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›› Editorial

Vive l’année du Singe, vastes projets, vastes défis

L’année du Singe de feu a commencé le 8 février. Après la très contradictoire Chèvre de bois marquée par une affirmation anti-américaine en mer de Chine du sud et les tensions internes de la transition économique ayant durablement rabaissé la croissance à moins de 7% en dépit des multiples mesures de relance, la situation de la Chine continuera de balancer entre plusieurs contraires.

Ces tensions se manifesteront dans les domaines du droit de l’indépendance de la justice, de l’équilibre financier, de l’harmonie socio-économique, des relations avec Hong Kong et Taïwan ainsi que dans le domaine des Affaires étrangères. Enfin, carte sauvage de la situation chinoise, les heurts ethniques au Xinjiang en général dus à la frustration des Ouïghours pourraient s’aggraver par la porosité des liens avec les zones aux prises avec l’Islam radical en Syrie, en Asie Centrale, au Pakistan en Afghanistan et dans les zones tribales.

Une politique intérieure répressive pour préserver le magistère du Parti.

Tout en faisant officiellement la promotion de l’État de droit, le régime poursuivra ses efforts pour débarrasser la justice des plus flagrantes iniquités. Mais il gardera étroitement les procédures sous sa coupe. Il ne relâchera pas non plus le contrôle sévère de l’expression libre qui, à l’automne, a dérapé à Hong Kong où 5 éditeurs ont été enlevés, tandis que certains d’entre eux, réapparus à la télévision chinoise, ont été contraints de se livrer à un acte de contrition publique pour avoir osé mettre en vente des livres interdits en Chine.

La répression sans nuance contre des libraires et éditeurs qui confine à des pressions mafieuses contribue à créer un climat de tensions qui pourrait être à l’origine de la violente réaction des vendeurs de rues le 9 février que la police a déménagés de force. Le bilan de 90 policiers et 54 manifestants blessés constitue une sérieuse alerte des tensions à venir en amont de 2017, année de la prochaine élection du gouverneur.

La censure médiatique se double de la plus vaste et plus féroce campagne anti-corruption jamais entreprise par le pouvoir. Rien n’indique qu’elle cessera. Au contraire, une commission spéciale a été créée à la fin 2015 au sein de l’APL pour accélérer la mise en cause des prévaricateurs militaires. La férocité des répressions souvent basées sur la délation entraîne une paralysie de l’administration et pourrait déboucher sur une lutte de clans.

La machine économique chinoise accuse le coup.

Sur le front économique et social, l’appareil est conscient des risques portés par la plus faible croissance depuis un ¼ de siècle générant des fermetures d’usines, des licenciements, l’accumulation des dettes, les surcapacités du secteur industriel et un indicateur d’achats systématiquement en baisse depuis 2011 (en moyenne à 49,38 sur 4 ans, il était de 48,2 en décembre 2015 et de 48,4 en janvier 2016), qui accompagne la contraction de tous les indicateurs économiques.

Le Parti est aussi inquiet du recul rapide des réserves de change diminuées de 108 Mds de $ en décembre 2015, pour une baisse totale de 512 Mds de $ au cours de l’année 2015 [1], signale des efforts de la Banque Centrale pour enrayer une préoccupante fuite des capitaux, elle-même symptôme d’une érosion de la confiance.

Le 10 septembre dernier, au forum économique mondial de Dalian, le premier ministre Li Keqiang tentait de rassurer l’auditoire en réfutant les prévisions d’accident économique et en niant les rumeurs d’une spirale de dévaluation du Yuan. Mais il reconnaissait que l’économie chinoise était soumise à de fortes pressions dont cependant aucun expert n’est en mesure d’indiquer la capacité de rupture. Pour autant le nouveau plan quinquennal à adopter en mars, mais déjà arrêté lors du 5e plenum du Parti en octobre, met l’accent sur les politiques sociales (retraites, santé), la réforme du tissu industriel qui suppose de très sérieuses remises en question qualitatives - notamment chez les grands groupes publics - et envisage tout de même d’ici 2020 de doubler le PIB à 18 000 $ par habitant par rapport à ce qu’il était en 2010 [2].

Les grands défis : améliorer la qualité, assainir les finances et restructurer les grands groupes.

Le défi qualitatif est de taille et soumis à de nombreux freins, alors que les plaques tectoniques de la croissance bougent lentement. Cette bascule se lit dans l’importance croissante des petites et moyennes entreprises dont la part dans le PIB augmente et dans l’émergence d’un secteur des services - dont l’indicateur d’achat est en moyenne à 52,36 entre 2012 et janvier 2016 (il était à 52,4 en janvier) –. Ces évolutions cohabitent cependant avec l’ancien schéma de développement continuant à promouvoir les investissements d’infrastructure et d’aménagement du territoire, en partie à l’origine de l’augmentation de la dette.

Les obstacles aux réformes se perçoivent aussi dans la persistance de la mauvaise gestion financière des grands groupes d’État, investissant en bourse au lieu de se restructurer ; dans les gaspillages des anciens secteurs industriels aggravés par une faible productivité, tandis que la construction de centrales thermiques au charbon dont les chiffres de production semblent avoir fait l’objet de manipulations, contredit la préoccupation écologique, alors même que, chez les générations plus jeunes et la classe moyenne, montent de sérieux agacements de voir que les grands centres urbains chinois font sans cesse l’objet de compte-rendu catastrophiques par les médias de la planète sur la qualité de l’air chinois [3].

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Le chantier visant à calmer les inquiétudes financières sous-jacentes depuis 2008 nourries par l’accumulation des dettes et ravivées par les deux secousses boursières de juillet 2015 et janvier 2016, a également été l’objet des manœuvres erratiques témoignant de l’inquiétude du régime.

Ce dernier découvre les effets pervers de marchés financiers plombés par les délits d’initiés, l’inexpérience des petits porteurs et la faiblesse des systèmes de contrôle qui ciblent en général des boucs émissaires [4] au lieu de s’attaquer aux vraies responsabilités dont l’épine dorsale est la collusion étroite entre les banques et les grands groupes publics, sur fond d’augmentation massive des dettes depuis 2007 dont le chiffre cumulé, révélé en février 2015 par un rapport Mc Kinsey, (Entreprises, administrations locales et centrales, particuliers) atteint 280% du PIB, le plus élevé des émergents et très au-dessus de la plupart des pays développés. Lire notre article Risques financiers et pilotage macro-économique. Entre relance et rigueur

Pour autant, en dehors des mouvements grégaires de panique, des tendances à la manipulation et aux délits d’initiés, aggravées par les hésitations initiales des pouvoir publics, dont Question Chine a amplement rendu compte, l’une des principales leçons à tirer des soubresauts de la bourse en 2015, amplifiés par l’accumulation des dettes dont la conscience alimente l’angoisse et entraînera assurément de nouvelles secousses, est une attitude nouvelle des industriels face aux risques recelés par les anciennes attitudes de fuite en avant. Pour maintenir leur chiffre d’affaires et ménager leur « face », les entreprises en crise se lançaient en effet dans des stratégies d’emprunt effrénées, avec l’assurance que l’État viendrait toujours à leur secours.

Si elle n’a pas complètement disparu, notamment à la tête des groupes miniers, pétroliers ou aéronautiques qui restent de puissants États dans l’État, cette attitude à la racine de l’accumulation des dettes toxiques est aujourd’hui en recul. Une évolution vers plus de transparence et une meilleure gouvernance prendra du temps.

Mais clairement, le glissement en cours vers plus de responsabilité financière des industriels dans leur relation avec le pouvoir est le résultat des actions déterminées de la banque centrale et de son gouverneur Zhou Xiaochuan (67 ans), en poste depuis 2002 et reconduit en 2012. Contre les très puissants vents contraires de la résistance aux réformes, les deux ont fini par insuffler l’idée, jusque là improbable et encore mise en œuvre de manière très inégale en fonction des connexions des groupes avec le pouvoir, que les pouvoirs publics pourraient ne plus venir au secours des groupes publics mal gérés.

L’action d’assainissement est conduite par ministre des finances Lou Jiwei (65 ans), protégé du très pragmatique Zhu Rongji, fervent partisan de la transparence et de l’ajustement au marché et de Shang Fulin (64 ans) patron de la Commission de régulation bancaire qui plaide pour la mise en concurrence des féodalités des grandes banques avec des institutions financières privées.

Un autre adepte de la mise aux normes internationales du système financier chinois et de l’ouverture du compte de capital, est Xiao Gang (57 ans), président de la Commission de régulation boursière. Dans ce secteur, beaucoup reste à faire pour adapter les finances chinoises au marché. S’il est vrai que – satisfaction d’amour propre – le Yuan chinois a été admis au sein des monnaies de référence pour le calcul des Droits de Tirage Spéciaux du FMI, avec prise d’effet en octobre 2016, la réalité est que la monnaie chinoise n’est toujours pas librement convertible.

En première ligne dans la récente crise boursière, au point que sa position a été un moment menacée, Xiao Gang est confronté à la tâche complexe de concilier, d’une part l’adaptation des marchés boursiers chinois aux normes de transparence et d’indépendance et, d’autre part, l’étroite collusion des affaires et de la politique, principal terreau des délits d’initiés, dangereuse gangrène des marchés financiers.

Ce conflit perdurera en 2016, attisé par les résistances des secteurs traditionnels directement connectés à l’oligarchie que le Politburo tente parfois d’amener à résipiscence par le truchement de la lutte contre la corruption. Mais la puissance de certains conglomérats notamment ceux de l’aéronautique, du génie civil, de l’acier, du charbon, du rail et certains chantiers navals rend l’entreprise hasardeuse.

L’immobilier, la propriété, l’urbanisation et l’intégration des migrants.

Enfin en 2016, le régime continuera à faire face aux blocages générés par le dogme de la propriété collective notamment en milieu rural qui, dans le contexte du vaste exode en cours (entre 2010 et 2025 ce sont pas moins de 300 millions de paysans qui auront migré vers les villes selon le plan d’urbanisation 2014 - 2020) génère des tensions entre les paysans et les collectivités locales dont les budgets sont abondés par le truchement des captations de terres à bas prix par les fonctionnaires et au détriment de la paysannerie.

La question n’est pas près d’être réglée, puisque pour l’heure, ayant ouvert les immenses chantiers de la sécurité sociale et des retraites, l’État envisage seulement d’intervenir plus directement dans les appropriations foncières par les administrations locales pour mieux indemniser les paysans et limiter les conflits sociaux qu’elles génèrent. Pour le reste – garantie des revenus des administrations locales, mise en place à l’échelle nationale d’un système unifié d’impôts et de taxes et ajustement du dogme de la propriété collective – les réformes sont encore à l’état de projet, d’expériences pilotes ou même restées lettre morte.

L’immobilier est lui aussi un dossier enfermé dans des contradictions. Alors que, pour faciliter l’accès à la propriété urbaine le pouvoir tente depuis des années de contrôler les prix, il a, compte tenu de l’impact du secteur dans l’économie (15% du PIB), été contraint d’en relancer les investissements. Le coup de fouet a conduit à un retour de la hausse des prix visible depuis le printemps 2015 avec en moyenne +15% dans le neuf et l’ancien des villes de 1er rang. (Dans les villes de 2e et 3e rang la hausse reste faible) [5].

Les paradoxes de l’immobilier et des logements sociaux renvoient au vaste chantier de l’intégration des migrants dont le coût estimé par le ministère des finances en mars 2015, investissements d’infrastructures urbaines et services sociaux compris (santé, transport, logements, adduction et traitement des eaux, écoles) atteint la somme de 42 000 Mds de RMB (6000 Mds d’€, soit 3 fois le PIB de la France et près de 2 fois les réserves de change chinoises).

Contradictions dans le Détroit de Taïwan

A la jointure de la politique étrangère et étroitement liée à l’histoire politique de la Chine se situe le lourd embarras de la question de Taïwan dont les contradictions ne se trouvent pas seulement à Pékin, mais également à Taipei. De chaque côté du Détroit les élites politiques auront à gérer à partir du 20 mai 2016, date de l’investiture de Tsai Ing-wen, la lourde défaite des héritiers spirituels de Tchang Kai-chek et l’arrivée au pouvoir pour la deuxième fois en 16 ans d’un Parti de surcroît présidé par une femme dont le projet politique s’articule autour de la séparation politique et identitaire avec le Continent.

Tenté de faire accepter par la menace et les pressions la politique d’une seule Chine que la nouvelle présidente refuse de reconnaître, le Politburo sera cependant contraint par l’exigence de maintenir l’Île dans un état de sujétion économique limitant les marges de manœuvre des indépendantistes sans pour autant attiser les forces centrifuges par des manœuvres trop brutales, dont Hong Kong donne dans l’Île une image détestable.

De même Taipei sera, en dépit du soutien du Yuan Législatif complètement acquis à sa cause, obligée de composer non seulement avec Pékin à qui elle a promis de ne pas remettre en cause les acquis de l’accord cadre de 2010, mais également avec les deux tendances contraires de l’opinion taïwanaise dont la majorité ne souhaite pas de tensions dans le Détroit, mais dont la frange indépendantiste radicale brûle de défier la Chine sur le terrain très sensible de son indépendance.

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Une politique étrangère de puissance et des projets sans précédent.

Malgré la force des relations commerciales et la multiplication des coopération avec les États-Unis, en politique étrangère, l’année de la Chèvre fut une période où Pékin affirma, en contradiction avec ses discours d’apaisement, de vastes ambitions de puissance et de souveraineté en mer de Chine en rivalité directe avec Washington, Tokyo, Manille et Hanoi.

La posture fut confortée par une forte augmentation du budget des armées, l’accélération du bétonnage de 7 îlots dans les Spratly dont 2 sont équipés d’une piste d’aviation, la décision de construire au moins deux autres porte avions et l’organisation, le 3 septembre 2015, d’un puissant défilé militaire de la victoire sur le Japon, réplique de celui tenu à Moscou le 9 mai commémorant la chute du 3e Reich. L’événement semblait sceller une alliance militaire de guerre froide avec le Kremlin faisant suite à la signature en mai 2014 d’un très gros contrat d’achat par la Chine de gaz russe.

Le rapprochement sino-russe et la concurrence de Washington.

Au point que l’année 2015 est apparue comme l’aboutissement d’une longue période de connivence sino—russe visant à limiter l’influence américaine dans le monde. Le point d’orgue aura certainement été, faisant suite à 4 vétos de Moscou sur la question syrienne entre 2011 et 2014, l’organisation à Ufa en Russie du 8 au 10 juillet 2015 du double sommet des BRICS et de l’Organisation de Coopération de Shanghai (O.C.S) qui rassemblait autour de Vladimir Poutine et de Xi Jinping les chefs d’État de l’Afrique du Sud, de l’Inde et du Brésil.

Ces derniers étaient accompagnés par ceux de 4 pays d’Asie Centrale et leurs homologues d’Afghanistan, d’Iran, d’Inde, de Mongolie, du Pakistan, venus en observateurs, mais dont certains, comme l’Inde, la Mongolie et l’Iran, pourraient assez vite être intégrés dans l’O.C.S, sur proposition de Moscou et de Pékin.

En Asie de l’Est, la connivence sino-russe pourrait, au-delà des premiers raidissements de Moscou et Pékin contre la dernière explosion nucléaire nord-coréenne le 6 janvier, suivie un mois plus tard par un essai balistique, tenter de faire pression sur Washington pour la reprise du dialogue à 6 et l’assouplissement de la position américaine qui conditionne les négociations pour un traité de paix avec Pyongyang à l’abandon préalable, complet et vérifié du nucléaire militaire.

Sur le fond il est peu probable qu’en 2016 Pékin, toujours préoccupé par un possible effondrement du régime de Kim Jong-un, modifie son attitude à l’égard de son inconfortable voisin faite du refus d’augmenter ses pressions logistiques.

S’il est vrai qu’en dehors de la sphère du Pacifique occidental (mer de Chine de l’Est, mer jaune et mer de Chine du sud) les stratégies chinoises sont celles de la non ingérence militaire, Pékin qui, au Moyen Orient, tente le grand écart entre Téhéran et Riyad, commence à ressentir les limites de son attitude d’expectative, tandis que, paradoxalement, c’est Washington dont la réputation dans la zone est très compromise qui fut le principal acteur de l’accord nucléaire avec l’Iran.

Nouvelles préoccupations de sécurité.

En même temps, l’engagement des intérêts chinois dans les zones à risques, tandis que les menaces pesant sur le Xinjiang commencent à être directement en prises avec les régions traversées par les transes islamistes radicales, entraîne une lente évolution de la pensées stratégique chinoise.

C’est ainsi qu’en mai 2015, avec l’objectif premier de protéger ses installations pétrolières au Sud-Soudan, Pékin a dépêché à Juba un bataillon de combat d’infanterie de 800 hommes, marquant une nette évolution de la retenue chinoise à l’extérieur. Un mois plus tard, on apprenait que l’APL allait installer un point d’appui militaire à Djibouti sur le site d’Obock exactement en face des unités américaines, japonaises et françaises cantonnées dans l’ancienne colonie française.

Enfin, l’assassinat le 20 novembre par des terroristes djihadistes à Bamako de 3 hauts responsables du groupe China Railways incitera Pékin à renforcer en 2016 son dispositif de sécurité à l’étranger dans les zones à risques. Cette tendance est confirmée par la coopération de Pékin avec Erik Prince, ancien PDG de Blackwater, par le truchement d’une association avec la société de Frontier Service Group, financé par la CITIC et dirigée par Lawrence Zhao, lui-même toujours étroitement lié à la sécurité d’État chinoise.

Les vastes projets Yi Lu Yi Dai一 丝绸 路, 一经济 带

L’année de la Chèvre aura également été celle du lancement du vaste projet d’expansion économique chinoise le long des anciennes routes de la soie, désigné en Chine par le nouveau slogan Yi Lu Yi Dai, contraction de 一 丝绸 路, 一经济 带 (Yi Sichou Lu, Yi Jingji dai – une route de la soie, une ceinture économique, que les Anglo-saxons ont baptisé OBOR – one belt, one road). L’intention dont l’affichage est grandiloquent et dont il faudra démêler la part de propagande, vise à contourner l’influence américaine des partenariats Trans-Pacifique et Trans-Atlantique.

Elle est appuyée par un réseau sans précédent d’institutions financières qui promettent le déversement d’une montagne de crédits d’infrastructures et d’appui au développement (la propagande affiche 1000 Mds de $), dont l’objectif est aussi de fournir des débouchés aux grands groupes chinois dont, effets cumulés de la transition économique en cours et de la crise, l’activité s’est sérieusement contractée en Chine.

Après une première phase de sécurisation des approvisionnements en matières premières et en sources d’énergie, Pékin a entamé en 2013 une stratégie de coopération dont la pleine mise en oeuvre a été symboliquement fixée en 2049, année du centenaire de la RPC, avec un nombre impressionnant de partenaires (65 pays) dans sa périphérie immédiate de l’Asie du Sud-est et du Sud, en Afrique, en Asie Centrale, au Moyen Orient et en Europe, les premiers objectifs sur le Vieux continent étant la Grèce et les anciens pays de l’Est (Pologne, Balkans, Biélorussie, Roumanie). Ultérieurement, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Grande Bretagne, la Belgique, la France, l’Espagne.

La stratégie est un vaste plan économique qui se développe autour des routes terrestres par l’Asie Centrale avec un point départ au Xinjiang et maritimes (mer de Chine du sud et Océan Indien, le long du « collier de perles »), dont le point de départ est le Fujian. Elle s’articule autour de banques et de fonds d’investissements nouveaux créés en un temps record qui font concurrence aux anciennes institutions financières mondiales [6].

Le but : construire des infrastructures, moderniser le tissu industriel dans les pays cibles devenant les destinataires des équipements produits par l’industrie chinoise en perte de vitesse en Chine. Si possible – essentiellement en Europe - capter les technologies pour mener à bien le projet de modernisation 中国 制造 2025 (fabriqué en Chine) qui ambitionne de siniser d’ici 10 ans la production high-tech du pays.

Caractérisée par une approche plus souple que la rigueur juridique américaine, le projet s’articule autour de thèmes (énergie, investissements, finances, technologies) et de zones géographiques (Initialement Europe de l’Ouest et de l’Est, Indochine et Asie du Sud-est, Asie du Sud – dont le Pakistan -, Asie Centrale, Iran, Israël, Caspienne, Georgie), et pourrait s’étendre à l’Inde, à l’Afrique et à la péninsule arabique.

Il est vrai que les obstacles à ces projets pharaoniques ne sont pas minces. Ils tiennent aux difficultés du terrain des routes terrestres, aux risques de sécurité et aux méfiances des partenaires qui pourraient se cabrer face à la puissance chinoise manifestée en mer de Chine du sud, à l’opposition de l’Inde, concurrent de Pékin, à quoi s’ajoutent les possibles dérives de prévarication et de détournement des fonds, de projets qui ne présentent pas les mêmes garanties de rigueur et de transparence que ceux de Washington.

Mais on constatera l’extrême réactivité chinoise et le pragmatisme de Pékin qui se donne de vastes moyens pour tenir le pays et son secteur productif à distance des risques de récession et tirer partie de l’affaiblissement des économies développées à qui elle apporte ses capitaux, en échange des technologies indispensables à sa modernisation.

Note(s) :

[1Les réserves de change étaient de 3330 Mds de $ en décembre 2015, contre un record de 3950 Mds de $ en avril 2014.

[2En dépit du ralentissement, la performance n’est pas impossible, même avec une croissance réduite à 6,5%, puisqu’en 2014 le PIB/habitant était déjà à plus de 13 000 $.

[3Dans un contexte où les graves alarmes à la pollution de l’air se sont succédées à l’automne, la publication 3 semaines avant la conférence de Paris par les statistiques nationales du chiffre corrigé de la consommation de charbon plus importante de 17% que celle annoncée dans les documents antérieurs, a jeté une ombre sur la capacité de la Chine à tenir ses promesses écologiques. Le cafouillage n’est pas anodin si l’on songe que, dans la hiérarchie des grandes préoccupations de l’opinion chinoise, la crainte de la pollution vient en 2e position, juste derrière les soucis sociaux (retraites et santé publique).

[4Après le mois de juillet 2015 a soufflé un vent de mise en accusations non seulement dans le secteur financier, à la commission de régulation boursière et au sein des sociétés de courtage dont 3 ont été mises en examen, mais également contre quelques analystes accusés de répandre des fausses nouvelles et d’influencer le marché à la baisse. Parfois la bourrasque véhicula des ressentiments xénophobes. Un éditorial du Financial News, journal officiel des banques chinoises, accusa Morgan Stanley, Goldman Sachs et d’autres banques d’investissements étrangères dont l’empreinte dans la finance chinoises est pourtant minime, de créer un chaos pour empêcher la Chine de devenir une puissance financière.

[5Selon Xu Shaoshi, président de la Commission Nationale pour la Réforme et Développement, le gouvernement lancera en 2016 la phase d’insertion urbaine de 100 millions de ruraux dont les revenus, plafonnant en 2014 en moyenne à 2864 Renmibi mensuels (400 $ ou €), ne permettent pas l’achat d’un appartement dont les prix dépassent assez souvent 10 000 RMB (1400 €) le mètre carré. La contradiction est que les quelques mesures récentes décidées pour tenir la tête du marché immobilier et des industries afférentes hors de l’eau, poussent dans la direction inverse de celle souhaitée par le planificateur de l’exode rural : elles tirent les prix des logements vers le haut ou à tout le moins elles ne les incitent pas à la baisse.

[6Dont les deux plus importantes sont la Banque Asiatique d’Investissements pour les Infrastructures (AIIB) et le Fond des routes de la soie (FRS). A quoi s’ajoutent le Fonds souverain chinois CIC, la banque des BRICS, l’Exim Bank, la China Development Bank et des fonds de coopération régionaux comme Chine – ASEAN et Chine – Afrique.

 

 

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