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›› Technologies - Energie

Succès et déboires de la modernisation de l’APL

La fin de l’été et l’automne ont été fertiles en informations sur les nouveaux équipements de défense chinois des secteurs de l’aéronavale et de l’aéronautique, dans un contexte où tous les observateurs étaient attentifs aux tensions dans les mers de Chine du sud et de l’est, où, précisément, les nouveaux navires de combat et aéronefs, dont se dote l’APL trouveraient leur emploi en cas de conflit.

L’analyse montre que les efforts de modernisation de la marine chinoise, entrepris dès les années 80 par l’Amiral Liu Huaqing, ancien Commandant de la Marine et de l’APL, membre du Bureau Politique jusqu’en 1997, sont en train de porter leurs fruits, au moins en ce qui concerne la qualité et le nombre des équipements.

Mais dans le domaine de l’aviation de combat, comme dans celui de l’aviation commerciale, les progrès de la Chine se heurtent toujours au problème non résolu de la motorisation. Chez les spécialistes chinois du secteur et chez les politiques, la prise de conscience est amère. Mais elle est sur le point de provoquer une remise en ordre et un effort sans précédent, qui touchera les moteurs civils comme militaires. La recherche militaire étant à la racine de la modernisation des moteurs commerciaux.

Sur le point d’être dotés de financements massifs, dans un contexte où le pouvoir a entrepris de restructurer le secteur très éclaté et désordonné de la motorisation aéronautique civile et militaire, les chercheurs du complexe militaro-industriel savent que le formidable attrait du marché chinois, évalué à 15 000 moteurs, pousse irrésistiblement les constructeurs étrangers à la coopération avec la Chine, dans l’espoir de conquérir de nouvelles parts de marché.

Cette tendance, à laquelle aucun grand du secteur, qu’il s’agisse de General Electric, Safran, Rolls Royce ou Pratt & Whitney, n’est en mesure de résister, pourrait constituer une opportunité de transferts de technologies de pointe, consenties ou non par les constructeurs étrangers.

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Progrès des équipements navals.

L’attention des observateurs s’est naturellement concentrée sur le lancement, le 25 septembre, à Dalian du Liaoning, le premier porte-avion chinois, qui sera probablement suivi par deux ou trois autres dans un futur proche, mais dont l’efficacité opérationnelle dépend encore de longues périodes d’essai et d’ajustements. Le 23 novembre, un J-15, copie du SU-33 russe, a effectué un premier appontage. Il en faudra de nombreux autres et plusieurs années d’exercices, avant que le porte-avions, pour l’instant considéré par la marine comme une plateforme d’entrainement et d’essais, puisse être engagé dans une opération de combat.

Mais une autre nouveauté peut-être plus immédiatement significative n’a pas fait autant de gros titres. Le 28 août dernier a en effet eu lieu la mise à l’eau au chantier de Changxing, près de Shanghai de la coque d’un nouveau destroyer lance-missiles de 6000 tonnes, de la classe Luyang III, dont la mise en service, prévue en 2014, augmentera de manière significative les capacités opérationnelles de la marine chinoise.

Le nouveau bâtiment, dont, selon des sources taïwanaises, 10 exemplaires seraient en construction – ce qui traduirait à la fois une accélération du programme et des capacités très améliorées de la construction navale chinoise, autrefois plus processionnelle –, présente quelques sérieuses améliorations par rapport à ceux de la classe Luyang II.

Il s’agit notamment du système anti-aérien qui, en plus des radars d’acquisition et de poursuite déjà en service sur les bâtiments de la classe Luyang II, compte 32 tubes de lancement verticaux de missiles anti-aériens HQ-9B testés en 2006, à quoi pourraient s’ajouter des versions marine des missiles de croisière DH 10, guidés, grâce au système chinois de positionnement spatial Compass, dont la couverture de la zone asiatique est déjà opérationnelle.

Si le nombre de ces nouveaux destroyers était de 10, comme l’affirment les sources taïwanaises, la marine chinoise pourrait, dès 2020, compter un nombre de bâtiments à haute valeur opérationnelle qui ferait d’elle la deuxième marine de la zone, après celle des Etats-Unis.

En y ajoutant les 60 catamarans lance missiles de la classe Houbei, équipés chacun de 8 missiles de croisière antinavires, la quinzaine de frégates antiaériennes modernes de la classe Jiankai II, entrées en service en 2007, équipées de missiles mer-air HQ-16 également à lancement vertical (5 autres frégates sont en construction), ainsi que les 13 sous-marins classiques de la classe Song et les 8 autres, plus modernes et plus silencieux de la classe Yuan, équipés d’un système anaérobie de type AIP, renforcés dès 2015, par au moins 5 sous-marins nucléaires d’attaque de la classe 095, (en Chinois 09-V), destinés à la protection des porte-avions du futur, on se trouvera d’ici 2020, en présence d’une flotte moderne appréciable, que seuls le Japon et les Etats-Unis seraient en mesure d’affronter, et dont la capacité dissuasive aura a été notablement augmentée.

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Aéronautique. Profusion de modèles et de maquettes.

A la mi-novembre, au salon de Zhuhai, organisé tous les deux ans, l’aéronautique chinoise a entretenu l’ambiguïté sur ses progrès technologiques, dont il est difficile de mesurer les limites, puisque les présentations ont, comme à l’habitude, mêlé les maquettes aux exhibitions réelles.

C’est ainsi que le stand de l’AVIC montrait le modèle d’un appareil de patrouille maritime dérivé du MA 60 civil, dont la brochure présentait un équipement de senseurs optroniques et un radar de surveillance, mais avec une porte de largage latérale en face de l’hélice, improbable pour les opérations de secours en mer.

On aussi a vu, pour la première fois en vol à Zhuhai, les deux hélicoptères d’attaque en projet dans l’APL, – le Z-19 fabriqué à Harbin, plus léger, de la classe Cobra, et le WZ-10, plus lourd, produit par la Changhe Aircraft Industries Corporation de Jingdezhen (JV avec Augusta, avec une assistance de Sikorsky et d’Eurocopter pour le rotor et des transferts de Pratt & Whitney pour le moteur).

Au milieu d’une série d’autres engins sans pilote de toutes tailles, qui montrent à la fois la compétition interne que se livrent les féodalités de l’industrie de défense et l’intérêt de la Chine pour les drones, un des clous du salon, ayant fait couler beaucoup d’encre, a été la maquette du drone WJ-600, baptisé Yi Long « 翼龙 », « Dragon de flanc-garde », fabriqué à Chengdu par la China Aerospace Science and Industry Corporation (CASIC) – premier vol d’essai en 2008 -, assez proche du MQ-9 « Reaper » américain, doté d’une capacité d’emport de 2 missiles, semblables aux AGM-114, Hellfire avec une autonomie affichée de 3 à 5 heures et une vitesse de 900 km/h.

Au salon de 2010, le WJ-600 était déjà exposé, comme partie d’une figuration générale présentant la maquette d’un dispositif complet d’interdiction antinavire (surveillance, détection, acquisition et attaque), où les visiteurs pouvaient voir le WJ-600 cibler une frégate lance-missiles américaine, tandis qu’un missile moyenne portée, tiré depuis la terre, figurait une attaque contre un porte avions de l’US Navy. Cette fois, la référence américaine des cibles avait disparu de la présentation.

Mais, à part les drones, la vedette militaire de l’édition Zhuhai 2012 a été la Shenyang Aircraft Corporation (SAC) -沈阳飞机公司 – Shenyang Feiji Gongsi – qui présentait sa maquette de l’avion furtif J-31, dont un premier vol de 10 minutes avait été observé le 31 octobre dernier. Les spéculations vont bon train sur les raisons pour lesquelles la Chine a mis en chantier deux types d’avions furtifs, dont le premier, baptisé J-20, avait été révélé en janvier 2011 – (Lire notre article Succès et problèmes de l’aéronautique militaire chinoise).

Certains avancent, mais c’est peu probable, que le J-31 pourrait être exporté pour concurrencer le F-35 américain. D’autres le voient comme un futur avion « navalisé », capable d’apponter sur un porte-avions. Enfin, dans un contexte où l’information est rare, les experts s’interrogent sur les progrès réels des Chinois dans le domaine des matériaux furtifs et dans celui de la motorisation.

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Branle bas pour la mise au point d’un moteur chinois.

En dépit de longues années de R&D, l’aéronautique chinoise n’a jamais réussi à mettre au point un moteur à réaction aux performances comparables à celles des moteurs occidentaux. La raison en est d’abord que le secteur est lourd et éclaté en féodalités concurrentes, que l’innovation est handicapée par une vision bureaucratique pilotée d’en haut et encombrée par d’incessants parasitages politiques.

Sans compter que les industries aéronautiques occidentales qui bénéficient de plus d’un siècle d’expérience, se méfient de plus en plus des transferts, tandis que la technique de la « retro-ingénierie », à partir de moteurs achetés, se heurte au manque d’expérience des Chinois dans le processus de fabrication et d’intégration.

Alors que depuis 2000, la Chine a augmenté sa flotte de chasseurs de combat de 500 unités, réduisant massivement le nombre de ses avions obsolètes, les moteurs russes AL-31FN Turbofan, dont ils sont équipés (SU-27, J-10 et nouveaux appareils chinois), les placent en position d’infériorité pour la maîtrise du ciel au-dessus du détroit de Taïwan, en cas de conflit. Quant à la version chinoise comparable, le WS-10 A Taihang, qui équipe le J-11B, elle n’est, de l’avis des ingénieurs chinois eux-mêmes, pas au niveau des plus anciens modèles russes. Une des lacunes touche à la qualité des ailettes des réacteurs.

Tous les experts le disent. Sans la maîtrise des moteurs, l’aéronautique chinoise civile ou militaire restera toujours à la traîne. Les autorités chinoises, conscientes de ce handicap, et connaissant la valeur stratégique du secteur, non seulement sur le plan militaire, mais également dans le domaine du transport commercial, viennent de décider d’un de ces coups de colliers dont ils sont coutumiers quand il s’agit de rattraper un retard.

La stratégie est double et vise à la fois une augmentation massive des financements dédiés à la recherche – on parle de 16 Mds de $ à moyen terme et de 49 Mds de $ sur les 20 années qui viennent - et une réorganisation du secteur où, dans la nébuleuse gigantesque d’AVIC, c’est Xi’an Aero Engine, 西安航空动力股份有限公司, (Xi’an Hang Gong Dong Ji Gufen Youxian Gongsi), un des n°1 des moteurs militaires en Chine, coopérant déjà avec Safran, General Electrics et Rolls Royce, qui serait chargé de coordonner la recherche.

Compte tenu des liens extérieurs de la Xi’an Aero Engine, connectée par des coopérations à tous les grands motoristes de planète, il n’est pas difficile d’imaginer qu’aux intentions financières et de remise en ordre, s’ajoute une arrière pensée de transfert vers la Chine, par tous les moyens, des technologies de pointe du secteur aéronautique.

Pour l’armée de l’air chinoise en charge de mettre en place une dissuasion crédible au-dessus du détroit de Taïwan, la manœuvre a une valeur stratégique de tout premier ordre. Mais certains experts occidentaux affirment qu’en dépit de ces mesures, il faudra encore au moins dix à quinze ans pour que les moteurs chinois soient à la hauteur de leurs concurrents occidentaux, comme le F-22 américain.

Une récente commande chinoise de 123 moteurs russes confirme que les ingénieurs chinois n’ont eux-mêmes pas confiance dans leurs moteurs, qui n’équipent que 20% des avions modernes de l’armée de l’air. Les avions civils qui ont fait la une de l’information autour du salon, sont tous équipés de moteurs étrangers.

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A Zhuhai, misère des avions commerciaux chinois.

Lors de l’ouverture du salon, la Chine a fait état de 50 commandes pour le C919 (168–190 places), de la COMAC, concurrent du B 737 et de l’Airbus A 320, et motorisé par CFM International - JV entre l’Américain General Electric Aviation et le Français SNECMA.

Les nouvelles promesses d’acquisition par les compagnies chinoises Hebei Aviation et Joy Air (20 pour chacune) et par GECAS, la société de leasing de General Electric, partie du projet C919 et seule compagnie non chinoise ayant placé des commandes fermes, ajoutant ainsi 10 appareils aux 10 commandés en 2010, portent le total des commandes à 380. Selon COMAC, d’autres compagnies « low-cost », comme Ryanair et IVAG.L de British Airways ont montré un intérêt pour l’appareil.

Mais l’examen de l’origine des commandes montre que la commercialisation de l’appareil ne sera pas facile. Sur les 380 commandes fermes, 180 ont en effet été placées par 5 banques d’état chinoises – et 20 par une société de leasing basée à Hong Kong. Les autres commandes émanent toutes de la GECAS et des compagnies d’aviation chinoises, pressées par le pouvoir politique, à raison de 20 appareils par compagnie.

La construction de l’appareil a commencé en 2009 avec un premier vol planifié pour 2014 et les premières livraisons envisagées en 2016. Selon les estimations d’Airbus, la concurrence du C 919 sur le marché international ne se fera pas sentir avant 2020.

Le deuxième appareil de la COMAC, l’ARJ-21-700, bimoteur de queue copié du MD-90, moyen courrier de 70–90 places, présenté en vol au salon, a connu de nombreux retards de mise au point depuis la mise en chantier de l’appareil en 2002. Alors que le vol inaugural a eu lieu en 2008, en 2010, des tests en soufflerie mettaient en évidence une faiblesse sur une aile.

En juin 2012, un responsable de la COMAC annonçait que l’appareil n’obtiendrait pas de certification avant 2013, soit avec 5 années de retard sur la planification initialement envisagée. Les principales défectuosités rencontrées sont des fêlures apparues sur les ailes et des défauts du système de commandes électroniques.

Selon la COMAC, la flotte commerciale mondiale allait doubler d’ici 20 ans, avec un accroissement du nombre d’appareils au rythme annuel de 7,2%. En 2031, globalement il y aurait 31 739 unités pour une valeur totale de 3900 Mds de $. A elles seules, les compagnies chinoises mettront en œuvre entre 4000 et 5000 appareils.

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TECHNOLOGIES. BREVES.

Suez Environnement établit un centre de R&D en Chine.

Le 2 novembre, le groupe français « Suez Environnement » a signé un accord avec son partenaire de la ville de Chongqing pour établir un centre de R&D dans la municipalité autonome.

Les objectifs sont la qualité de l’eau, le traitement des eaux usées et des déchets, dans une métropole en forte croissance démographique, dont les besoins en eau ont augmenté de manière considérable ces dernières années.

Système de navigation urbain. Espace.

Selon Cao Jianlin, ministre des sciences et technologies, en 2020, 100 villes chinoises disposeront d’un système de navigation, baptisé Xihe, du nom de la déesse chinoise du soleil, connecté au GPS américain, aux systèmes chinois Beidou, européen Galileo et russe Glonass, accessible par téléphone portable et opérationnel à l’intérieur des habitations.

• Le 25 octobre , le 16e satellite du système Beidou a été mis en orbite à partir du pas de tir de Xichang dans la province du Sichuan. C’était le 6e lancement en 2012. Le réseau comportera 35 satellites, opérationnels en 2020.

• Le 18 novembre à Zhuhai, le Groupe Great Wall a signé un contrat avec la République du Congo pour le lancement de son premier satellite de communication, dont la mise en orbite est prévue pour 2015. Ce dernier sera développé par l’Académie des technologies de l’espace 中国空间技术研究院, qui construira aussi le centre de contrôle à terre.

C’est le 2e contrat de ce type signé avec un pays africain. En 2007, « Great Wall » avait déjà mis en orbite un satellite de communication nigérian. En 2012, Great Wall a mis en orbite 2 satellites : Vesselsat 2 pour la société luxembourgeoise LuxSpace (système de positionnement des navires) et un satellite de détection pour le Venezuela. A terme, la Chine vise 15% du marché mondial des mises en orbite.

• Le 19 novembre, une fusée Longue Marche 2C a, à partir du pas de tir de Taiyuan, mis en orbite le 3e satellite chinois destiné à l’évaluation des dégâts des catastrophes naturelles.

Expédition dans l’antarctique.

Le 5 novembre le Xuelong, vaisseau de recherche polaire a quitté le port de Canton pour une mission de 162 jours, la 29e du genre effectuée dans les eaux antarctiques par les scientifiques chinois. Il s’agit de terminer la mise en place du 3e centre de recherche chinois dans l’Antarctique, baptisé Kunlun, après les 2 premiers Changcheng et Zhongshan, et déterminer un emplacement pour en établir un 4e .

Ouverture de l’espace aérien moyenne et basse altitude.

Selon la Commission de contrôle du trafic aérien, qui s’exprimait le durant le salon de Zhuhai, les procédures d’autorisation de vol à basse altitude - moins de 1000m - seront simplifiées en 2013. Ce qui pourrait libérer l’utilisation des hélicoptères.

 

 

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