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›› Technologies - Energie

Le dessalement de l’eau de mer et le défi de l’eau potable

En août 2014 un fermier de Luoyang (Henan) au milieu de son champ de maïs frappé par la sècheresse. ChinaFotoPress/Getty Images

La question de l’eau se pose en Chine autour de deux inquiétudes : la quantité de la ressource et sa qualité. Si la pénurie est surtout sensible dans le Nord et le Nord-est qui ne disposent que 20% des ressources hydriques pour 40% de la population et 50% des terres cultivables, les interrogations sur la qualité de l’eau potable concernent tout le pays. Ces deux volets du stress hydrique ont récemment fait la une de l’actualité.

Les débats sur la ressource que le Parti tente depuis des années d’équilibrer par les gigantesques projets de diversion sud-nord ont, cette fois, examiné la pertinence des techniques de dessalement de l’eau de mer. Les considérations sur la « durabilité » économique de ce choix très coûteux se mêlent aux questions sur l’impact écologique d’une technologie très vorace en énergie qui augmente mécaniquement le nombre de centrales thermiques au charbon. A quoi s’ajoutent les classiques batailles pour les prix et la maîtrise technologique entre l’administration chinoise et les groupes étrangers.

Quant à la qualité de l’eau potable et à sa disponibilité dans l’arrière pays, elles ont, en prélude à une étude plus exhaustive à paraître - China’s drinking water safety faces scrutiny in 2015 -, fait l’objet d’un article publié par « China Dialogue » - 中外 对话 -, ONG basée à Londres et à Pékin, qui traite de la pollution en Chine. Les ambitions du 12e plan n’ont été tenues qu’en partie.

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Le dessalement une solution d’urgence « non durable ».

Fin 2013, 103 usines de dessalement étaient opérationnelles en Chine. La carte montre les points moyens des sites : en vert les usines en fonctionnement avec une forte concentration dans la conurbation Pékin - Tianjin, autour du golfe de Bohai et sur la cote sud du Shandong. Les autres étant réparties le long des cotes du Zhejiang, du Fujian et du Guangdong. En rouge les usines en construction. En jaune les projets de déviation sud nord.

Le dessalement de l’eau de mer est devenue une des solutions du gouvernement pour faire face au stress hydrique. Ayant admis que les projets de diversion seront insuffisants pour combler les pénuries d’eau au Nord du Yangzi, Pékin a prévu d’augmenter les capacités de dessalement de 800 000 tonnes/jour aujourd’hui à 3 millions de tonnes en 2020. Mais nombre d’experts chinois et étrangers pointent du doigt les coûts en énergie et, partant, en émissions polluantes des centrales thermiques dont la multiplication sera aggravée par le choix de dessalement.

Un mouvement global et des technologies nouvelles.

Le choix chinois s’inscrit dans un mouvement global qui augmente la quantité d’eau de mer traitée de 15% par an, au point qu’en 2016 la production mondiale d’eau dessalée atteindra 38 milliards de m3, soit un doublement depuis 2008. L’élan s’accompagne d’innovations technologiques importantes visant à réduire la consommation d’énergie des anciennes techniques de distillation. Par ailleurs, l’utilisation de la méthode dite d’osmose inversée a ainsi permis de diviser les coûts par deux. Elle présente cependant l’inconvénient d’augmenter très notablement la salinité de l’eau de mer environnante.

En Chine plus d’une centaines d’usines de dessalement fonctionnent déjà, de nombreuses autres sont en construction. Leurs centres de gravité sont la région de Qingdao, la connurbation Tianjin – Pékin – Tangshan, et les cotes des provinces du Zhejiang, du Fujian et de Canton. Les progrès technologiques et l’augmentation de la capacité sont rapides, accompagnés par une diminution des coûts de 20% sur fond de bataille pour capter les technologies des groupes étrangers par le truchement de centres de recherche délocalisés en Chine. (85% des brevets et 50% des unités en construction sont aujourd’hui contrôlés par des groupes non Chinois).

Pour ne citer que quelques exemples des progrès qui accompagnent la rémanence des groupes étrangers on citera l’usine de Baijiang de Tianjin qui a coûté 26 Mds de RMB (3,6 Mds €). Utilisant l’ancienne technique de distillation avec cependant des dispositifs modernes destinés à réduire la consommation en énergie et la pollution, elle a été en partie construite en Israël puis remontée en Chine. Dotée de technologies anti-pollution sophistiquées elle produit 10 000 tonnes d’eau dessalée par jour.

En revanche, les usines de Dagang (Tianjin), Caofeidian (80 km au sud de Tangshan) et de Qingdao respectivement construites par le Singapourien Hyflux, le Norvégien Aqualyng et l’Espagnol Abengoa utilisent la technique de l’osmose inversée plus économique et moins vorace en énergie. Au total la capacité de production de la centaine de sites construits en Chine devrait à la fin 2015 approcher les 2 millions de tonnes/jour.

La rentabilité en question.

Le choix du dessalement n’est cependant pas sans problèmes. Une récente étude du World Resources Institute montrait que la technique consommait 10 fois plus d’énergie que le recyclage des eaux usées ; à la longue elle coûterait même plus cher que les projets de diversion sud-nord. Couplée sans précaution avec le développement des centrales au charbon, elle serait un facteur aggravant de la pollution atmosphérique.

A ces inconvénients s’ajoutent ceux de la rentabilité dont le souci est de plus en plus au cœur des préoccupations de Bureau Politique. Subventionnée par le gouvernement l’eau produite par le dessalement coûte deux fois plus cher que son prix de vente contrôlé par l’État. Sans compter que, lancée plusieurs années avant les décisions de restructuration du 18e Congrès, la planification des usines de dessalement appuyée par des investissements pilotés par la Commission Nationale pour la Réforme et Développement qui dépassent 30 Mds de $ est en contradiction avec les mesures de restriction des crédits publics.

La prudence succède aux engouements.

Après un engouement initial, l’ambiance est aujourd’hui à la prudence. Favorisé à l’origine par les investissements publics qui attisaient les convoitises, à quoi s’ajoutaient l’attrait du nouveau marché des membranes pour la technique de l’osmose inversée et les délocalisations vers la Chine des centres R&D de quelques grands groupes étrangers, l’élan a faibli. Les raisons en sont d’abord la persistance de coûts prohibitifs de l’eau à la production en dépit des baisses permises par les nouvelles techniques et la réduction des soutiens publics décidée par l’actuel Bureau Politique engagé dans une vaste restructuration de l’appareil industriel et de l’économie où se pose la question de la rationalisation des prix.

Le dilemme place les investisseurs étrangers sous la pression des pouvoirs publics. Ces derniers pourraient exiger une réduction des coûts commercialement insupportable, sans compter que le risque existe pour les opérateurs non chinois d’être ciblés par la campagne contre les monopoles, principal moyen utilisé par l’administration pour corriger le déséquilibre provoqué sur le marché chinois par les avantages technologiques des groupes étrangers. Mais au-delà des choix commerciaux guidés ou non par l’habileté et l’opportunisme des opérateurs, reste la question de la validité du choix technologique.

Le débat n’est pas clos dans un contexte où la Chine, qui se rapprochera de l’Espagne en 2020 avec 3 millions de m3/jour d’eau dessalée, est encore loin derrière l’Arabie Saoudite et les Émirats qui à eux deux produisent 16 millions de m3/jour. Une des conclusions de l’étude citée plus haut réalisée par World Ressources Institute mérite attention :

« Aussi longtemps que le rendement énergétique du dessalement sera aussi faible, il ne devrait être utilisé qu’en cas d’urgence pour combler des pénuries momentanées. La solution au stress hydrique en Chine doit en priorité s’appuyer sur des stratégies d’économie et de recyclages des eaux usées plus efficaces. »

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Eau potable : des promesses partiellement tenues.

Le 24 novembre dernier Li Keqiang s’adressait aux personnels du ministère des ressources hydriques à Pékin.

Directement liée aux réflexions sur le dessalement qui fournit une petite partie des besoins en eau des centres urbains de la cote Est, se pose la question de l’accès à l’eau potable sur tout le territoire chinois. Arrêté il y a 5 ans, l’objectif du 12e plan (2011 – 2015) doté d’un budget de plus de 100 Mds de $ était de relever la qualité de l’eau potable au niveau des standards de qualité internationale dans toute la Chine. Le défi était de taille puisque la barre avait été placée très au-dessus de la qualité moyenne de l’eau.

A l’époque où furent fixés les objectifs du plan, le discours officiel était que, grâce aux mesures antérieures adoptées par les planificateurs, 600 millions d’urbains et plus de 400 millions de ruraux avaient accès à une eau courante buvable. Le bilan faisait cependant apparaître que près de 300 millions de villageois, paysans, et travailleurs agricoles se trouvaient encore hors des réseaux de distribution d’eau propre. L’intention du plan était de combler cette lacune en même temps qu’il voulait atteindre un taux de 90 à 95% de distribution d’eau potable dans les centres urbains.

Mais, à l’heure du bilan s’il est vrai que le nombre de foyers ayant accès à l’eau courante publique a notablement augmenté, force est de constater que le pouvoir reste ambigu sur la qualité de l’eau distribuée, tandis que les conclusions du rapport sur l’évaluation à mi-parcours du 12e Plan effectuée en 2013 sont restées classifiées. Selon une étude conduite par l’ONG « China dialogue », l’eau urbaine est loin d’être partout fiable, tandis que de nombreuses zones rurales n’ont pas réussi à se hausser au niveau des nouvelles normes pourtant moins contraignantes dans les campagnes qu’en ville. Les problèmes sont souvent liés à la mauvaise qualité de certaines stations de traitement des eaux et à la vétusté des canalisations.

En l’absence de transparence publique, les résultats des tests réalisés par quelques associations de la société civile sont alarmants. Un rapport récent de l’ONG China Water Safety Foundation montre que seulement 50% des 29 villes grandes ou moyennes offraient une qualité d’eau conforme aux 20 indicateurs des standards nationaux.

Les causes sont parfois géologiques occasionnant des taux anormaux d’arsenic, de fluor ou de sel. Ailleurs elles sont liées aux pollutions humaines. Un des problèmes auxquels l’actuel Bureau Politique s’attaque est la dilution des responsabilités dans pas moins de 9 administrations publiques concurrentes qui vont du Conseil des Affaires d’État et à la Commission Nationale pour la Réforme et développement (CNRD), aux ministères des ressources hydriques, du développement rural, en passant par la santé, le développement urbain, la protection de l’environnement et le logement.

 

 

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