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›› Technologies - Energie

Zhuhai. Tapage médiatique autour du J-20. Naissance attendue d’un motoriste

Deux J-20 ont été présentés en vol. Le premier s’est éloigné après quelques dizaines de secondes. Le 2e a effectué un vol de démonstration d’à peine une minute.

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Le salon aéronautique de Zhuhai, 11e du genre, organisé depuis 20 ans à un rythme bi-annuel a eu lieu du 1er au 6 novembre 2016. L’air du temps traversé par les tensions terroristes et les méfiances nationalistes était, cette année, plus que lors des éditions passées, clairement perceptible au travers du renforcement des mesures de sécurité et de secret.

Comme lors des éditions précédentes, en arrière plan, l’intention de propagande, à la fois commerciale et patriotique, - les agences de presse chinoises insistaient sur le « made in China » - à quoi s’ajoutait un parfum très anti-américain, perçant au travers de vidéos présentant les chasseurs bombardiers et les drones chinois tenant à distance les chasseurs bombardiers et hélicoptères d’attaque américains.

En contrepoint, la possibilité d’obtenir des informations réelles ou fiables sur les modèles exposés est, en revanche, restée très en-dessous de celle des salons aéronautiques occidentaux, même si les autorités chinoises peuvent se prévaloir d’une fréquentation en hausse de 6% faisant du salon, le premier du genre en Asie. Selon l’agence Xinhua, le nombre de constructeurs présents (700), de pays représentés (42) et de modèles d’avions exposés est resté stable par rapport à la dernière édition 2014. Lire notre article L’aéronautique mondiale à Zhuhai

Alors que la COMAC, Boeing et Airbus s’accordent à considérer que le marché chinois de l’aéronautique sera au cœur de la demande globale pour les 20 ans qui viennent, avec un besoin de 7000 appareils représentant 930 Mds de $, soit près de 25% du marché planétaire estimé à 40 000 appareils, le clou de ce salon, en tous cas celui le plus commenté par les médias internationaux, aura été la première constituée par la courte présentation en vol d’à peine une minute de deux J-20, le chasseur de combat furtif fabriqué par la Chengdu Aircraft Corporation 成都飞机工业集团.

Pour autant, la véritable information d’importance sur le long terme aura peut-être été la nouvelle de la création attendue d’un motoriste chinois mis sur pied à partir de la nébuleuse industrielle aéronautique dont l’épicentre est à Xian.

Le J-20. Une démonstration trop brève.

Dévoilé en 2010 par une photo floue de l’appareil roulant au sol à Chengdu, le J-20 était absent du salon de 2014 où avait été présenté le J-31, son concurrent fabriqué par la Shenyang Aircraft Corporation. Depuis, les ingénieurs chinois disent avoir modifié le dessin du J-20 et amélioré ses performances pour rattraper le retard de la chasse chinoise sur les Américains. Pour Bradley Perrett, expert du magazine Aviation Week, il s’agit là d’un important progrès des capacités de combat de l’aviation militaire de l’APL.

Mais pour Greg Waldron, son collègue de Flight Global, la présentation n’a rien révélé de la motorisation de l’appareil, ni de sa maniabilité réelle ou de ses équipements radar. S’il s’agit de connaître la capacité de l’aviation chinoise à créer la surprise sur un théâtre par des attaques indétectables, le point clé, pour l’instant impossible à mesurer compte tenu de la faiblesse des informations techniques disponibles, est bien la comparaison avec les chasseurs furtifs américains tels que le F-22 Raptor ou le F-35 [1].

Les copies technologiques sur la sellette.

Le transport stratégique Y-20, copie de l’Américain C-17.

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En attendant, les observateurs n’ont pas manqué de constater l’extrême ressemblance du J-20 avec le Raptor américain. La similitude a alimenté des commentaires, cette fois plus acerbes que les années précédentes, sur le vol de technologies, au point que le 10 novembre, le magazine Forbes, à l’habitude plus mesuré, qualifiait le salon de Zhuhai de « Bazar de voleurs ». L’article évoquait la ressemblance du J-20 avec le Raptor, celle du transport cargo Y-20 avec le Boeing C-17, ou le moteur WS-10 turbofan qui équipe les chasseurs J-11 et J-16, copie du CFM 56II développé par Safran et GE et acheté par la Chine dans les années 80.

La suite de l’article qui qualifiait avec raison la trop courte présentation du J-20 de « décevante », spéculait à la fois sur le retard de 20 ans des chasseurs chinois de 5e génération, mais, à l’inverse, il argumentait sur la capacité de rupture stratégique de l’armée chinoise par le truchement du rattrapage à faible coût des faiblesses technologiques par la copie et grâce au choix d’une panoplie peu onéreuse de missiles performants et de bateaux rapides lourdement armés capables de menacer les porte-avions, cœur de la puissance aéronavale américaine. La réflexion, déjà ancienne d’abord évoquée par la RAND corporation qui mettait en garde contre la vulnérabilité aux frappes missiles des porte-avions de l’US Navy, gagne en audience.

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Hydravion géant, transport stratégique,

AWACS, chasseur multi-rôles, hélicoptère de combat.

L’AG 600 est le plus grand hydravion jamais construit au monde.

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Hormis cette affirmation de puissance par le J-20 il y eut, sur fond d’incontestables progrès de l’industrie aéronautique chinoise, d’autres nouveautés civiles et militaires en même temps que quelques indices des difficultés récurrentes auxquelles est confronté le secteur.

Les visiteurs ont pu revoir le transport stratégique Y-20 déjà présenté en 2014, en même temps que la très spectaculaire nouveauté du AG 600, le plus gros hydravion jamais construit.

Quadrimoteur de la dimension d’un B. 737, mais dont l’envergure est inférieure à celle d’un Hercule, sorti des ateliers de l’AVIC à Zhuhai en juillet dernier, le monstre au rayon d’action de 4500 km est officiellement destiné à la lutte contre les feux de forêt et à l’exploitation des ressources marines. Mais chacun voit bien que sa production (17 appareils ont été commandés par les pouvoirs publics) est directement liée aux ambitions chinoises en mer de Chine du sud.

Le chasseur multi rôles J-10B, version sérieusement améliorée du J-10A équipé d’un radar électronique, de brouilleurs anti-missiles et de détecteurs infra-rouges contre les chasseurs furtifs, avec un moteur AL-31FN plus puissant qui le placent dans la catégorie des F16, du Rafale et du Typhon. Son armement est composé de bombes laser guidées LS-500J fabriqués à Luoyang et de missiles air-air PL-2 des années 60, dérivés du missile soviétique K-13 AAM. 

Le bombardier stratégique H-6K fabriqué à Xian, copie sous licence des Tupolev 16, vieux équipements de la guerre froide dont une centaine modernisés en 2008 sont en dotation dans l’APL.

Le KJ-500, Awacs chinois d’alerte avancée capable, selon les Chinois, de détecter les avions furtifs et dont un déploiement a récemment été observé au Tibet, face à l’Inde. Quadrimoteur à hélice ayant une autonomie de 5700 km, le KJ-500 est le 2e modèle chinois de radar aéroporté après le KJ-2000 présenté en 2014 à Zhuhai. Ses données techniques sont tenues secrètes.

L’hélicoptère d’attaque WZ-10 (pour Wuzhuang Zhisheng 武装 直升– 10) produit par la CAIC. (voir notre commentaire datant de mai 2013 : Le nouvel Hélicoptère d’attaque WZ-10).

Les lents progrès de l’aviation civile.

Si le C919 de la COMAC sorti d’usine en novembre 2015, 570 exemplaires commandés par 23 pays [2] avec un premier vol d’essai prévu en 2017, n’a pas été présenté au salon, (lire aussi La coopération internationale, condition du succès à venir du C 919) les visiteurs ont en revanche pu voir une maquette au 1/10 du C929, biréacteur de 280 places concurrent des Airbus 350 et du Boeing Dreamliner. De conception moderne, utilisant des matériaux composites, le développement de l’appareil dont la mise en service est prévue en 2022, s’effectuera au sein de l’avionneur russe United Aircraft Corp. Un projet de C939 à 390 places est également dans les tiroirs.

En revanche, à la veille du salon, on apprenait que le premier vol du MA 700 était retardé d’une année avec les premières livraisons maintenant envisagées en 2020 [3].

Le grand défi de la motorisation.

Maquette d’un moteur chinois exposé par AECC. (Source Global Times).

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Passée presque inaperçue dans le tintamarre médiatique autour du vol du J-20, l’information la plus importante du salon est probablement la confirmation de la création par l’État d’un puissant motoriste chinois.

Baptisé en Anglais Aero Engine Corp of China (AECC), le groupe public a été lancé en août avec la mission de développer un moteur aéronautique de fabrication chinoise également destiné à l’export. Les spécialistes qui observent l’aéronautique chinoise attendaient l’événement depuis qu’en 2012 les pouvoirs publics décidèrent d’un spectaculaire coup de collier destiné à rattraper leur retard dans le secteur.

A l’époque nous écrivions ceci : « La stratégie industrielle est double et vise à la fois une augmentation massive des financements dédiés à la recherche – on parle de 16 Mds de $ à moyen terme et de 49 Mds de $ sur les 20 années qui viennent - et une réorganisation du secteur où, dans la nébuleuse gigantesque d’AVIC, c’est Xi’an Aero Engine, 西安航空动力股份有限公司, (Xi’an Hang Gong Dong Ji Gufen Youxian Gongsi), un des n°1 des moteurs militaires en Chine, coopérant déjà avec Safran, General Electrics et Rolls Royce, qui serait chargé de coordonner la recherche.

Compte tenu des liens extérieurs de la Xi’an Aero Engine, connectée par des coopérations à tous les grands motoristes de planète, il n’est pas difficile d’imaginer qu’aux intentions financières et de remise en ordre, s’ajoute une arrière pensée de transfert vers la Chine, par tous les moyens, des technologies de pointe du secteur aéronautique.

Pour l’armée de l’air chinoise en charge de mettre en place une dissuasion crédible au-dessus du détroit de Taïwan, la manœuvre a une valeur stratégique de tout premier ordre. Mais certains experts occidentaux affirment qu’en dépit de ces mesures, il faudra encore au moins dix à quinze ans pour que les moteurs chinois soient à la hauteur de leurs concurrents occidentaux, comme le F-22 américain.

Une récente commande chinoise de 123 moteurs russes confirme que les ingénieurs chinois n’ont eux-mêmes pas confiance dans leurs moteurs, qui n’équipent que 20% des avions modernes de l’armée de l’air. Les avions civils qui ont fait la une de l’information autour du salon, sont tous équipés de moteurs étrangers. »

Moteurs d’avions : secret, détermination et vents favorables.

Bien que très voyant, le stand de AECC à Zhuhai (en Chinois 中国 航发 商 用 航空 发动机 有限公司) a d’emblée fait savoir qu’il n’accorderait pas d’interview. Parsemé de maquettes de moteurs, le local vaste de 1200 m2, est la pointe émergée d’une société employant 100 000 personnes, en réalité en gestation depuis les années Mao, résultat du regroupement d’au moins 20 motoristes et instituts de recherches. La décision de regroupement ne sera certes pas suffisante pour favoriser la mise au point d’un moteur chinois.

Mais la nouvelle société bénéficie de plusieurs avantages majeurs : 1) l’appui financier sans condition de l’État avec une mise de fond publique initiale de 7,4 Mds de $ du Conseil des Affaires d’État et de la Commission de Recherche et Développement du parti (première avance sur la cinquantaine de milliards à venir dans les 20 ans qui viennent), à quoi s’ajoute un élan des universités chinoises pour la formation des ingénieurs aéronautiques ; 2) un formidable marché aéronautique intérieur, considérable motivation pour les grands motoristes étrangers aujourd’hui de plus en engagés dans des coopérations avec transferts de technologies.

Compte tenu de la spécificité de ce secteur particulier contrôlé par quelques grands groupes à la très vaste et très longue expérience internationale comme GE, United Technologies, Pratt & Whitney ou Safran, dans un domaine où la fiabilité ne peut souffrir aucun à peu-près, le pari chinois n’est pas facile. La route sera en outre compliquée par les contre attaques des concurrents qui ne ménageront pas le nouveau venu.

Mais la volonté publique est là. En mars dernier un article du Quotidien du Peuple confirmait l’importance du projet. « Dans le cadre du 13e Plan, la Chine est déterminée à développer son expérience dans le domaine des moteurs d’avions inscrit dans les liste des 100 projets à mettre en œuvre en priorité ».

Note(s) :

[1Une flotte d’avions furtifs efficace procure un avantage offensif puisque son approche indétectable crée la surprise et prend de court l’adversaire. Bien maîtrisée elle augmente les chances de succès d’une attaque et permet d’assurer la supériorité aérienne au-dessus d’un théâtre. La première apparition dans les chroniques d’un projet d’avion furtif chinois date des années 90. En 2011, eurent lieu les premiers essais secrets du J-20. La présentation publique de 2016 affirme l’intention chinoise de s’engager dans une compétition avec le rival américain avec 2 appareils : le J-20 et le J-31. Leur mise en service est envisagée pour 2018.

[2Au cours du salon, 56 commandes ont été passées par 2 sociétés de leasing (CITIC Financial Leasing Co. 18 exemplaires fermes et 18 en options, et Shanghai Pudong Development Bank Financial Leasing Co. 5 fermes et 15 options.) L’entrée en service du 2e appareil commercial chinois après l’ARJ 21 est prévue en 2018, 4 années après les prévisions. Les clients de ce moyen courrier régional équipé du moteur CFM International LEAP-1C fabriqué par SAFRAN – GE sont essentiellement des sociétés chinoises à quoi s’ajoute GECAS, filiale de General Electric.

[3Avec les moyens courriers ARJ 21 et C 919 de la COMAC, le MA 700 construit par Xian Aviation Industries, filiale d’AVIC, constituent la flotte d’avions commerciaux en cours de mise au point par l’industrie aéronautique chinoise.

Si le MA 60 et le MA 600, ses deux prédécesseurs dans la série MA, sont des versions améliorées du bimoteur russe AN-24, le MA 700 (70 à 80 sièges) est en revanche une copie presque conforme de l’avion franco-italien ATR 72. AVIC avait déjà plusieurs fois annoncé le lancement du développement de l’appareil. La dernière annonce en date remonte en décembre 2013.

Mais cette fois la procédure paraît enclenchée puisqu’au salon de Farnborough de juillet 2013, Pratt & Witney Canada avait signé avec AVIC une lettre d’intention pour la motorisation de l’appareil, prenant le pas sur Rolls Royce également en lice.

Le MA 700 prévu pour 80 sièges – extensibles à 90 - soit plus que le Franco-italien ATR 72 et le Q 400 du Canadien Bombardier, ses concurrents, a, en dépit du retard annoncé, toujours une bonne chance de se placer favorablement sur le marché puisque les modèles plus modernes des concurrents (Airbus, Alenia, Korea Aerospace et Bombardier) n’ont pas dépassé le stade du projet.

 

 

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