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Chine - Taïwan, les politiques de l’Île perdent la main

Le 20 juillet Ma Ying-jeou, qui n’avait pas de concurrent, a été réélu à la tête du KMT avec 91,85% des bulletins exprimés, représentant 57,86% des électeurs du Parti. Le même jour Xi Jinping l’a félicité et exprimé le souhait que les deux rives du Détroit augmentent leur confiance réciproque et, « profitant du contexte favorable, engagent des actions positives à portée plus large ».

A cet effet il a appelé le KMT et le Parti Communiste Chinois « à travailler ensemble pour l’intérêt des compatriotes de part et d’autres du Détroit et la renaissance de la Nation chinoise ». Le Président taïwanais a répondu sur le même thème exprimant lui aussi le souhait d’une renaissance chinoise, à quoi il a ajouté son espoir de « paix éternelle dans le Détroit. »

Que les ennemis de la guerre civile se retrouvent sur le terrain de la ferveur nationale, quand chacun sait que les ressorts politiques du « renouveau » et de la réunification sont radicalement opposés, est significatif de l’ampleur des non dits à l’œuvre dans le Détroit qui entretiennent les braises des tensions à venir.

Alors que le projet de Pékin est articulé autour du Parti Communiste Chinois et du schéma « un pays deux systèmes », celui de Ma Ying-jeou s’accroche à l’épine dorsale la démocratie, dont les Taïwanais ne cessent de se réclamer, comme du ferment de leur identité nouvelle. Pour le KMT, ce contraste constitue toujours le principal obstacle à la réunification et même à l’ouverture de négociations politiques, souhaitées par Pékin. Pour les membres du DPP il est un des éléments qui fondent la revendication d’indépendance.

Ces échanges d’amabilités avaient lieu alors que le DPP indépendantiste a entamé un cycle de séminaires destinés à finaliser ses propositions d’une nouvelle stratégie à l’égard de Pékin, à la suite de sa défaite aux présidentielles et dans un contexte où l’opposition estime que la relation avec la Chine développée par le KMT est trop univoque et manque de recul.

Selon Tsai Ing-wen l’ancienne présidente du parti, candidate malheureuse aux élections présidentielles qui répondait à une radio télévision de Hong-Kong, « les relations dans le Détroit devraient être conduites dans un cadre régional et multilatéral afin de parer au risque que la petite économie de l’Île ne se fasse absorber par celle de la Chine. »

Estimant que l’actuel président, conservateur convaincu, ne mettrait pas en œuvre de réels changements, et pourrait même, s’il était placé sous pression, prendre des initiatives dangereuses pour l’Île, elle jugeait, au vu de la faible popularité de Ma Ying-jeou, que les Taïwanais « regrettaient leur vote aux présidentielles 2012 ».

Au passage, constatant qu’à Hong-Kong Pékin avait tendance à grignoter les droits de la Région Administrative Spéciale, elle renouvela sa défiance à l’égard de la formule « un pays deux systèmes » que la Chine envisageait d’appliquer pour les relations dans le Détroit. Aux habitants de la RAS, elle lança un appel à la lutte : « la démocratie ne vous sera pas donnée par l’effet d’une « bénévolence » politique. Comme les Taïwanais, il faudra vous battre pour elle ».

Mais la mise au point la plus dérangeante pour le DPP empêtré dans ses contradictions d’opposant indépendantiste voulant reconquérir la confiance d’une population en majorité réticente à créer des tensions avec la Chine, est venue de Shen Fu-hsiung, indépendantiste, ancien n°2 du Yuan Législatif : « l’intention du DDP de mettre au point une stratégie qui plairait à la fois aux Taïwanais et à la Chine, tout en étant différente de celle du KMT est vouée à l’échec. Le Parti devrait réfléchir à ce qu’il veut. Son objectif ultime est-il de prendre le pouvoir ou de se battre pour l’intérêt des Taïwanais ? ».

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Désarroi à Taïwan patience et retenue en Chine.

Au milieu de l’été 2013, le fond de tableau de la situation de l’Ile est le suivant.

Pékin est à la fois impatient d’aborder les négociations politiques après les succès des accords commerciaux, mais soucieux de ne pas effrayer les Taïwanais par une maladresse, un faux pas ou une agressivité intempestive risquant de remettre en cause les acquis de confiance et d’apaisement depuis 2008.

D’où l’extraordinaire placidité du Bureau Politique, qui reporta sa fureur sur le Japon quand Taipei signa, au nom de la République de Chine, un accord sur les pêches autour des Senkaku, ou lors de la visite fin juin à Taïwan de l’activiste des droits de l’homme Chen Guangcheng. Dans ce cas, le flegme chinois a d’ailleurs été facilité par le fait que Chen, qui fit l’apologie de la formule « un pays deux systèmes », a publiquement considéré que le mouvement indépendantiste était démodé, laissant entendre qu’il soutenait une solution fédérale en Chine.

A Taïwan, la classe politique est divisée et perplexe, aux prises avec une situation devenue fluide qu’elle maîtrise mal, sous tendue par la force de l’apaisement, le dynamisme des élans commerciaux et la multiplication des échanges, dont chacun reconnaît en même temps les effets bénéfiques et les insidieux dangers pour le statut de l’Île.

Dans les allées du pouvoir, le KMT s’interroge sur les limites de l’aventure, alors que son énergie politique et son audience, d’abord portées par la nouveauté exaltante de l’Accord Cadre faiblissent, au milieu des craintes d’une réunification rampante.

Tout en rassurant ses troupes sur sa vieille expérience des stratégies chinoises de réunification, Ma Ying-jeou s’accroche à l’espoir que Pékin lui accordera une plus grande marge de manœuvre diplomatique et répète qu’il veillera au respect de la dignité des Taïwanais et à la pérennité du statut de l’Île. Quant au DPP, il est en plein désarroi, partagé entre ses fringales de pouvoir, la nécessité politique d’un ajustement tactique à l’égard du Parti Communiste Chinois et la force iconoclaste de son message d’indépendance, inacceptable pour Pékin.

La prudence de Pékin et sa volonté de rassurer les Taïwanais, qui accompagnent cependant l’impatience politique du Bureau Politique se lisent d’abord dans la manière dont sont systématiquement reçus à Pékin les hommes politiques taïwanais, y compris l’indépendantiste Hsieh Chang-ting.

S’il est vrai qu’il n’a pas eu droit aux rencontres avec les plus hauts dirigeants, sa visite en Chine en octobre 2012 signalait une modification radicale des relations entre le Parti Communiste Chinois et le DPP taïwanais. L’ancien premier ministre de Chen Shui-bian fut en effet reçu par Dai Bingguo, en charge des Affaires stratégiques et par les responsables des Affaires taïwanaises, Chen Yulin et Wang Yi, l’actuel ministre des affaires étrangères.

En revanche, depuis la visite en Chine de Lien Chan en 2005, le Régime chinois a veillé à traiter avec déférence les représentants du KMT visitant le Continent. Ce fut encore le cas cette année, qu’il s’agisse de Lien Chan (février 2013), de Vincent Siew (avril 2013, lors du sommet de Boao), ou de Wu Po-hsiung (juin 2013), qui furent tous longuement reçus par le président Xi Jinping.

Le doigté et la retenue de Pékin s’exprimèrent aussi au travers des premières déclarations du nouveau Directeur du Bureau des Affaires taïwanaises au Comité Central, Zhang Zhijun, ancien vice-ministre des Affaires étrangères, lors d’un séminaire à Pingtan dans le Fujian, organisé en mars.

Le ton apaisant et rassurant s’inscrivait dans la foulée des discours de la nouvelle direction du régime, prononcés par Xi Jinping, Li Keqiang et Yu Zhengsheng, président de l’Assemblée Consultative du Peuple Chinois, n°4 du régime et responsable des Affaires taïwanaises au sein du Comité Permanent. Tous évoquaient la Patrie commune, les relations apaisées, la réunification pacifique (excluant l’emploi de la force), et insistaient sur le bien-être et les intérêts des Taïwanais.

Se voulant rassurant le discours de Zhang était, quant à lui, d’abord articulé autour de la promesse de stabilité des intentions de Pékin « il n’y a pas de raison de ne pas adhérer à une politique si elle est correcte. Non seulement nous ne la changerons pas ; mais nous améliorerons sa mise en œuvre », à quoi Zhang ajouta la désormais indispensable référence à l’idée lancée par Xi Jinping, de la « grande renaissance de la nation chinoise ».

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Pékin cherche le dialogue politique, prélude à la réunification.

Mais le dialogue politique, dont la perspective inquiète les Taïwanais, a clairement été évoqué lorsque Zhang mentionna « le développement global des relations », dont il reconnaissait cependant les difficultés.

Ces dernières pourraient être surmontées à condition, dit-il, que soient respectés les principes de la non indépendance de l’Île, du « consensus de 92 », qui reconnaît l’existence « d’une seule Chine » et que les deux parties parviennent à « un accord équitable et raisonnable sur les relations politiques dans le Détroit tant que le pays n’est pas encore réunifié ». Débarrassée de son liant politique adoucissant, ce paragraphe pourrait se résumer par : « La Chine maintiendra sa politique de patience et des petits pas à condition que Taipei accepte un dialogue politique ».

Quand on sait qu’à Taïwan, la perspective d’un dialogue sent le souffre, non seulement parce que Pékin l’orienterait forcément vers la réunification, mais également parce que la menace missiles rendrait tout compromis indigne, on mesure que la situation dans le Détroit pourrait bien s’approcher à nouveau de turbulences que beaucoup croyaient définitivement dépassées.

Les rencontres académiques ayant déjà eu lieu sur ce thème ont d’ailleurs donné le ton plutôt acariâtre des débats à venir (Lire notre article Chine – Taïwan dialogue politique. Dialogue de sourds sur un terrain miné). La même ambiance de méfiance domine à propos des mesures de confiance militaires proposées par Yu Zhengsheng et rejetées par le Ministre de la défense taïwanais tant que les deux rives n’auront pas échangé des garanties de non agression.

Explosion des échanges.

Concrètement Zhang s’est fait l’avocat de plus de liens économiques. Surtout, il a repris au bond la balle d’un accord récent des deux parties pour envisager l’ouverture d’ici la fin de l’année ou au plus tard en 2014 de bureaux de représentation croisés en Chine continentale et à Taïwan destinés aux échanges culturels, universitaires, scientifiques et technologiques.

L’affaire est bien lancée. La rencontre du 13 juin dernier entre Wu Poh-hsiung, président honoraire du KMT et Xi Jinping, à l’occasion du 6e sommet entre le KMT et le PCC, a entériné son principe et le Yuan exécutif a approuvé un projet de loi pour l’établissement d’un bureau chinois à Taipei et de trois représentations taïwanaises en Chine continentale.

Leur statut ne sera pas officiel, mais leurs personnels seront des agents de l’État et leur directeur aura rang de ministre. Taïwan souhaite en outre – mais Pékin tarde à donner son accord - que ses représentations aient des fonctions consulaires avec l’autorisation de visite aux prisonniers taïwanais détenus en Chine, tandis que DDP, exige, sans grande chance de succès, que les bureaux soient établis sous couvert de la Convention de Vienne et autorisés à arborer le pavillon national.

Il reste que quand elle n’est pas gênée par les obstacles et les sous-entendus politiques, la relation avance vite. En janvier 2013, la liaison sous marine par fibre optique a été achevée ; aujourd’hui Taipei se prépare à lever les restrictions d’échanges pour les étudiants et les cadres des entreprises publiques dans les zones économiques spéciales en cours de création à Taïwan ; les conditions d’investissement du Continent sur l’Île vont être allégées, y compris dans le secteur bancaire ; une coopération médicale pour le suivi de la grippe aviaire en Chine a été lancée ; le nombre de vols directs a été porté à 616 par semaine avec 8 destinations supplémentaires sur le Continent vers le Hunan, la Mongolie intérieure, le Qinghai, le Xinjiang et le Yunnan, qui portent le nombre de destinations directes à 54. Quant au Continent, il envoie chaque année plus de 2 millions de touristes vers Taïwan, en augmentation de près de 20 % entre 2011 et 2012.

Et quand surviennent des désaccords, la patience de Pékin est exemplaire, ne perdant jamais de vue l’objectif politique de long terme, comme ce fut récemment le cas quand les négociateurs chinois ont, face aux protestations des agriculteurs taïwanais, renoncé à demander l’accès au marché de l’Île de plusieurs produits agricoles chinois. A cette occasion, le porte parole du Bureau des Affaires taïwanaises réaffirma que le Continent était attentif aux soucis des agriculteurs et pêcheurs taïwanais.

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Inquiétudes à Taïwan. Quête de dignité et d’espace diplomatique.

Cette explosion des relations qui, il y a à peine cinq ans étaient réduites à leur plus simple expression et marquées par de sourdes méfiances, n’est pas sans susciter des inquiétudes. A son retour de Chine, Wu Poh-siung a été accusé de trahison par l’opposition pour avoir concédé à Xi Jinping que les relations dans le Détroit n’étaient pas des relations d’État à État. Pour rassurer les détracteurs, Wu a réfuté l’idée que Pékin devenait impatient et affirmé qu’au contraire l’actuelle Direction chinoise comprenait que les progrès dans la relation devaient au préalable recevoir l’assentiment des Taïwanais.

De fait la sensibilité des questions liées au statut de l’Île et à sa liberté de manœuvre diplomatique que Pékin tente de restreindre, est extrême. Le 10 juillet Ma Ying-jeou, évoquant la possibilité d’une rencontre avec Xi Jinping, a précisé qu’il veillerait d’abord à « protéger la dignité de la Nation taïwanaise ».

A cette occasion, il a cru nécessaire de répéter les principes de sa stratégie chinoise, articulée autour 1) des « Trois Non » (« Non à l’indépendance, Non à la réunification, Non à l’usage de la force ») ; 2) du traitement des questions économiques avant les question politiques et 3) du développement des relations dans le Détroit, avec une priorité accordée aux intérêts nationaux taïwanais. Interrogé sur les risques de sa politique, Ma s’est montré rassurant, expliquant que les stratégies de Pékin orientées vers la réunification étaient le fond de tableau permanent de la relation. Elles rencontreraient la capacité de résistance des Taïwanais qui, dit-il, ne doit pas être sous-estimée.

A côté des questions de statut et de dignité revendiquées par Taïwan, l’autre sujet sensible est la marge de manœuvre diplomatique, source permanente de frictions avec Pékin, pour qui le relèvement du profil international de l’Île est insupportable, parfois assimilé à une velléité d’indépendance. Sur ce terrain Ma Ying-jeou peut se targuer du succès récent de l’accord sur les pêches avec Tokyo autour des îles Diaoyu, signé au nom de la République de Chine, tout en échappant à l’ombre portée de Pékin, dont la réaction, freinée par la crainte de remettre en causes les acquis de la détente a été d’une discrétion extrême.

L’initiative de Ma Ying-jeou, cependant loin d’être parfaite et critiquée par les pêcheurs japonais et taïwanais, fut favorisée par Tokyo. Elle est diplomatiquement d’autant plus spectaculaire que l’accord était un exemple d’apaisement dans un conflit de souveraineté où ni Pékin, ni Tokyo n’ont à ce jour été capables de la moindre avancée.

Mais, ailleurs, la quête taïwanaise pour un meilleur statut à l’OACI, dans ses relations avec le Vatican à l’occasion de l’élection du Pape François 1er, ou dans les séminaires internationaux, a été sans cesse rejetée ou reportée pour des raisons politiques. Si la signature de l’accord sur les pêches avec le Japon n’a pas suscité de réaction de Pékin, en revanche la présence à Tokyo lors du 2e anniversaire de la catastrophe de Fukushima du représentant taïwanais que les Japonais ont accueilli avec la pompe d’un haut profil diplomatique a provoqué une réaction brutale de la Chine.

Pékin a en effet boudé les cérémonies du 11 mars et accusé le Japon de « violer l’esprit et les principes des déclarations conjointes sur Taïwan », expliquant qu’il était inacceptable que des représentants de Taïwan aient été invités et traités sur le même pied que les diplomates des autres pays. Le régime chinois appela Tokyo à « corriger ses erreurs et à respecter ses engagements internationaux », condamnant au passage toutes les initiatives diplomatiques pouvant laisser croire à l’existence de « deux Chine ou de l’île de Taïwan séparée de la Chine ».

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Hantise de l’absorption.

L’incident diplomatique de la commémoration de Fukushima rappelle la stratégie contraignante de Pékin qui entend confiner l’Île dans le périmètre d’une seule Chine et avancer coûte que coûte vers la réunification. Ajoutée aux élans commerciaux de la relation et aux patients efforts de Pékin pour augmenter son poids commercial et protéger son image auprès des populations de Taïwan, cette diatribe chinoise crée dans l’opposition le sentiment d’une dynamique irrésistible impossible à freiner, dont les politiques ont perdu le contrôle.

La crainte d’une absorption de l’économie de l’Île par le géant chinois hante les esprits, alors que les échanges entre les deux rives explosent à 160 Mds de $ par an (plus de 3 fois le commerce bilatéral avec l’Inde et près de 50 % de celui avec le Japon), en augmentation rapide ; alors que plus de 2 millions de touristes chinois viennent à Taïwan chaque année à bord plus de 600 vols directs ; que près de 2 millions de Taïwanais vivent et travaillent sur le Continent, tandis que 42 % des exportations de l’Île sont dirigées vers Hong-Kong et la Chine.

La hantise d’une assimilation incoercible vient de se manifester concrètement après la signature, le 21 juin d’un accord - encore à ratifier par le Yuan législatif - qui ouvre 55 secteurs des services aux investisseurs du Continent, dont la banque, l’édition, le tourisme, l’emballage, la logistique, la restauration, la location de voiture et les salons de beauté.

Après ratification, les facilités accordées ouvriraient le droit initial aux entrepreneurs chinois de séjourner trois ans sur l’Île extensibles sans restrictions, moyennant un apport initial de 200 000 $. Des conditions que l’opposition considère beaucoup trop laxistes et pouvant ouvrir la voie à une invasion pacifique de Taïwan par les hommes d’affaires chinois, d’autant que, dit l’opposition, l’accord n’offre pas ou peu de garanties pour la main-d’œuvre et les PME locales.

La crainte d’une vision des relations uniquement fondée sur les intérêts d’affaires et pouvant glisser par gravité vers la réunification refusée par la grande majorité des Taïwanais constitue le fond de tableau de la situation politique de l’Île. Elle porte en elle un important potentiel de crise, dont le détonateur se trouve dans la fracture entre la vision affairiste de l’avenir et le fond de conscience politique de ceux, et ils sont nombreux, qui auraient souhaité garder une prudente distance avec la « Grande Terre ».

Mais le mouvement est irrésistible. Poussant les entrepreneurs taïwanais vers la Chine, il ouvre aussi les portes des affaires taïwanaises aux Continentaux. L’accord du 21 juin autoriserait les investisseurs de l’Île à élargir leurs opérations en Chine, dans la finance, la santé (hôpitaux), la construction, le tourisme, le commerce en ligne.

Des agences de tourisme chinoises pourraient s’installer à Taïwan et il serait possible que des hôpitaux provinciaux du Continent soient contrôlés à 100 % par des investisseurs taïwanais, tandis que l’accord autoriserait des Chinois à signer des JV pour la gestion des hôpitaux de l’Île.

Selon Peter Kurz, directeur de la recherche économique sur Taïwan à Citigroup Inc., le secteur de la finance taïwanais serait le premier bénéficiaire de l’accord. La Banque de Taïwan qui cherche à ouvrir ses opérations à l’étranger ouvrira des agences à Shanghai et dans plusieurs provinces chinoises. La société taïwanaise de gestion d’investissements KGI Securities, contrôlée par la famille du milliardaire taïwanais Koo, envisage d’ouvrir des agences en JV avec un partenaire chinois à Shanghai, Shenzhen et dans la province du Fujian.

Le parti indépendantiste tente, pour l’instant sans trop de succès, de freiner ce mouvement qu’à Taïwan beaucoup appuient au nom de la logique du marché. Au sortir de son deuxième séminaire sur les relations il a réaffirmé que les relations dans le Détroit ne pouvaient pas être seulement calibrées par les affaires.

S’il est vrai que la proximité géographique et de culture constitue une incitation, il importe, précise le DPP, que l’Île garde le contrôle de ses actions économiques extérieures et que ses relations avec le Continent restent équilibrées et équitables, capables de protéger son marché des capitaux et ses technologies. Surtout l’Île doit sauvegarder ses valeurs sociales et politiques, articulées autour de la solidarité et de la liberté.

Un des meilleurs exemples des luttes d’influence en cours dans le Détroit est l’échec au printemps de la tentative de reprise par le magnat de la presse Tsai Eng-meng, connu pour ses sympathies pro-chinoises, des éditions taïwanaises de deux publications à tendance libérale, Appel Daily et Next Magazine interdites en Chine pour leur positionnement anti Pékin. La vente a été bloquée suite aux protestations du DDP et peut-être parce que Pékin a considéré qu’il s’agissait d’un combat peu favorable à son image dans l’Île.

Sources.

- Striving for New Equilibria
- Ministry of commerce people’s republic of China, Statistics of Mainland-Taiwan Trade and Investment in January-March 2013
- Mainland China-Taiwan trade up 36.4% in Jan-Feb
- Taipeitimes.com
- Chinapost.com.tw
- Etaiwannews.com
- Taiwansecurity.org
- English.cw.com.tw

 

 

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