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›› Taiwan

Pékin augmente ses pressions sur Tsai Ing-wen

Tsai Ing-wen et Xi Jinping.

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Il fallait s’y attendre, quand bien même la nouvelle présidente avait, lors de la cérémonie d’investiture il y a 5 semaines montré plusieurs signes que, dans la relation avec Pékin, elle n’aurait pas la même approche indépendantiste radicale que Chen Shui-bian son prédécesseur du DDP (président de 2000 à 2008), Pékin n’a pas l’intention de laisser à Tsai Ing-wen la moindre marge de manoeuvre tant qu’elle ne sera pas rentrée dans le rang de la reconnaissance formelle « d’une seule Chine. »

Le 25 juin, par un court communiqué de Xinhua le Bureau des Affaires Taïwanaises annonçait qu’en l’absence de la reconnaissance du « consensus de 1992 » par Tsai In-wen, il avait « fermé les canaux institutionnels de communications entre l’Île et le Continent » [1].

La montée des aigreurs fait suite à une série de vexations chinoises qui, depuis bien avant l’investiture du 20 mai dernier, dessinent un harcèlement contre la nouvelle administration dont l’arrière plan renvoie sur la scène internationale à l’affirmation de souveraineté de Pékin sur Taipei.

Harcèlements diplomatiques.

En dépit des efforts de Taipei pour les faire renvoyer à Taïwan, le 24 juin les autorités cambodgiennes ont déporté en Chine par un vol spécial de China Eastern, 25 Taïwanais accusés de fraudes téléphoniques par Pékin. Ils étaient encadrés par 90 policiers venus spécialement de Chine pour l’occasion.

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Les escarmouches avaient commencé dès le 17 mars par l’établissement des relations diplomatiques avec Banjul, signant la fin de la trêve diplomatique qui durait depuis 2008 pendant laquelle Pékin s’était abstenu de recruter dans son camp les pays du maigre réseau diplomatique de Taipei. Un mois plus tard a commencé une série d’opérations policières rondement menées avec des pays acquis à la vision chinoise des relations dans le Détroit qui rapatrient en Chine Continentale des ressortissants taïwanais accusés de malversations diverses.

Chaque fois l’expédition en Chine des suspects taïwanais encadrés par la police chinoise (le 13 avril depuis Nairobi et le 1er mai depuis Kuala Lumpur) a soulevé les protestations offensées des autorités de l’Île qui assimilent l’opération à un enlèvement. La dernière opération de ce type a eu lieu le 25 juin depuis le Cambodge pour 25 Taïwanais accusés de fraude par Pékin et embarqués dans un appareil des lignes chinoises malgré les protestations de Taipei.

Dérapage misogyne…

Pour l’anecdote, en Chine, les pressions contre Tsai ont donné lieu le 25 juin à un dérapage misogyne d’un général de l’APL à l’origine de quelques réprobations dans les médias sociaux. La toile et les réseaux sociaux se sont animés pour dénoncer le sexisme du Général Wang Weixing de l’Académie des Sciences Militaires ayant posté sur « International Herald Leader – 国际 先驱导报 », un portail de Xinhua, un article dans lequel il attaquait la personnalité de la présidente, ses liens supposés avec Shinzo Abe et la vie dissolue de son père, plusieurs fois marié.

Wang affirmait aussi que Tsai était « une indépendantiste radicale » pour compenser le fait qu’elle était célibataire et privée des responsabilités d’une famille et de l’éducation d’enfants [2]. La conclusion de Wang également critiquée par quelques journalistes sur les réseaux sociaux, commentait sur « l’évidente duplicité de Tsai, créant une contradiction avec laquelle elle aurait à vivre toute sa vie ».

…et sombres perspectives.

Tsai Ing-wen est, après un transit par Miami, arrivée au Panama le 25 juin pour la première visite officielle de son mandat. Le même jour, Pékin décidait de fermer les contacts entre le Bureau des affaires taïwanaises et le bureau des affaires continentales, son homologue sur l’Île. Le porte-parole chinois a évoqué le refus de Tsai de reconnaître le « consensus de 1992 » affirmant la politique d’une seule Chine. ». Le 27 Tsai était au Paraguay, avant de retourner le 2 juillet à Tapei, après un passage à Los Angeles.

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Plus sérieusement Pékin ne manque pas de moyens pour augmenter la pression sur la nouvelle administration de l’Île, sans se mettre en porte à faux par des attaques personnelles.

Depuis la réduction de l’espace diplomatique par des manœuvres de séduction financière et des promesses de constructions d’infrastructures à l’intention des fidèles alliés de l’Île, jusqu’aux restrictions des autorisations touristiques accordés aux continentaux, en passant, comme le souligne Jean-Pierre Cabestan, par les tentatives de ralliements de tous les industriels, entrepreneurs et hommes d’affaires mécontents des politiques de Tsai.

Quoi qu’il en soit, en refusant de communiquer avec l’Île, Pékin complique la tâche de la présidente et affaiblit ce qui lui reste d’audience internationale au moment même où elle accomplit son premier déplacement à l’étranger au Panama où elle a assisté à la cérémonie d’inauguration du canal élargi, le jour même où un porte conteneur géant du chinois COSCO long de 300 m franchissait les nouvelles écluses.

Pour la petite histoire, les autorités panaméennes avaient également invité le président chinois Xi Jinping qui n’est pas venu. Mais à Taipei la nouvelle fait craindre que Panama pourrait être la prochaine cible diplomatique de Pékin.

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Le 24 juin le Taipei Times publiait les résultats d’un sondage réalisé par téléphone sur un échantillon de 1077 personnes. Il montre que la question de la marge diplomatique est sensible dans l’opinion. 61,4% des sondés affirment ne pas être satisfaits du statut diplomatique de l’Île et 56,3% considèrent que les 22 pays alliés diplomatiques ont joué un rôle important dans la survie du régime taïwanais et son développement.

78,2% ont exprimé leur désaccord avec la priorité accordée par Ma Yin-jeou à la relation dans le Détroit au détriment des relations extérieures de l’Île. La nouvelle présidente ne devrait pas se priver d’effectuer des visites officielles à l’étranger dans le seul but de ne pas froisser Pékin.

Plus de 80% des sondés soutiennent les efforts de Taïwan pour obtenir un siège à l’ONU quels que soient les oppositions de la Chine ou des États-Unis. Si l’Île avait la possibilité de choisir son appellation, 53,4% choisiraient Taïwan ; 31% République de Chine et 8,7% China Taipei.

Lire nos articles :
- La Gambie et la Chine rétablissent leurs relations diplomatiques. 1er coup de semonce de Pékin
- Tsai Ing-wen, à l’ombre du Dragon

Note(s) :

[1Le Bureau des Affaires Taïwanaises et son homologue dans l’Île sont le principal canal de contacts et d’échanges entre Taïwan et le Continent. Ils supervisent les négociations commerciales, les ajustements juridiques ainsi que les échanges culturels et éducatifs.

[2En 2012, dans une interview accordée à un magazine taïwanais, Tsai avait expliqué que le célibat lui avait évité « de se battre sur deux fronts », le professionnel et celui de la famille. Puis, sur Facebook, elle avait commenté que, dans la société taïwanaise, la vision des femmes non mariées avait évolué, et suggéré avec malice qu’il n’était pas impossible de trouver hors mariage ce que d’autres trouvent dans la vie de couple.

 

 

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