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Sommet Chine – Europe. Quelques avancées dans un climat de défiance

Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et le président Xi Jiping le 12 juillet à Diayutai, la maison des hôtes d’Etat à Pékin.

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Parmi les sommets internationaux ayant souffert des tensions de la crise, aggravée par la secousse du Brexit, le sommet Chine – Europe tenu à Pékin les 12 et 13 juillet a révélé quelques crispations qui viennent de se concrétiser le 19 juillet par une plainte déposée par Bruxelles à l’OMC pour « pratiques commerciales déloyales » accusant Pékin d’imposer des quotas à l’exportation sur 11 minéraux sensibles parmi lesquels le chrome, le cobalt, le magnésium, l’antimoine et le graphite, dont le commerce est largement dominé par la Chine qui y détient un quasi monopole.

Après les États-Unis qui, à la mi-juillet, dénonçaient les violations chinoises du marché et de la libre concurrence favorisant les entreprises chinoises, l’UE espère obtenir gain de cause comme déjà en 2012 et 2014 sur des cas similaires.

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Certes, le sommet du 12 juillet n’a pas été uniquement celui des crispations commerciales. Au milieu des rappels du caractère « stratégique » de la relation articulée autour d’échanges commerciaux très denses (l’UE est le premier partenaire commercial de la Chine avec 15% des échanges chinois) et la présence en dépit des blocages américains de nombreux pays européens dans la Banque chinoise pour les investissements d’infrastructure (sigle anglais AIIB) (lire notre article L’élan global de la monnaie chinoise, craintes américaines et perspectives) Bruxelles et Pékin ont avancé sur plusieurs sujets cruciaux.

La puissance des liens Chine – Europe.

Le 28 septembre 2015, à l’occasion du dialogue économique et commercial entre l’UE et la Chine, M. Ma Kai (à droite), vice-premier ministre chinois, avait informé M. Jyrki Katainen, vice-président de la Commission européenne, que la Chine allait contribuer au plan d’investissement pour l’Europe de 315 milliards d’euros porté par la Commission. La Chine était le premier pays tiers à annoncer une telle contribution.

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Parmi eux, le projet phare publiquement soutenu par Xi Jinping dans son discours d’accueil, de connecter le Fond Européen pour les investissements stratégiques (FEIS) avec les projets OBOR et l’espoir que banques européennes et la BCE parviennent à collecter 340 Mds de $ de financements privés et publics au profit des investissements d’infrastructures le long des « nouvelles routes de la soie ».

Notons que la participation chinoise à ce fond qui paraît modeste de 2,21 Mds jusque là freinée par les banques chinoises réticentes à perdre le contrôle de leurs capitaux dans un pot commun, signale une avancée de la longue et laborieuse négociation sur les investissements.

Pour Bruxelles, un accord équilibré et ayant force de réciprocité en Chine sur les investissements qui, comme l’a rappelé Li Keqiang intéresse les Chinois cependant réticents à accorder les mêmes facilités aux investisseurs européens, constitue un préalable indispensable à un accord de libre échange dont les négociations s’éternisent. Au cours des échanges du 12 juillet les émissaires de l’UE ont insisté pour que les entreprises européennes en Chine bénéficient des mêmes traitements de libre concurrence que les Chinoises en Europe.

La montée des rancoeurs commerciales.

Manifestations contre les importations d’acier chinois en Europe, le 15 février 2016 à Bruxelles.

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C’est bien là que le bât blesse. Aucun progrès n’a été enregistré sur la décision de l’UE à propos du statut d’économie de marché de la Chine, dans un contexte où le parlement bruxellois a, en mai dernier, voté contre, tandis que les juristes européens commencent à contester la validité des dispositions de l’accord OMC qui devrait accorder automatiquement le statut à la Chine au bout de 15 ans (soit en décembre 2016).

Les durcissements à venir s’alimenteront des dernières controverses européennes à propos l’acier chinois vendu en Europe à prix cassés, alors que l’ambiance européenne est aujourd’hui marquée par le repliement, la méfiance et la montée des nationalismes. A la veille du sommet, la suédoise et très active Commissaire européenne au commerce Cecilia Malmström, avait déjà mentionné que la Chine n’en faisait pas assez pour éliminer chez elle les distorsions au marché.

Disant cela, elle reflétait l’état d’esprit européen, sceptique à l’égard des bonnes paroles chinoises contredites par les surcapacités industrielles exportées à prix réduit, les subventions publiques accordées à l’industrie lourde, notamment aux aciéristes, les manquements au droit de propriété intellectuelle qui tous contredisent l’approche chinoise du « gagnant – gagnant », un des piliers des discours diplomatiques chinois.

Dans son discours, le Président de la Commission Jean-Claude Juncker a enfoncé le clou, affirmant qu’il y aurait une relation directe entre les surplus d’acier et la décision européenne d’accorder ou non le statut d’économie de marché. Ces raidissements européens correspondent à la mise en œuvre de la stratégie proposée à la Commission par les équipes de Federica Mogherini, Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la sécurité.

Forces et faiblesse des stratégies obliques vers les PECO.

Le président chinois lors d’une conférence de presse le 20 juin 2016 à Varsovie avec son homologue polonais Andrzej Duda. Le stock des investissements chinois en Pologne s’élève à 250 millions d’€. Il n’était que de 2,7 millions d’€ en 2003, mais déjà de 140 millions d’€ en 2010. En 2013 les investissements allemands en Pologne étaient de 114 Milliards d’€.

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En contrepoint, des fermetés européennes, la Chine également inquiète des conséquences du Brexit sur l’homogénéité de l’Union, développe une stratégie alternative connectée aux projets OBOR, ciblant les Européens de la périphérie, membres ou non de l’UE, regroupés autour du concept des 16 + 1 créé en 2011 (16 États européens + la Chine) [1].

Exprimant un effort chinois sans précédent – qu’il est cependant nécessaire de mettre en perspective - , ces derniers ont, depuis mars 2016, successivement accueilli le président Xi Jinping à Prague (mars), puis en Serbie et en Pologne (juin).

Eux-mêmes ont assisté au sommet de Suzhou en novembre 2015 présidé par Li Keqiang, à un autre le 9 juin 2016 à Ningbo (ministres du commerce) et commencé le 18 février 2016, avec les ministres des Affaires étrangères, un cycle de réunions avec la Chine à Riga en prévision du prochain sommet des 16 +1 en Lituanie.

La suractivité chinoise dans la région qui s’ajoute aux récents 368 millions d’€ investis par COSCO dans le port du Pirée a récemment été récompensée puisque Federica Mogherini a été obligée de tempérer la déclaration de l’Union sur la mer de Chine du sud après le jugement de La Haye du 12 juillet, à la suite des réticences de la Croatie, de la Hongrie et de la Grèce.

Pour autant, afin d’éviter de tomber dans le travers qui assimile la présence chinoise à une stratégie oblique irrésistible, il faut s’interroger sur l’impact réel de l’effort chinois dans les PECO, comparé aux investissements européens.

Alors qu’en 2013, le stock des investissements chinois dans les 16 pays cibles de Pékin était inférieure à 2 Mds de $, ceux cumulés dans la seule Pologne de l’Allemagne (114 Mds d’€), des Pays-Bas (107 Mds d’€), de la France (79 Mds d’€), du Luxembourg (64 Mds d’€) et de l’Espagne (43 Mds d’€), étaient de 407 milliard d’€.

De ces écarts on ne tirera cependant pas la conclusion que la manœuvre chinoise est vide de sens. Une des plus grandes qualités chinoises étant la persévérance du long terme, il faut au contraire se persuader qu’elle prendra de l’ampleur et qu’il sera nécessaire d’augmenter la qualité du dialogue entre les 16 PECO, l’UE et la Chine afin de tirer le meilleur parti de la vaste stratégie chinoise visant à resserrer les liens économiques entre l’Asie et l’Europe.

Lire aussi : The 16+1 Framework and Economic Relations Between China and the Central and Eastern European Countries

Note(s) :

[1Albanie, Bosnie, Macédoine, Serbie, Monténégro, Croatie, Bulgarie, Pologne, République Tchèque, les trois Etats Baltes, Roumanie, Slovaquie, Slovénie et la Hongrie. Selon les statistiques de l’UE, en 2013, la somme des investissements chinois dans ces pays était de 1,5 Mds de $, en augmentation rapide avec des priorités à la Bulgarie (144 millions de $), la Pologne (257 millions de $), la République tchèque (204 millions de $), Roumanie (145 millions $), Hongrie (532 millions de $).

 

 

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