de Chine et le nationalisme de l’opinion publique.

Le réflexe nationaliste et émotionnel est aussi celui d’une partie des élites politiques, pour l’heure incapables de modération sur le sujet, vu comme un adjuvant à la légitimité du Parti. Il est aussi présent au sein de la presque totalité de l’APL, qui voit tout l’espace maritime au sud de Hainan, le long du Vietnam et des Philippines, jusqu’aux abords de l’archipel indonésien des Natunas et des côtes Malaisiennes des provinces de Sabah et de Sarawak, comme sa zone d’action exclusive.

Pour que cet apaisement d’attente soit possible sans risques majeurs, il faudrait, d’une part que, face à l’ASEAN, Pékin accepte de considérer l’aspect multilatéral de la question et que, d’autre part, Washington trouve le juste milieu entre sa présence militaire à usage dissuasif et ses démonstrations de force ostentatoires, considérées par Pékin et l’opinion publique chinoise comme des intrusions étrangères insupportables, tandis que certains des riverains, assurés de la couverture de la 7e flotte, pourraient être tentés par la transgression militaire.

 

 

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