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›› Technologies - Energie

Sciences de l’ingénieur : Qinghua en tête du classement mondial des universités

L’ancienne entrée de Qinghua au Nord-ouest de Pékin. Créée en 1911 Qinghua Daxue 清华大学 s’est avec Beijing Daxue toujours maintenue au niveau des meilleurs établissements d’enseignement supérieur et centre de recherche de Chine. Qinghua abrite aussi le programme MBA commun Qinghua – INSEAD.

Récemment le journal en ligne américain US News qui s’est fait, entre autres, une spécialité d’évaluer les universités mondiales et les hôpitaux, a classé Qinghua en n°1 mondial des universités dans le domaine des sciences de l’ingénieur.

Les critères de classement d’US News sont les performances des universités en matière de recherche, calculées sur 5 années par le nombre de citations et de publications dans les 12 000 revues les plus autorisées du monde académique global, le tout dans les différentes spécialités scientifiques, des sciences sociales, des arts ou des « humanités ».

Mélangées et agitées dans le « shaker » des statisticiens d’US News, les données ainsi recueillies grâce au site Web of ScienceTM produisent plusieurs classements des universités mondiales dans différents domaines académiques. La méthode souvent contestée car elle ne mesure pas la qualité pédagogique des universités, mais uniquement leurs productions académiques sur une durée de 5 années, a cependant le mérite d’exister.

Les ingénieurs, artisans du rêve chinois.

En Chine et hors de Chine, la distinction de Qinghua a étrangement ravivé le débat sur la qualité de l’enseignement délivré par le système chinois et sa propension à privilégier la répétition des normes acquises plutôt que de favoriser l’innovation. Ce qui, par les temps qui courent, exigeant que la Chine change son paradigme de développement pour évoluer de la quantité vers la qualité, pose la question de l’aptitude des jeunes générations à se projeter avec hardiesse vers l’inconnu de l’invention.

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Quoi qu’il en soit, cette année 2015 sera à marquer d’une pierre blanche puisque la méthode utilisée par US News place Qinghua devant le fameux MIT (Cambridge, Massachussetts, près de Boston) classé 2e sur un total de 250 établissements d’enseignement supérieur dans le monde. Logiquement, la nouvelle a soulevé en Chine un élan de fierté, dont l’ampleur peut être mesurée sur les réseaux sociaux, avec, en corollaire, les commentaires sur l’accroissement global de l’influence de la Chine.

L’appréciation sur les talents des ingénieurs chinois n’est d’ailleurs pas sans lien avec « le rêve chinois » qui, sur la scène internationale, s’exprime, entre autres, par le lancement spectaculaire du projet « Yi Dai, Yi Lu » dont l’épine dorsale est précisément la connectivité des transports le long des routes vers l’Eurasie par l’Asie Centrale et le Moyen Orient ou vers les pays d’Asie du Sud-est. Dans ces régions fleurissent les projets chinois d’infrastructures et d’aménagement du territoire (TGV en Thaïlande et en Indonésie, barrages hydroélectriques, recherches et exploitations minières au Myanmar et au Cambodge). Le rôle des ingénieurs chinois formés à Qinghua y est prépondérant.

Avec la capacité de financement de la Banque Asiatique pour les investissements d’infrastructures, portée à bout de bras par Pékin, la maîtrise chinoise en travaux publics constitue un des atouts du projet Yi Dai Yi Lu. Ici le pont qui relie les deux rives de la baie de Jiaozhou (45 km) à Qingdao.

Il est rappelé dans un article du China Daily, par Xu Haiyun, cité par Reuters. Formé à Qinghua et employé à l’Institut d’urbanisme national, Xu expliquait que les entreprises de travaux publics chinois avaient construit les plus grands immeubles, les plus grands ponts et les plus longues routes et voies ferrées de la planète, autant de réalisation et d’ouvrages où la maîtrise des technologies les plus avancées étaient indispensables.

Le monde chinois en pointe, avec les Américains.

En examinant le classement de US News on s’aperçoit que le monde chinois est particulièrement bien placé puisque, dans le palmarès mondial des 11 premières universités des sciences de l’ingénieur, on trouve non seulement Qinghua, n°1, mais aussi l’université du Zhejiang, n°4, 2 universités de Singapour (Nanyang et National University, n°5 ex-aequo), l’université de technologie de Harbin, n°7, l’université de Hong Kong, 10e et l’université Jiaotong de Shanghai, 11e. Les 4 autres sont toutes américaines.

Dans cette liste, les premières universités européennes sont une anglaise et deux suisses (Imperial College London, 12e, Swiss federal college of technology, 13e, Ecole polytechnique de Lausanne, 15e). Les Françaises - 2 instituts de Grenoble - sont loin derrière (Joseph Fourrier, Grenoble 1, 81e et Institut de technologie de Grenoble, 88e). L’Ecole polytechnique, symbole de l’excellence française se classe 179e sur 222.

En revanche la liste des meilleures universités, toutes matières confondues, est massivement dominée par les Américaines avec 17 universités dans les 20 premières. Les 4 premières étant Harvard, MIT, Berkeley et Stanford. Les Britanniques Oxford et Cambridge étant 5e et 6e, la première française est Pierre et Marie Curie, Paris 6 qui se classe 49e.

Pour nous consoler de cette contrariété, il nous reste à consulter le classement des meilleures écoles de commerce mondiales publié le 19 octobre par le Financial Times. On y constate d’abord que le programme de MBA commun Qinghua - INSEAD (Institut privé européen d’administration des Affaires, avec ses 3 campus à Fontainebleau, Singapour et Abou Dabi) est classé n°1, tandis que le programme d’HEC Paris, associé à la London School of Economics (LES) et l’Université de New York (nom du programme « Trium Global EMBA ») est n°3. L’INSEAD est également 5e au classement mondial des écoles de commerce après 4 anglo-saxonnes (Harvard, London Business School, Université de Pennsylvanie, Stanford).

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Questions rémanentes sur les capacités d’innovation chinoises.

En vert, les dépenses de la Chine en R&D et les projections de l’OCDE, comparées à celles des Etats-Unis (jaune), de l’UE (marron) et du japon (violet). A gauche en Mds de $, à droite en pourcentage du PIB.

Mais alors que paraissaient ces bons résultats des sciences de l’ingénieur chinoises, une étude du McKinsey Global Institute livrait une appréciation en demie teinte des capacités futures d’innovation des plus jeunes générations. L’idée maîtresse du travail était que, dans la période récente, la Chine avait excellé dans l’amélioration de découvertes déjà existantes telles que les TGV ou les « smartphones », à la fois meilleurs et moins chers.

Ses ingénieurs ont également montré un grand talent pour améliorer par d’astucieux ajustements l’efficacité des procédés de fabrication. Ces progrès qui reposent sur une imagination pratique souvent attisée par des attentes commerciales continueront. Ainsi Xiaomi, le fabricant de portables maîtrise parfaitement le feed-back des clients pour améliorer ses produits, tandis que We Chat a ajouté la fonction de paiement en ligne avant Facebook.

En revanche l’étude qui souligne que les percées chinoises dans la recherche fondamentale sont limitées, reste plus évasive sur les capacités d’innovation futures, en dépit des efforts financiers consacrés à R&D (200 Mds de $ en 2014, n°2 mondial, soit 2% du PIB), malgré la masse (1,2 millions) des ingénieurs diplômés chaque année et le foisonnement des dépôts de brevets (plus de 800 000 en 2013).

En réalité, dit l’étude, la Chine doit encore réussir la transition entre sa situation actuelle « d’éponge » qui absorbe et adapte de mieux en mieux les technologies et les procédés de fabrication et celle d’un pays chef de file de l’innovation. Associée à l’ajustement du schéma de croissance en cours, cette transition créatrice doit s’appliquer à tous les secteurs industriels et des services dans le but d’améliorer la productivité.

Une tradition éducative peu favorable à l’innovation.

Or nombre d’observateurs et d’experts éducatifs doutent que le système chinois d’enseignement, basé sur l’apprentissage par cœur et la préparation répétitive des tests où les étudiants chinois excellent, crée un environnement favorable aux innovations. Les plus critiques sont d’ailleurs souvent les Chinois eux-mêmes.

Dans son livre « Qui a peur du grand méchant dragon ? », Yong Zhao, originaire du Sichuan, titulaire d’un doctorat en éducation et président de l’institut d’enseignement en ligne à l’université d’Oregon où il est professeur, explique que le système éducatif chinois produit d’excellents candidats aux examens, mais pas assez de talents d’innovation. Dans son blog, Zheng Yefu, professeur à l’université de Pékin et auteur de « La pathologie de l’éducation en Chine » (2013) écrivait au printemps 2014 : « Après 12 ans dans le système scolaire chinois, les chances qu’un élève reçoive le prix Nobel sont nulles ».

En 2012, déjà Xiong Bingqi, expert pédagogique à l’Université Jiaotong de Shanghai et vice-président de l’institut de recherches éducatives du XXIe siècle, expliquait après la bonne performance de Shanghai aux tests PISA, « nos élèves sont bons dans les sujets connus désignés par les professeurs ; ils sont aussi bons en écriture et en maths, mais leur créativité et imagination sont faibles ».

A l’été 2014, le Bureau du CNRS à Pékin qui ne niait pas les progrès de la recherche et de l’innovation en Chine proposait deux angles d’analyse de la question de l’innovation : celui du financement et celui du fonctionnement en « écosystème » formule imagée pour désigner les ingrédients nécessaires au développement sans frein de l’innovation : une économie ouverte ; un cadre juridique rassurant et adapté en matière de droit de propriété et de droit commercial ; un environnement universitaire favorable ; un fort vivier d’investisseurs ; des structures administratives et académiques qui ne soient pas des freins aux initiatives ; l’existence d’instituts et d’entreprises phares.

Le bureau concluait que s’il est vrai que quelques éléments de cette panoplie existaient en Chine, d’autres manquent ou ne sont pas à la hauteur des exigences d’une recherche de haut niveau.

Sur les obstacles créés par environnement peu favorable lire : Accélération de l’immigration et retour des « cerveaux » expatriés

L’émergence de l’excellence.

Mais les patrons des entreprises chinoises de pointe n’attendent pas que la manne éducative chinoise modifie sa culture répétitive pour innover. Ils se mettent en mesure de concourir efficacement dans le grand bain global de la technologie de pointe en activant deux leviers stratégiques de première grandeur : l’attrait du marché chinois qui poussent les entreprises étrangères à partager leurs technologies ; le recrutement des meilleurs étrangers dans les secteurs où l’industrie chinoise est encore à la traîne, comme, entre autres, les microprocesseurs, les moteurs d’avions, la biochimie, les laboratoires P4 etc.

Les Chinois à l’école de la R&D occidentale.

Ainsi Baidu, moteur de recherche chinois, concurrent de Google et très en retard a t-il recruté en mai 2014 Andrew Ng, expert reconnu de l’intelligence artificielle pour installer un centre de recherche dans la Silicon Valley. Citons aussi Huawei, devenu le n°2 mondial, dont les efforts pour se maintenir à la pointe de la high-tech sont considérables. Plus de 60 000 personnes travaillent dans 20 « pôles d’innovation » et 17 centres de R&D répartis dans 6 pays, dont la Chine.

En 2010, le groupe avait déjà consacré 2,5 Mds de $ à la recherche, en augmentation de 500% depuis 2004, ce qui le classait n°3 en Chine et au 37e rang mondial. Selon la World International Property Organization (WIPO), Huawei se classe aussi au 2e rang mondial pour les brevets déposés. Lenovo, Tencent, Xiaomi suivent son exemple.

Enfin, une étude du consultant en stratégie Roland Berger (document PDF) pour la chambre de Commerce européenne rendue publique à l’été 2015, montre comment l’industrie de pointe chinoise parvient à surmonter l’obstacle – qui ne sera peut-être pas éternel – d’un système éducatif répétitif favorisant peu l’innovation.

Au milieu d’une mine considérable d’informations sur la manière dont les investisseurs européens analysent la situation économique de la Chine, ses avantages présents et les risques à venir, on apprend que 25% des entreprises européennes ont ouvert des centres de R&D en Chine où travaillent une foule de chercheurs chinois, avec 85% d’entre elles décidées à accentuer encore leurs investissements dans la recherche.

 

 

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