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›› Taiwan

Un improbable traité de paix

Chacun le sait, l’apaisement des relations dans le Détroit de Taïwan n’a pas la même signification selon qu’on l’observe depuis Pékin ou depuis Taipei. Pouvait-il en être autrement dès lors qu’il repose presqu’uniquement sur le concept on ne peut plus ambigu et chargé de malentendus du « consensus de 1992 », affirmant l’existence « d’une seule Chine », au demeurant rejeté par le Parti indépendantiste, deuxième formation politique de l’Ile, dont l’audience est passée de 41% à 45% entre les présidentielles de 2008 et 2012.

Quant aux héritiers de Tchang Kai-chek, actuellement à la tête de l’Île, ils ne voient pas l’embellie dans le Détroit comme une modification du statuquo, et encore moins comme le début d’un processus de réunification, mais comme la fin des tensions de l’ère Chen Shui-bian.

Aux yeux de Ma Ying-jeou et de son équipe, l’apaisement ouvre surtout à l’Ile la possibilité de tirer profit du marché chinois, au même titre que les pays de l’ASEAN, avec qui Pékin a signé des accords de libre échange. Peut-être le KMT espère t-il aussi – rien n’est moins sûr - qu’à la faveur de l’apaisement, le régime chinois pourrait accorder à Taipei une plus grande marge de manœuvre internationale.

Le Parti indépendantiste, à fortiori, ne voit pas l’apaisement dont est crédité son rival politique à Taiwan, comme une marche vers la réunification, dont il ne veut à aucun prix. Il n’empêche que sa défaite aux élections de 2012 a provoqué un sérieux tumulte au sein des apparatchiks du Parti, dont certains attribuent les deux échecs électoraux de 2008 et 2012 à un positionnement trop radical, non seulement à l’égard du statut de l’Île, mais également dans la relation du DPP avec le Parti communiste chinois.

Telles étaient, en partie, les raisons du voyage en Chine, début octobre, de Frank Hsieh (Hsieh Ch’ang-Ten T’ing), ancien Président du DPP et candidat malheureux à la présidence en 2008. Il n’est pas anodin de souligner, pour confirmer que les lignes bougent à Taiwan comme en Chine, que Hsieh a été reçu le 6 octobre à Pékin par le Directeur du Bureau des Affaires taïwanaises. Lire notre article Tempête existentielle au parti indépendantiste.

Toutes ces controverses et contradictions qui signalent de fortes divergences de fond entre les deux rives sont connues depuis longtemps. Mais elles ont été ravivées par les termes du rapport de Hu Jintao au 18e Congrès.

A propos de Taiwan, ce dernier insista sur la nécessité de développer la coopération pour asseoir la relation par « des accords équitables et raisonnables » - une formulation assez consensuelle et acceptable par tous -, mais il ajouta – ce qui est contesté à des degrés divers par toute la classe politique taïwanaise – que, « tenant compte que le pays restait encore à réunifier, il était nécessaire d’installer des mesures de confiances militaires et de signer un traité de paix ».

Depuis trois mois la classe politique taïwanaise est agitée par ces débats avec la Chine, touchant à la souveraineté, aux conditions des mesures de confiance militaires, au rejet de la réunification, définitivement pour le DPP, ou, pour le KMT, aussi longtemps que la Chine ne sera pas démocratique, à la quadrature du cercle des conditions du dialogue du Parti Indépendantiste avec le PCC, et enfin à l’utilité d’un traité de paix, perçu par certains comme un cheval de Troie, ouvrant la voie à la réunification.

Le Parti Communiste chinois et Taïwan. Les ambiguïtés du statuquo et du consensus de 1992.

Toutes les déclarations des membres du Parti Communiste, à commencer par celles de Hu Jintao au 18e Congrès, présentent les évolutions dans le Détroit comme une marche vers la réunification et laissent entendre, tout en ménageant les Taïwanais inquiets et réticents, que le temps est venu de passer aux négociations politiques. Le fondement de cette démarche étant le « consensus de 1992 » et le rejet absolu de l’idée d’indépendance, ce qui, au passage, est une mise en garde au DPP. Voulant se donner une meilleure image, celui-ci cherche en effet, par d’intenses contorsions, le contact avec le Parti.

A Taipei on n’est pas sur cette ligne. Pour Ma Ying-jeou, le négociations politiques « ne sont pas le point le plus urgent ». Elles pourraient même, ajoute t-il, « nuire au renforcement de la relation ». Quant au traité de paix, le Président se demande s’il est bien utile. En tous cas, l’ancien président du Conseil des Affaires continentales Wang Yu-Chi, le rejette lui aussi comme « n’étant pas une priorité pour Taipei », d’autant, ajoute t-il, que « le projet mériterait d’être clarifié ». En tout état de cause, précise t-il, mettant les pieds dans le plat, « s’il s’agissait pour Pékin de préparer la réunification, le peuple taïwanais ne l’accepterait pas ».

Lors d’une conférence débat organisée à Taipei en décembre 2012, évoquée par A. Romberg dans le numéro de China Leadership Monitor de janvier 2013, et à laquelle participaient une quarantaine de chercheurs et officiels chinois sur les thèmes du « renforcement de la confiance mutuelle et de la paix dans le Détroit », la délégation chinoise répéta ses principes et sa feuille de route qui s’articulent en quelques mots : « après l’approfondissement de la relation, le temps est venu de parler politique, au moins dans les rencontres non officielles, tout en laissant de côté, si nécessaire, les questions trop controversées ».

Joseph Wu, indépendantiste et ancien représentant de Taiwan aux Etats-Unis, fit remarquer que le rapport de Hu Jintao trahissait les vraies intentions de la Chine. Pour lui, Pékin tentait en effet d’utiliser les questions économiques afin, par le truchement du traité de paix et des mesures de confiance militaires, de bâtir un cadre politique rendant la réunification irréversible, la faisant apparaître comme la seule option possible.

A quoi Sun Yafu, n°2 du Bureau des Affaires taïwanaises à Pékin, répondit qu’il s’agissait de questions complexes et à long terme, mais que le Parti Communiste était patient et nourrissait l’espoir de créer un consensus. (China Leadership Monitor current issue).

Questions de souveraineté, espace international et échanges de bureaux.

Après avoir mis en lumière l’évidence que l’empressement de la Chine à mettre en œuvre l’Accord Cadre s’inscrivait dans son projet de réunification, les participants taïwanais au séminaire de décembre en vinrent, aiguillonnés par Joseph Wu et les quelques indépendantistes présents, à dénoncer les atteintes insidieuses à la souveraineté de l’Ile, dont la plus connue fut le nouveau passeport chinois inauguré en mai 2011.

Romberg précise que, « non seulement la nouvelle version présentait l’interprétation chinoise de la frontière sino-indienne et donnait à voir une image de la mer de Chine réduite à une mer intérieure, limitée par la désormais célèbre « ligne en 9 traits », mais elle y incluait également Taïwan par le rajout d’un dixième trait à l’Est de l’Île ». A quoi il faut rajouter que « Taipei s’offusqua d’y voir des sites touristiques taïwanais, présentés officiellement comme des sites chinois », laissant entendre que l’Île était ravalée au rang de province.

En réponse aux énervements de Taipei, le Bureau des Affaires taïwanaises à Pékin expliquait que cette présentation n’avait rien d’offensant, puisque Taïwan avait toujours été considérée comme partie intégrante de la Chine. Selon lui, « il n’y avait pas lieu d’en faire un problème. L’effervescence avait seulement été provoquée par des activistes du DPP. » Niant l’évidence, il ajoutait que « le nouveau passeport ne signifiait nullement une modification du statuquo ».

Il y a en effet plus grave. En affichant ses revendications territoriales sur un passeport de la République Populaire, Pékin manipule « le consensus d’une seule Chine », puisque celui-ci, en ne faisant référence qu’à la Chine à l’exclusion de la « République Populaire », laisse la porte ouverte à une réunification, également souhaitée par le KMT, mais uniquement quand le régime politique du Continent aura évolué vers la démocratie.

Manifestement très irrité le Bureau des Affaires Continentales précisa dans un communiqué que le passeport « ignorait complètement la réalité des faits. Par là même, il heurtait les sentiments de 23 millions de Taïwanais et mettait en péril la confiance construite ces dernières années au prix d’un effort conjoint des deux rives. ».

La déclaration de Taipei ajoutait, mettant de l’huile sur le feu et heurtant la sensibilité du Parti systématiquement choqué par la mention de « deux états », que « l’initiative du Continent était absolument inacceptable par le gouvernement de la République de Chine, qui était un pays souverain et indépendant ».

En signe de protestation, et pour mettre en porte à faux le KMT accusé de ne rien faire, le DPP distribua 10 000 autocollants destinés à recouvrir les passeports taïwanais avec le slogan « Taïwan est mon pays », assorti d’une carte de Taïwan, tandis que le Parti indépendantiste radical, Taïwan Solidarity Union, brûlait des photos agrandies du passeport chinois.

Ces échauffements nationalistes, survenus au milieu de grandes frustrations, ont encore été aggravées par le fait Pékin, très à cheval sur la perception internationale de l’unité de la Chine, tarde à accorder à Taïwan la marge de manœuvre diplomatique que réclame avec insistance le KMT. Hu Jintao a éludé la question dans son rapport au 18e Congrès, tandis que Pékin, qui surveille de très près le comportement de l’Ile à l’international, observe avec suspicion les initiatives commerciales de Taipei pour participer au projet américain de Partenariat Transpacifique (TPP), ou pour signer des accords de libre échange avec d’autres pays.

A cet égard la mise en garde du ministère du commerce chinois est claire : « tout accord devra être signé au nom d’une seule Chine, Taïwan étant considérée comme une zone douanière séparée, incluant Taïwan, Penghu, Jinmen et Matsu », qui sont les conditions fixées par Pékin à la participation de l’Île à l’OMC. Encore faut-il préciser qu’à l’insistance de Pékin, le statut de Taïwan à l’OMC a été rabaissé au niveau de Hong Kong.

Petites aigreurs de l’Accord Cadre

Sur fond de fortes émotions autour des questions de souveraineté, et alors que l’Accord signé en 2010 a déjà permis près d’une vingtaine d’accords sectoriels y compris dans les services et les finances, plusieurs points d’achoppement subsistent. C’est le cas du retard pris par les échanges de bureaux dans les capitales, - la SEF pour Taïwan (Strait Exchange Foundation 海峡交流基金会 Haixia jiaoliu jijinhui), et l’ARATS, pour le Continent (Association for Relations Across the Taiwan Straits 海峡两岸关系协会 Haixia liang an guanxi xiehui) .

Les autres sujets où les progrès sont encore bloqués par leur complexité sont les garanties mutuelles des investissements et des services, dans certains secteurs. La partie taïwanaise a promis d’accélérer le processus d’agrément pour les investissements chinois à Taïwan. Toutefois, si la plupart seront autorisés par des procédures simplifiées d’accord après coup, certains seront encore soumis à des autorisations préalables, visées par le ministère de la défense et les Affaires étrangères ou le ministère des télécom.

De fait, en dépit d’un doublement de la limite des investissements, portée, le 29 janvier 2013, à 1 Mds de $, il est probable que le total des investissements chinois dans l’Île restera faible, freiné par la méfiance des Taïwanais et l’exiguïté du marché. Le stock total est aujourd’hui de 156,7 millions de $, à comparer aux investissements taïwanais sur le Continent qui dépassent 13 Mds de $ annuels, pour un stock supérieur à 100 Mds de $, avec cependant un nette tendance à la baisse du flux en 2012 (- 25%).

Enfin, soulignant les efforts initiaux consentis par Pékin pour séduire l’Île et l’amener à accepter un rapprochement, les hommes d’affaires continentaux se plaignent du déséquilibre de l’Accord Cadre qui favorise les Taïwanais. Il est cependant peu probable que Pékin, dont les objectifs stratégiques sont ailleurs, revienne sur le traitement préférentiel accordé à l’Île. A la mi-novembre en tous cas, le porte parole du Bureau des Affaires taïwanaises répétait que « la Chine fera toujours de son mieux pour protéger les intérêts des petites entreprises taïwanaises, principalement dans le centre et le sud de l’Île. »

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NOTES de CONTEXTE

Séminaire Chine – Taïwan

Le séminaire pour le « renforcement de la confiance mutuelle et la paix dans le Détroit », a eu lieu le 12 décembre à Taipei. 200 Taïwanais et une quarantaine de Chinois du Continent chercheurs et universitaires, ainsi que quelques officiels des deux rives y ont participé. La presse chinoise avait présenté l’exercice comme la préparation d’un traité de paix entre cercles universitaires et société civile.

Selon la porte parole de la partie chinoise, « les deux rives peuvent initier des contacts et des échanges sur des questions militaires et négocier des mesures de confiance. » Ce que la partie taïwanaise a récusé. Le séminaire avait initialement été planifié en juin 2012, mais fut retardé après que Taipei ait refusé des visas à plusieurs membres militaires de la délégation chinoise.

Relations Taïwan – États-Unis

Le Congrès a publié le 4 janvier son rapport annuel sur la relation avec Taïwan. Le document arrive au milieu d’une période de doutes de l’administration américaine sur nombre de questions concernant sa relation avec l’Ile, dans un contexte de tensions avec la Corée du nord, aggravées par des effervescences nationalistes entre Tokyo et Pékin, tandis que la Maison Blanche hésite entre une plus grande « normalisation » de ses relations avec la Chine et la tentation de « l’endiguement », dont la bascule stratégique de sa marine vers le Pacifique occidental, est l’expression la plus concrète.

Cette question est abordée dans un récent article dans le New-York Herald Tribune de Joseph Nye, l’ancien conseiller stratégique de J. Carter, et chantre de « la puissance douce ». Redoutant la marche vers la guerre, sur fond de tensions entre Tokyo et Pékin, il rapporte les propos d’un chercheur chinois, Jin Canrong, professeur de relations internationales à Pékin, selon lesquels la bascule stratégique de Washington vers l’Asie Pacifique était un « choix stupide ».

Il conseille d’éviter l’agressivité, et, au contraire, de mettre en œuvre une « coopération vigilante », y compris militaire en associant la marine chinoise aux exercices de l’US Navy, en intégrant Pékin au Partenariat Trans-Pacifique, « à condition que les conditions soient remplies », le tout éventuellement assorti, si nécessaire, d’une stratégie d’équilibre avec l’Inde, le Japon, le Vietnam.

Dans ce contexte, les interrogations de Washington sur son alliance avec Taïwan énoncées dans le rapport du Congrès sont multiples. Toutes renvoient au non-dit du poids de la relation avec la Chine sur la politique taïwanaise de la Maison Blanche et à la quadrature du cercle d’avoir à ménager Pékin pour d’évidentes raisons économiques et stratégiques, quand, en même temps, la trajectoire politique de Taïwan en a fait une démocratie, à qui il est difficile de tourner le dos.

Au plan stratégique uniquement et sans évoquer les problèmes bilatéraux, le Congrès s’interroge sur le niveau de solidité de la relation avec Taïwan et sur ce qu’il faudrait faire pour la renforcer ; Il se demande s’il faut reprendre les ventes d’armes et lesquelles ; comment renforcer la défense taïwanaise ; s’il convient de relever le niveau politique des visites officielles ; s’il faut autoriser les visites de généraux, et enfin s’il convient d’appuyer la quête taïwanaise pour plus d’autonomie diplomatique.

Défis intérieurs et engouement des touristes chinois.

Alors qu’en dépit de commentaires sur l’amélioration de la situation économique, la popularité dans les sondages de Ma Ying-jeou est tombée à seulement 13%, et que le gouvernement disait vouloir s’attaquer aux défis de la compétition globale, de la création de zones de libre échange, du déficit de talents et de la réforme des retraites (les perspectives de vieillissement de la population sont alarmantes), plus de 2 millions de touristes chinois sont venus visiter l’Île en 2012, soit une augmentation de près de 50% par rapport à 2011. La grande majorité est venue en groupes organisés, tandis que seulement 200 000 voyageaient en individuels.

Frank Hsieh aux Etats-Unis. Deux lectures d’une seule constitution.

Après sa visite en Chine en octobre, l’ancien n°1 du DPP est rentré début janvier d’un voyage de 3 semaines aux États-Unis. Il y a rencontré les communautés taïwanaises en Californie et exploré avec les universitaires américains la possibilité de multiplier les séminaires de chercheurs entre les deux rives du Détroit, en même temps qu’il a testé sa formule de relations dans le Détroit basées sur son concept « d’une seule constitution avec deux interprétations ».

En proposant ce concept dès janvier 2011 pour remplacer le « consensus 1992 » inacceptable pour le DPP, par une formule pouvant rallier tous les Taïwanais, Frank Hsieh apporte sa pierre à la solution du cul de sac politique dans lequel se trouve le Parti indépendantiste. Pour l’ancien premier ministre, la loi fondamentale taïwanaise étant, pour l’instant, celle de la République de Chine, c’est sur elle que devrait porter le consensus à l’intérieur de l’Ile et le dialogue entre Pékin et Taipei, au lieu du « Concept d’une seule Chine ».

Franck Hsieh considère aussi que la référence constitutionnelle contient en filigrane l’idée que Taïwan et la Chine sont bien deux entités séparées. Elle renvoie bien plus à une exigence de souveraineté que la formule d’une seule Chine, contenue dans le consensus de 1992 et, de ce fait, convient mieux à un parti dont la vision politique est s’articule sur la séparation.

Il ajoute : « s’il advenait que la Chine communiste nous refuse l’appellation de République de Chine, inscrite dans notre constitution et qui nous donne plus de dignité que le “consensus d’une seule Chine”, alors il serait temps de changer la constitution (…) “Une seule Chine avec deux interprétations de part et d’autre du Détroit”, qui est l’interprétation du KMT, implique déjà que les deux rives sont parties d’un même pays. (…) Alors que ma proposition, qui renvoie à deux constitutions indique que nous sommes en présence de deux entités politiques séparées ».

Su, le n°1 du DDP explique sa vision.

Le 12 janvier, à la veille d’une manifestation anti gouvernementale, ayant rassemblé entre 100 000 et 150 000 personnes, Su Tseng-chang, a livré au Taipei Times sa vision de l’avenir de son parti. Selon lui il existe à Taïwan un fort consensus identitaire et sur l’attitude à adopter à l’égard de la Chine.

« Les Taïwanais se considèrent les maîtres chez eux et entendent développer sans complexes des relations avec Pékin. », mais « les questions de forme sont importantes (…) Nous sommes prêts à développer de plus amples relations avec la Chine, à la condition de préserver notre identité, au lieu de nous placer sur la trajectoire de la réunification. C’est là notre plus grande différence avec le KMT ».

Dans ce contexte contradictoire, où il s’agit de développer des relations avec le PCC politiquement révulsé par la philosophie politique du DDP qui réaffirme son projet d’indépendance, Su insiste sur le fait que l’Île est libre et démocratique, récuse toute modification du statu quo dans le Détroit et spécule sur les évolutions politiques qui conduiront tôt ou tard la Chine vers la démocratie. En espérant une évolution politique de la Chine, il se place dans une position radicalement différente de Hsieh qui, lui, cherche un accommodement avec le PPC , avec, probablement, pas plus de chances de succès.

Su ajoute : « La Chine change. Pékin répond aux appels des internautes et parle de constitution et de démocratie, comme nous le faisions il y a 40 ans ». A l’intérieur, il est tout entier focalisé sur les élections locales de 2014 qui remettront en jeu 12 000 mandats dans l’Île.

A cet effet, il prépare « 30 000 observateurs spécialement formés pour détecter les fraudes du KMT ». Mais sa philosophie consistera à coopérer avec le KMT pour les questions d’intérêt national, tout en s’interrogeant sur les raisons des échecs électoraux du Parti. En 2013, l’objectif est de préparer le scrutin local de 2014, de réformer le Parti et de le promouvoir par des voyages à l’étranger. « Sans victoire aux élections locales en 2014, la reconquête de la Présidence en 2016 sera impossible ».

Le Consensus de 1992.

Dans son discours du 8 novembre au 18e Congrès, Hu Jintao a formellement entériné le « Consensus de 1992 » comme la base institutionnelle du dialogue entre Pékin et Taipei, désormais inscrite dans les archives officielles du Parti. « Les 2 rives Détroit devraient rester fidèles au respect du Consensus de 1992 et à leur opposition à l’indépendance de Taïwan ».

Aujourd’hui l’efficacité du consensus réside dans le fait qu’au delà de « la reconnaissance d’une seule Chine », chacune des parties accepte que l’autre puisse en avoir une interprétation différente, ce qui permet d’apaiser les relations en évitant les dures questions de souveraineté.

Mais l’exercice a lui-même ses limites. Elles apparaissent à mesure que le Parti Communiste Chinois semble vouloir pousser les feux du dialogue politique, dont l’objet ne peut être que la réunification sous l’égide de l’actuel régime en vigueur à Pékin, une hypothèse inacceptable pour la classe politique de l’Île.

Pour autant, le renforcement institutionnel du « consensus » constitue un important progrès. Issu d’une réunion en 1992 à Hong Kong entre la Fondation taïwanaise pour les échanges dans le Détroit (SEF), et l’ARATS, ses bases sont floues.

En 2001, Koo Chen Fu, patron de la SEF en 1992 avoua lui-même que la réunion avec Wang Daohan, président de l’ARATS n’avait pas abouti à un consensus écrit. A la fin 1995, le contact fut rompu quand le Président taïwanais Lee Teng Hui visita les Etats-Unis. En 1998, les échanges reprirent brièvement avant d’être à nouveau interrompus après la proposition de Lee Teng Hui de considérer Pékin et Taipei comme les sièges de « 2 Etats séparés ».

En 2006, Lee Teng Hui, devenu le chef spirituel du mouvement radical pour l’indépendance prônée par le TSU (Taïwan Solidarity Union), déclara publiquement que le « consensus » n’était qu’une fiction. Une mise au point si brutale que même le DPP se sentit obligé de corriger le tir en affirmant que le « consensus » était utile pour mettre à bas les murailles entre les 2 rives.

Aujourd’hui le KMT reconnaît la capacité d’apaisement du consensus, mais Ma Ying-jeou prend toujours soin d’insister sur les « deux interprétations », que même Pékin a fini par reconnaître après de longues années de réticence. Quant au DPP il cherche toujours à résoudre sa contradiction existentielle, d’être un parti indépendantiste, dont le retour au pouvoir repose, en partie, sur sa capacité à nouer des liens apaisés avec le Parti Communiste Chinois, pour qui l’indépendance est un casus belli.

Vente d’armes américaines et défense.

Réseau radars longue distance.

Le réseau d’alerte longue distance en construction depuis 10 ans, acheté aux Etats-Unis et articulé sur les crêtes montagneuses de la chaîne centrale vient d’être achevé. Il aura coûté 10 Mds de Taïwan dollars de plus que prévu (250 millions d’€). Le système a une portée de 2000 km sur 360°, ce qui lui permet de surveiller la zone des Diaoyu, les Spratly et très au-delà des côtes chinoises à l’intérieur du Continent, permettant de détecter le départ d’un missile balistique ou de croisière. Le réseau de radars est connecté au système anti-missiles Patriot, également acheté aux Etats-Unis.

Arrivée des « avions espions » et des hélicoptères d’attaque.

D’ici la fin de l’année 2013, le ministère de la défense prendra livraison de 12 avions P-3C chasseurs de sous marins, achetés aux Etats-Unis en 2007 pour 1,96 Mds de $. L’appareil – surveillance maritime et lutte anti sous marine - qui date des années soixante est fabriqué par Lockheed. Il a été plusieurs fois modernisé, notamment pour sa partie informatique, à partir des année 90. Son efficacité anti sous marine repose sur un système de détection magnétique installé dans la queue de l’avion.

En 2013 Taïwan recevra également les 6 premiers appareils de la version la plus moderne de l’hélicoptère d’attaque Apache AH-64E, fabriqué par Boeing, partie d’une commande de 30 engins livrables d’ici 2014, pour un budget total de 20 Mds de $. Avec un rayon d’action de 480 km, il est équipé d’un canon de 30 mm, de 16 missiles air-sol Hellfire et de 4 missiles air-air de la classe Sidewinder ou Tow. Il est particulièrement adapté au combat air-sol dans les zones montagneuses de l’Île.

Ventes d’armes en suspens.

La classe politique taïwanaise espère en outre que les Etats-Unis accepteront de vendre des F-16 neufs en plus de l’opération en cours de rénovation des anciens appareils. Dans cette perspective, les Taïwanais reçoivent l’appui du complexe militaro-industriel et de la mouvance pro-taïwanaise du Congrès.

Le sujet a été évoqué au milieu d’autres affaires bilatérales, par une délégation du Congrès de 20 parlementaires venue à Taïwan à la fin janvier, sous la direction de ED Royce, nouveau président de la Commission des Affaires étrangères qui fera pression sur l’exécutif américain.

Lors de cette visite, Ma Ying-jeou a également évoqué la nécessité pour l’Île de disposer de sous-marins modernes. En avril 2001, le président Bush avait annoncé la vente à Taïwan de 8 sous marins classiques. Mais ce projet n’a jamais été mené à bien de crainte de froisser la Chine.

La flotte sous marine de Taïwan est indigente, composée de 2 unités américaines de la classe Guppy et de 2 unités néerlandaises de la classe Zwaardis achetées dans les années 80. En 2011 face aux difficultés de trouver un constructeur européen ou américain Taïwan avait laissé entendre que les sous-marins seraient construits dans l’Île avec l’aide d’ingénieurs américains.

 

 

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