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›› Editorial

Au Royaume Khmer, la France a cédé la place à la Chine

La population de Phnom-Penh a réservé un accueil chaleureux au n°1 chinois.

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A Phnom-Penh, la foisonnante, très encombrée, très polluée et très chaotique capitale de l’ancien protectorat français aujourd’hui aux prises avec un pouvoir autocratique à la fois héritier des Khmers Rouges et du Vietnam, dont l’histoire lointaine est enchevêtrée à celle des mouvements de résistance opposées à la France et à la monarchie, bafouant ses propres règles constitutionnelles qui lui confèrent l’apparence extérieure d’une démocratie, vient de se produire un de ces télescopages marqué au coin de l’ironie dont l’histoire a le secret.

Alors que les 10, 11 et 12 octobre derniers l’ambassade de France venait, confidentiellement et dans l’indifférence des médias cambodgiens, de célébrer le cinquantième anniversaire du discours du général De Gaulle prononcé au stade olympique le 1er septembre 1966 en présence d’un roi Sihanouk extasié, Xi Jinping, le n°1 du parti communiste chinois, président de la république populaire de Chine arrivait en fanfare le 13 octobre dans la capitale du royaume khmer, le lendemain même des commémorations françaises présidées, cette fois, par Jacques Godfrain, président la Fondation Charles de Gaulle (voir la note de contexte).

La coïncidence qui se produit dans un pays où l’influence de la France s’est évaporée remplacée par la pesanteur de la géographie et l’empreinte croissante des rapports de forces économiques, en dit long sur les ambiguïtés de l’histoire, ses faces cachées, ses faux semblants et, peut-être même, sur la myopie de Charles de Gaulle à qui l’image rémanente, revisitée par l’hagiographie, attribue une perspicacité historique indépassable, en ces temps où les politiques visionnaires se font dangereusement rares.

A Phnom-Penh, De Gaulle a fait l’impasse sur la Chine.

Le 1er septembre 1966, au stade olympique de Phnom-Penh, 100 000 personnes ont réservé un accueil enthousiaste au discours de Charles De Gaulle. Ce dernier n’avait cependant pas évoqué la puissante ombre portée chinoise.

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Ce n’est en effet pas le moindre des paradoxes que, désormais vénéré comme une sainte relique par les diplomates français, le discours de Phnom-Penh violemment critique des États-Unis et de leurs stratégies anti-communistes à viseur unique articulées autour de la puissance militaire, ne fit pas une seule allusion à la Chine et à son ombre portée dans la région.

Le moins qu’on puisse dire est qu’en cette année 1966, il y avait matière à débat. Les adeptes de l’édulcoration diront que l’histoire est derrière nous et qu’il faut tourner la page. Pas tout à fait. En réalité Sihanouk – mais De Gaulle n’avait pas conscience de cette duplicité - avait lui-même secrètement violé la neutralité dont il avait pourtant fait l’épine dorsale des affaires extérieures du Royaume. Le 25 novembre 1965, moins d’un an avant le discours de Phnom-Penh, un traité confidentiel sino-khmer autorisait la Chine populaire à faire transiter par le Cambodge les armes destinées au Viêt-Công.

En Chine, au moment même où Charles de Gaulle fustigeait avec raison l’ingérence militaire américaine au Vietnam, commençait la révolution culturelle de sinistre mémoire, ponctuée par l’assassinat sauvage des professeurs par leurs élèves, dont l’empreinte marquera puissamment le mouvement khmer rouge qui prit le contrôle de Phnom-Penh le 17 avril 1975.

Déjà au printemps 67, six mois seulement après le passage de De Gaulle, un technicien envoyé par Pékin provoqua une sérieuse alerte dans l’oligarchie du Royaume en prononçant sur la base militaire de Kompong-Cham un discours de propagande à la gloire du « petit livre rouge » maoïste et de la révolution culturelle. (Lionel Vairon « Les Chinois au Cambodge », Aséanie, Vol 5, p.44).

Après sa chute, Sihanouk se réfugiera à Pékin d’où les Maoïstes au pouvoir le manipulèrent jusqu’à le convaincre de lancer un appel aux soldats de Lon Nol et de Sirik Matak pour qu’ils déposent les armes devant les forces Khmers Rouges. En arrière plan Pékin nourrissait l’ambition de peser sur le conflit vietnamien pour contrôler toute l’Indochine, tandis que Sihanouk n’était habité que par l’idée de se venger de ceux qui l’avaient chassé du pouvoir.

Pékin contrôle son arrière cour.

La connivence avec la Chine conforte les dérives autocratiques de Hun Sen à la tête d’un pays dangereusement corrompu, ignorant les droits des individus et gouvernant par l’arbitraire.

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Aujourd’hui, la direction chinoise qui n’a pas coupé les ponts avec sa mémoire maoïste (lire notre article Xi Jinping, l’APL et les mânes maoïstes), reste fidèle à l’objectif de contrôler étroitement son arrière-cour.

Si Hanoi reste un voisin rétif, parfois hostile affrontant directement les ambitions chinoises en mer de Chine du sud, Phnom-Penh, désormais aligné sans réserves sur Pékin, est devenu le principal appui du parti communiste chinois en Asie du Sud-est. Ayant abandonné la stratégie révolutionnaire de conquête par la guérilla, le régime chinois avance aujourd’hui sa politique d’influence par ses vastes projets économiques.

A Phnom-Penh, l’oligarchie corrompue aux racines révolutionnaires troubles dont les convictions démocratiques sont plus que douteuses, le plus souvent en contradiction flagrante avec la constitution du pays élaborée avec l’aide des experts onusiens lors de l’opération de reconstruction (1992 – 1995), accueille avec d’autant plus de soulagement l’aide économique et financière chinoise, que les budgets de l’État, mal gérés soumis à d’intenses prévarications, largement utilisés pour désamorcer les oppositions et faire taire les critiques, sont toujours gravement en déficit.

En arrière plan surgit chez les observateurs la crainte que l’influence du régime chinois prompt à faire taire les oppositions et à attribuer la montée des oppositions uniquement à de néfastes influences étrangères, conforte le pouvoir cambodgien sur la voie de sa dérive autocratique de plus en plus éloignée des principes de séparation des pouvoirs. Le souci est d’autant plus légitime que le Royaume entre actuellement dans une longue période de campagne électorale pour les élections locales en 2017 et les législatives de 2018.

Déjà on perçoit le retour des manipulations directes telles que les attaques contre la commission électorale, le harcèlement brutal des lanceurs d’alerte, allant jusqu’à l’assassinat, les condamnations arbitraires des activistes des droits parfois accusés « d’insurrection » et emprisonnés pour 20 ans. Autant d’abus qui s’ajoutent aux fraudes électorales (manipulations des listes, enregistrement d’électeurs vietnamiens, votes multiples et déplacement d’unités militaires pour appuyer un député du régime en difficulté) qui furent à l’origine de la crise politique qui frappe le pays depuis le scrutin législatif de 2013.

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L’accueil chaleureux de Phnom-Penh au n°1 chinois.

Inauguration du centre culturel chinois à Phnom-Penh.

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Dans la capitale du Royaume, Hun Sen, le tout puissant premier ministre au pouvoir direct depuis 1997, mais dont l’emprise et celle de sa famille prédatrice pèsent sur le pays depuis le milieu des années 80 quand le pays était occupé par le Vietnam, n’a pas lésiné sur les efforts pour faire honneur au président chinois déjà venu à Phnom-Penh en décembre 2009 quand il n’était que vice-président. A l’époque, il s’agissait de remercier le premier ministre d’avoir aidé la Chine à rapatrier à Pékin 20 réfugiés Ouïghours ayant fui les représailles du Parti communiste chinois après les émeutes anti-han d’Urumqi de l’été 2009 (lire Le poids de la Chine au Cambodge).

De longues cohortes d’écoliers agitant des drapeaux chinois dans une ville quadrillée par l’armée et la gendarmerie où des zones entières avaient été fermées à la circulation, ont accueilli Xi Jinping logé dans un hôtel du boulevard Mao Zedong. Après les visites protocolaires au roi Sihamoni et à la reine mère Monique, le président chinois s’est entretenu durant plus de 2 heures à huis clos avec Hun Sen.

Aide financière et technique contre l’allégeance.

En décembre 2014, inauguration du 6e pont construit sur financements chinois au Cambodge.

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Après ce long aparté privé, les deux ont présidé à la signature d’une série d’accords financiers dont l’effacement de 600 millions de Yuan de dettes (80 millions d’€) et une promesse d’aide directe de 100 millions de Yuan (14 millions d’€), à quoi se sont ajoutés deux prêts, l’un de 1,2 Mds de Yuan (600 millions d’€) et l’autre de 400 millions de Yuan (53 millions d’€) dont les deux parties, soucieuses de désamorcer les critiques ont tenu à rappeler qu’ils n’étaient assortis d’aucune condition d’allégeance politique en retour.

Mais l’arrière plan stratégique visant à diminuer la dépendance énergétique du pays par rapport au Vietnam en froid avec Pékin, resurgit à travers la signature par Sinosteel d’un projet de construction à Sihanoukville d’une centrale au charbon de 450 MW. Enfin, Pékin a accepté d’augmenter le quota d’importation de riz cambodgien dont les prix plus élevés sont en concurrence avec ceux du Vietnam.

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Un retour en arrière permet de constater que, depuis le début des années 2000, la Chine a déversé plus de 10 milliards de $ dans le pays. En remerciement, HS s’est rallié sans réserve à la chasse aux Ouïghour menée par Pékin en 2009 après les graves émeutes au Xinjiang du 5 juillet 2009 et s’est aligné sur la position chinoise en mer de chine du sud.

Comme Pékin, Phnom-Penh rejette le jugement du 12 juillet 2016 rendu par la cour permanente d’arbitrage de La Haye et refuse d’internationaliser la question de la mer de Chine du sud qui, pour Pékin, ne devrait pas être un sujet pour l’ASEAN. N’ayant pas renoncé à la revendication sur toute la mer de Chine, le Politburo chinois estime en effet que la question doit être réglée par des négociations bilatérales avec les riverains, ce qui reviendrait, pour chaque pays, à négocier du faible au fort.

L’alignement du Cambodge sur la position chinoise avait été manifeste lors du sommet de l’ASEAN en 2012 tenu à Phnom-Penh au cours duquel le ministre des AE cambodgien avait coupé le micro à son homologue philippin qui souhaitait soulever publiquement ses différends avec Pékin (lire notre article ASEAN : Phnom-Penh dans l’œil du cyclone).

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En haussant la réflexion d’un étage, on constate que l’ASEAN et la Mer de Chine du sud sont devenues les otages de la rivalité sino-américaine. Dans ce duel, s’affrontent, d’une part la conception occidentale du droit international et les visées commerciales américaines articulées autour de la prévalence des groupes américains et, d’autre part, l’influence culturelle du monde chinois agnostique et matérialiste, lui-même confronté aux réminiscences ésotériques hindouistes encore vivaces dans toute la zone, pouvant, comme ce fut parfois le cas dans le passé, fédérer une opposition anti-chinoise, elle-même attisée par des facteurs locaux.

Au Cambodge, la rivalité sino-américaine se double de celle de plus en plus vive entre Pékin et Hanoi que Washington tente d’instrumentaliser en se rapprochant du Vietnam. Mais au Royaume Khmer, les Vietnamiens restent toujours l’ennemi historique. Quant à la Chine, même si dans certains secteurs (foncier, tourisme, commerce de détail) commencent à apparaître des symptômes d’agacement de la prévalence des expatriés chinois, les élites cambodgiennes toutes tendances confondues, ont accueilli la visite du président chinois avec une bienveillance intéressée.

L’atavisme anti-vietnamien des Khmers conduit en effet les élites du Royaume à voir Pékin, en froid avec Hanoi, comme un contrepoids à l’influence rémanente du Vietnam, d’autant que les dettes de l’histoire ne sont pas apurées.

Au Cambodge, où on se plaint sans cesse de l’invasion d’immigrants vietnamiens incontrôlés, il est en effet toujours de bon ton de revendiquer comme un territoire cambodgien, la région de Saigon et le delta du Mékong, que les anciens appellent le « Kampuchea Krom » - « Le Cambodge d’en bas » - réminiscence d’une partie de l’empire khmer, progressivement devenue vietnamienne à la suite des compromis territoriaux acceptés par le roi Chey Chettha (1618 - 1627).

Pour faire pièce à l’influence thaïlandaise, ce dernier avait épousé une annamite et autorisé une colonisation de peuplement vietnamienne dans le delta du Mékong où, à leur arrivée (1861), les Français constatèrent la forte influence de l’empire d’Anam.

Aujourd’hui, face à ce que tous perçoivent comme une insupportable pression démographique de l’ennemi héréditaire, l’augmentation de l’influence chinoise dans le Royaume apparaît, pour l’instant, comme un exutoire salutaire.

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Note de contexte.

Rencontre entre Sihanouk et Pierre Messmer, ministre de la défense, lors d’une visite en France du Roi en 1964. 32 ans plus tard Messmer retrouvera Sihanouk au Cambodge à l’occasion des cérémonies du 30e anniversaire du discours de Phnom-Penh.

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La France, le Cambodge, Sihanouk, les États-Unis et la Chine.

Le statut même du représentant français venu honorer de sa présence la célébration de la mémoire gaullienne – la qualité humaine de Mr Godfrain n’est évidemment pas en cause - en dit long sur les ravages du temps. Comme une vague implacable, ils rétablissent l’ordre inéluctable des rapports de forces.

Il y a vingt ans les cérémonies du 30e anniversaire du discours de Phnom-Penh qui comportaient le dévoilement d’une plaque de bronze au stade olympique en présence de 5000 Cambodgiens (il y en avait 100 000 en 1966), avaient été présidées par Pierre Messmer qui fut ministre de la défense du général De Gaulle de 1960 – 1969 et premier ministre de Georges Pompidou de 1972 à 1974.

Formé à l’Ecole Nationale de la France d’Outre Mer, docteur en droit, membre des Forces Française Libres, ancien légionnaire parachutiste largué en 1945 sur les arrières de la guérilla au Tonkin où il fut fait prisonnier par le Vietminh avant de s’évader 2 mois plus tard, Pierre Messmer était en 1996 une mémoire vivante de la résistance et du renouveau français après la catastrophe historique de juin 1940.

Sa lucidité politique ne peut pas être mise en doute puisque, revenu en France, il suggéra à De Gaulle de négocier avec Hô Chi Minh ce qui nous aurait évité la catastrophe de Dien Bien Phu. Pourtant, en 1996, lui aussi spécula sur l’improbable neutralité du Royaume, au moment même où, après les espoirs de paix, le vieux pays khmer subissait déjà le retour des influences rivales des grands voisins et des États-Unis.

Retour des influences étrangères.

Alors qu’après les accords de Paris du 23 octobre 1991, la vaste opération de reconstruction du pays lancée par les NU tirait à sa fin, la Chine fourbissait son retour d’influence dans le Royaume et manoeuvrait contre le poids rémanent du Vietnam tapi dans l’administration du pays après les 11 années d’occupation par les troupes de Hanoi.

Dans le même temps, comme au bon vieux temps de la lutte anti-communiste, cherchant à contrer l’influence de Pékin, Washington reprenait ses marques dans un pays, dont il faut rappeler qu’à partir de 1969, il fut martyrisé par les mortelles répliques de la 2e guerre du Vietnam.

Ciblant les bases Viêt Công autorisées dans le pays par Sihanouk en complète contradiction avec ses promesses de neutralité (entre 50 000 et 100 000 Vietnamiens étaient installés dans la bases du Cambodge), Washington déversa en effet sur le pays de 1969 à 1973 une invraisemblable quantité de bombes dont les historiens s’accordent à dire qu’elle dépassa celle des pires bombardements déclenchés par les alliés contre l’Allemagne nazie.

Selon l’historien australien Ben Kiernan, spécialiste du génocide cambodgien à Yale, ces « tapis » de bombes déversées par l’aviation américaine moins de trois années après le discours de Phnom-Penh, provoquèrent une accélération du ralliement des paysans cambodgiens au mouvement khmer rouge à partir de 1970.

Mais Peter Rodman expert juridique diplômé de Harvard, sous-secrétaire à la défense jusqu’en 2007 avant de devenir chercheur à la Brookings, conteste cette vision et accuse Sihanouk d’avoir manqué à sa promesse de neutralité autorisant en pleine guerre les bases Viêt-Công dans le Royaume.

Une chose est cependant certaine, la séquence – bases viêt-công autorisées par Sihanouk, bombardements américains, sur fond de rapprochement de Phnom-Penh avec Pékin - attisa de violentes oppositions à Sihanouk.

Le Petit Roi mal aimé des intellectuels.

Sihanouk (2e à partir de la droite) photographié avec sa femme Monique (2e à partir de la gauche) au milieu des Khmers Rouges au Cambodge après sa destitution en 1970. Au centre Khieu Samphan, actuellement jugé par la Chambre extraordinaire au sein des tribunaux cambodgiens, composée de magistrats khmers et cambodgiens. A droite de Sihanouk en arrière, Pol Pot. A sa gauche Ieng Sary chargé des relations avec la Chine, tous deux décédés.

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L’hostilité à Sihanouk était d’abord enracinée dans la rivalité dynastique entre les Norodom et les Sisowath, famille d’origine du prince Sirik Matak dont les Cambodgiens gardent un souvenir très positif. Assassiné par les Khmers Rouges après qu’il se fut lui-même livré aux nouveaux maîtres du pays au sortir de l’ambassade de France où il s’était réfugié en avril 1975, le prince avait une autorité naturelle et une vision de l’intérêt du Royaume qui, de l’avis de tous les observateurs, faisaient défaut à Sihanouk.

L’opposition des intellectuels cambodgiens au « Petit Roi » qui aboutit à sa destitution par l’assemblée nationale le 18 mars 1970, s’alimentait aussi des errements de ses politiques, non seulement en contradiction flagrante avec la promesse de neutralité, mais également marquées par des accès tyranniques insupportables.

Les prémisses de la cruauté despotique de Sihanouk s’étaient déjà manifestés lors de la répression de Samlot en 1967 – 1968 quand le Maréchal Thioulong chef des armées martyrisa au bulldozer les corps enterrés jusqu’à la tête des paysans cambodgiens en révolte contre l’arbitraire foncier cautionné par les militaires.

La rage meurtrière du Petit Roi contre ses détracteurs dérapa aussi en une longue série d’exécutions sommaires perpétrées à la manière des républiques sud-américaines qui jetaient les révolutionnaires à la mer à partir d’hélicoptères de l’armée, ou par les fusillades des opposants attachés les yeux bandés à un piquet et dont les scènes étaient retransmises à l’entracte dans les cinémas de Phnom-Penh.

Les nostalgiques monarchiques français qui continuent à diffuser l’idée que le coup d’État de 1970 fut uniquement l’œuvre machiavélique du Docteur Folamour américain, font mine d’oublier ces cruautés erratiques ayant dressé contre le roi une partie du peuple et la presque totalité des intellectuels cambodgiens. Parmi eux, les révolutionnaires formés en France sous l’égide du Parti Communiste à la racine du mouvement Khmer Rouge qui, à l’origine, fut à la fois anti-colonial et antimonarchique.

La fable des hagiographes de Sihanouk qui croise parfois les illusions des maoïstes, tente aussi d’imposer l’idée d’un soutien indéfectible de Pékin au Roi Sihanouk. C’est faux. Après le coup d’État de Lon Nol en 1970, le très pragmatique Zhou Enlai, considérant que les priorités chinoises étaient le Vietnam et la lutte contre les États-Unis, dépêcha à Phnom-Penh un émissaire qui proposa au nouveau gouvernement cambodgien de museler Sihanouk en l’enfermant dans une cage dorée.

En retour, il exigeait que les bateaux chinois chargés d’armes destinées au Viêt-Công puissent continuer à livrer leurs cargaisons à Sihanoukville et à les acheminer au nord-Vietnam par le Cambodge le long de la piste Ho Chi Minh. Le refus catégorique du nouveau pouvoir à Phnom-Penh qui avait précisément démis Sihanouk parce qu’il violait la neutralité du Royaume dont lui-même se réclamait, a probablement été un des facteurs de la longévité du Petit Roi.

Ce dernier fut soutenu par la Chine dans ce paysage tourmenté par les assassins khmers rouges et la guerre civile, non parce que Pékin éprouvait un attachement particulier à la monarchie khmère, mais parce qu’elle servait les intérêts chinois en Indochine et dans la lutte contre les États-Unis.

 

 

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