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›› Taiwan

Les retours de flamme de la « politique d’une seule Chine »

Si on en croit l’activisme de Stephen Yates, ancien conseiller pour la sécurité nationale de Georges Bush et membre de Heritage Foundation, le think tank conservateur ayant participé à l’élaboration de la pensée stratégique de Donald Trump, lequel met par ailleurs un point d’honneur à réaliser ses promesses, la question de Taiwan, déjà passée au rouge, a toutes les chances de s’envenimer encore.

Le 17 janvier, le South China Morning Post révélait que Yates avait rencontré Tsai Ing-wen en décembre 2016 et qu’il argumentait sur « l’anomalie » de « la politique d’une seule Chine », dont il faut rappeler qu’avant même les déclarations iconoclastes de D. Trump, elle était au cœur des tensions dans le Détroit depuis l’élection de Tsai.

En représailles du refus du nouvel exécutif taiwanais d’en reconnaître le principe, Pékin a en effet fermé unilatéralement tous les canaux officiels de contact réactivés par Ma Ying-jeou en 2008 et, depuis, cherche à isoler encore plus l’Île dont les réseaux diplomatiques officiels sont déjà misérables.

Pour Yates qui conseillait Dick Cheney, la politique taiwanaise de la Maison Blanche doit être révisée et il est logique que Washington ne tolère pas les restrictions imposées par Pékin aux contacts entre Tsai Ing-wen et l’administration américaine. Tout en niant qu’il avait visité Taipei en tant qu’envoyé de Trump, il a reconnu qu’avant son voyage il avait rencontré l’équipe du Président, ce qui lui donne, aux yeux des observateurs, le statut d’un émissaire politique ayant une forte capacité d’agacer la direction politique chinoise.

Quoi qu’il en soit, la rhétorique de l’ancien membre de l’administration Bush qui ne manque pas de logique, touche quelques points sensibles à Pékin et Taïwan.

Remise en cause d’un tabou.

1.- Qu’un simple échange téléphonique entre Tsai et le futur président ait été perçu comme une secousse stratégique était « pathétique » et signalait à quel point le veto chinois sur les contacts officiels entre l’administration américaine et l’exécutif taiwanais n’était en réalité que le résultat de concessions américaines acceptées par des « seconds couteaux » et jamais corrigées par les responsables de haut niveau.

2.- La Chine n’a pas la légitimité pour dicter aux États-Unis le type de relations qu’ils entretiennent avec Taiwan.

3.- Le statut-quo au cœur des malentendus et que Pékin dit vouloir préserver pour isoler le seul système politique démocratique ostracisé par la communauté internationale est, en réalité, que la Chine ne peut se prévaloir d’aucune prérogative politique sur l’Île. A ce titre, elle n’a pas non plus la légitimité pour décider à quelle organisation internationale Taiwan peut ou non appartenir et avec qui l’Île peut développer des relations commerciales.

4.- Si Pékin voulait sérieusement la réunification, le Politburo devrait d’abord accepter la situation telle qu’elle est et consentir à négocier sur un pied d’égalité avec une entité sur laquelle il n’a aucune prise politique. Le projet de rattachement de l’Île au Continent ne sera pas pris au sérieux aussi longtemps que la Chine tiendra un langage dont chacun sait à Taiwan et aux États-Unis qu’il repose sur une fiction.

Les réflexions de Yates renvoient à l’essentiel auquel est aussi liée la question du statut-quo : jamais clarifiée, la nature même des relations entre Taipei et Pékin est enfouie sous la rhétorique chinoise « d’une seule Chine ». Françoise Mengin développe ce point dans un article très fouillé paru en 2000 dans la revue « Critique Internationale » (Presse de Sciences Po).

La souveraineté oubliée.

La puissance de la rhétorique chinoise qui argumente en réalité à partir d’un malentendu sur ce que devrait être une négociation entre les deux rives, est son inflexible continuité. Entre la déclaration en 9 points du Maréchal Ye Jianying (1980), celle de 1982 de Deng Xiaoping qui réservait à Taiwan le même sort qu’à Hong Kong et Macao dans le cadre « d’Un pays deux systèmes », jusqu’à celle du Livre Blanc de 2000 en passant par celui de 1993 et la déclaration en huit points de Jiang Zemin de 1995, tout est négociable sauf l’appartenance de l’Île à la Chine.

Eventuellement défendu par la force, ce dernier point est aussi présenté par Pékin comme le préalable indispensable à toute négociation et aux contacts entre les deux administrations.

Or, passer sous silence la souveraineté, seule question du dilemme qui vaille, tout en ignorant la volonté des Taiwanais, interdisant même qu’on en parle, revient à définir un préalable qui place d’emblée l’Île dans une position subalterne. Biaisant toute négociation dont le résultat serait connu d’avance, la position chinoise installe, dans un contexte où le statut-quo n’est qu’un leurre, la fatalité d’un glissement inéluctable vers la réunification.

Aujourd’hui comme hier, l’imperturbable rigidité chinoise réveille les groupes de pression taiwanais aux États-Unis et conforte les élites taïwanaises dans leur refus de toute négociation politique avec la Chine que le KMT subordonne à la reconnaissance par Pékin de la souveraineté de l’Île et à l’émergence sur le Continent d’une conscience politique démocratique.

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Quant au DPP, pas plus que Pékin, il ne souhaite une négociation de la souveraineté de l’Île, assimilée par lui à une trahison de sa plateforme identitaire. Il reste qu’un examen détaillé des enquêtes d’opinion à Taiwan montre la lente maturation de l’idée d’une solidarité entre les peuples cherchant à échapper, de part et d’autre du Détroit, au piège politique dans lequel les enferment les élites à Pékin et Taipei.

Ce courant de pensée avait déjà fait surface en 2012 dans un échange entre chercheurs chinois et taiwanais. Compte tenue de la faible réceptivité des intellectuels du Continent à l’idée d’une volonté populaire, le dialogue avait été assez stérile. Lire notre article Chine – Taïwan dialogue politique. Dialogue de sourds sur un terrain miné

L’idée avait été mise en avant lors d’un séminaire à Harbin entre le parti communiste chinois et le Guomindang par Zhao Chun-shan, professeur à l’Institut des études chinoises de l’Université de Tamkang. A l’avenir, avait-il dit en substance, il sera de plus en plus illusoire de croire que les pouvoirs politiques à Taipei ou à Pékin pourraient indéfiniment commander aux sociétés. Il ajoutait que seul le partage de valeurs politiques communes permettrait d’instituer une paix durable dans le Détroit.

Hésitations de l’opinion à Taiwan

Dans l’Île, les sondages traduisent aussi une inquiétude, en même temps qu’un agacement à l’égard des classes politiques de part et d’autre du Détroit.

Selon un sondage d’octobre 2016, commandé par le Taiwan Brain Trust, seulement 51,9% des Taiwanais approuvent sans réserve l’idée que Taiwan est un pays indépendant et souverain, tandis que 23,9% le reconnaissent aussi, mais avec des réserves. En même temps, 79,8% sont en faveur du maintien du statut-quo, ce qui traduit l’inquiétude à l’égard d’une évolution radicale de la situation. Plus encore, résultat du harcèlement chinois en 2016, entre mars 2015 et octobre 2016, on constate un net fléchissement de l’opinion indépendantiste passée de 31,2% à 24,3%, le score le plus bas depuis janvier 2014.

Logiquement, au cours de la même période, les opinions en faveur du statut-quo sont passées de 55,8% à 62,4%.

La prudence contradictoire se lit aussi dans les réponses en faveur d’une éventuelle déclaration d’indépendance jugée possible pour 60,5% des sondés à condition que soit maintenu l’actuel statut-quo. Dans le même temps, moins d’un quart des réponses sont en faveur de la réunification. Mais, entre mars 2015 et octobre 2016, ce pourcentage était en nette augmentation, passé de 17,7% à 22,4%, là aussi probablement à la suite des pressions chinoises. Au cours de la même période, la proportion jugeant que la Chine avait une attitude amicale est tombée de 33,9% à 23,9%.

Ces proportions se retrouvent dans l’appréciation de la mise en oeuvre du schéma un pays deux systèmes à Hong-Kong. Alors que 55% des Taiwanais considèrent que l’arrangement a plus ou moins échoué, seulement 23,9% estiment qu’il a réussi.

Mais, s’il est vrai qu’à la question très théorique d’un choix simple entre être Taiwanais ou Chinois, une écrasante majorité de 83,3% continue à répondre « Taiwanais », la force des pressions de Pékin fait que cette proportion a baissé, puisqu’en janvier 2014, elle était de 90,2%. Simultanément la part de ceux qui souhaitent une réunification a bondi de 5,1% à 9,9%.

Enfin, dernière indication d’un flottement de l’opinion et de son agacement contre les politiques en Chine et à Taiwan, une enquête du 12 au 16 janvier commandée par le ministères des Affaires continentales à Taipei et réalisée par l’Université Nationale Chengchi, indique que 86,2% des sondés estiment que le bien-être des populations de part et d’autre du Détroit devrait être au cœur des discussions entre les deux rives.

Plus encore, s’il est vrai que 83,4% des sondés considèrent comme Tsai Ing-wen que Pékin ne devrait pas gêner la politique étrangères de Taipei, 83,1% expriment l’idée utopique que les considérations politiques ne devraient pas jouer un rôle dans les échanges, tandis que 8 sondés sur 10 jugent que Pékin et Taipei portent conjointement la responsabilité de maintenir la paix dans le Détroit.

Notons que la nature des questions posées, mettant en avant les peuples opposés aux appareils politiques, signale dans l’Île une évolution notable de la manière de considérer le dilemme taiwanais. A Taiwan, au moins, il est homothétique de l’importance croissante des réseaux sociaux. Sur le Continent, en revanche, il est pour l’heure improbable que cette vision populaire, hors système, puisse tenir le haut du pavé.

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NOTE de CONTEXTE

Les coulisses politiques des tensions.

Le potentiel de crise s’exprime à Taiwan par la relative stabilité du consensus sur la nature politique séparée de l’Île. Mais les sondages reflètent aussi une inquiétude face aux crispations, en même temps qu’un ressentiment latent à l’égard des politiques de part et d’autre du Détroit, incapables de gérer la situation de manière apaisée.

Quant aux élites dirigeantes, tout en considérant que la variable Trump confère une marge de manœuvre à l’exécutif taïwanais, elles expriment aussi la crainte que la nouvelle politique chinoise de Washington ne soit en réalité qu’un marchandage au détriment de Taiwan.

Membre de la délégation taiwanaise venue assister à l’investiture de Trump, l’ancien premier ministre Yu Shyi-kun (2002 – 2005) sous la présidence Chen Shui-bian, s’en est ouvert à Edwin Feulner (75 ans), ancien président du Think Tank conservateur Heritage Foundation qui l’a rassuré en évoquant le Taiwan Relation Act. Mais, en dépit des bonnes paroles, le malaise des élites taiwanaises, aujourd’hui placées entre l’inconnue américaine, les pressions chinoises et les attentes contradictoires du peuple, n’est pas près de disparaître.

Au pouvoir, le KMT instille l’angoisse de rapprochements dangereux avec le Continent laissant craindre une « réunification rampante ». Quant au DPP, une fois aux responsabilités, il réveille mécaniquement le harcèlement diplomatique et les pressions chinoises, et, dans l’opinion, la crainte d’un dérapage militaire dont la population de l’Île ne veut pas.

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La montée des tensions est également perceptible au travers des prises de position de l’entourage de Trump auxquelles répondent celle du politburo à Pékin et des grands centres de recherches du Régime.

A Hong Kong, le South China Morning Post a passé en revue l’entourage du nouveau locataire de la Maison Blanche et fait le point de ses récentes déclarations sur les relations sino-américaines, auxquelles il ajoute celles du « Hudson Institute » et de « Heritage Foundation », deux « Think Tank » ayant été en partie à l’origine de la pensée stratégique de Trump.

En contrepoint, le journal passe en revue les réactions du politburo et celles de la nébuleuse des centres de recherche qui gravitent autour de l’exécutif chinois. L’assemblage de ces morceaux choisis dessine l’image impressionniste des tensions qui montent.

On notera que, même modérée par quelques personnalités dont les discours tranchent avec les attaques de Trump et de ses proches, la gamme des prises de positions américaines est nettement plus agressive que celle de l’exécutif et des centres de recherche chinois.

Déclarations chinoises.

Zhi Luxun

Ce Vice directeur au ministère du commerce considère que les positions de Trump à l’égard de la Chine ont ajouté une incertitude et une instabilité au commerce avec les États-Unis. Wang Hejun, son collègue au département des enquêtes commerciales estime à la suite des accusations de Trump selon lesquelles la Chine manipulerait sa monnaie, que les perspectives sont sombres. (Note : l’accusation de manipulation est inexacte. Depuis juillet 2005, quand Pékin a laissé flotter sa monnaie, il est vrai de manière très encadrée, la valeur du Yuan a augmenté de 22,6%.

Wang Yi

Le ministre des Affaires étrangères affirme que « Ceux qui tentent d’attaquer la politique d’une seule Chine soulèvent un rocher qui leur retombera sur le pied ».

Fu Ying

L’ancienne ambassadrice à Londres et présidente de la Commission des Affaires étrangères de l’ANP met en garde : « Si l’émotion et les aigreurs américaines sur la propriété intellectuelle et le taux de change dominent les sentiments de Washington à propos de la Chine au point de modifier sa politique, il en résultera une crise des relations bilatérales ».

Chang Wenquan

Le ministre de la défense accuse : « Certains pays qui ne voient que leurs propres intérêts de sécurité au détriment de ceux des autres, ne cessent de renforcer leur appareil militaire et leurs alliances »

Académie des Sciences Sociales

Le plus puissant centre de recherche de Chine créé en 1977 et affilié au Conseil des Affaires d’État à la valeur académique incontestable dont les prises de position reflètent celles du Politburo, reconnaît les tendances protectionnistes de Trump et anticipe qu’il maintiendra une ligne dure antichinoise articulée autour de menaces de sanctions. Yu Yongzheng suggère à l’exécutif de tenir compte de la personnalité de Trump et de ne pas céder aux menaces. Pour lui une réponse ferme et directe pourrait être plus efficace que des tentatives de compromis.

L’Institut des Affaires étrangères

Le creuset de la diplomatie chinoise, estime que D. Trump poursuivra la bascule stratégique vers l’Asie, mais qu’il focalisera plus sur la compétition commerciale avec, en arrière plan, une culture de marchandage. Sa stratégie montre qu’une part importante de ce qui fait la complexité de la relation sino-américaine lui échappe.

L’Institut chinois des études internationales (Waijiaobu)

Pour son président Su Ge, les conflits commerciaux vont s’envenimer, mais les attaques unilatérales de l’une ou l’autre des parties infligeront des dommages aux deux économies.

Centre des Etudes Internationales et Stratégiques

C’est le plus influent centre de recherche dans son domaine, rattaché à l’Université de Pékin (Beida).
Dirigé par Wang Jisi, qui fut Directeur des Etudes américaines à l’Académie des Sciences Sociales, le Centre a, en 2015, produit un rapport signé de Wang qui mettait en garde les États-Unis contre les idées trop radicales à l’égard de la Chine.

Elles mettraient en danger la coopération stratégique et inciterait la Direction chinoise à répondre aux provocations par des réactions dures. Tout récemment, Wang a estimé que la plus grande menace posée par les États-Unis n’était ni économique ni militaire, mais politique. « L’Intention des États-Unis a toujours été de renverser le Parti Communiste et de manipuler notre politique intérieure ». Au passage cette appréciation est celle qui a le plus imprégné l’actuelle direction politique du Régime.

L’université du Peuple

Etablissement d’enseignement supérieur connu pour sa pertinence académique en sciences humaines et sociales. Pour Jin Canrong, « par le passé les États-Unis se sont alliés à la Russie pour contenir la Chine. Trump reprendra cette stratégie ». En 2014, Jin avait suggéré à la direction chinoise de ne pas se mêler de la question ukrainienne en Europe et de rester ambigüe sur l’annexion de la Crimée, ce qu’elle a fait.

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Les coulisses politiques des tensions (suite). La nouvelle galaxie du pouvoir à Washington.

Peter Navarro (67 ans)

Dr en économie de Harvard connu pour ses prises de position dures à l’égard de la Chine et co-auteur du livre jugé à la fois pessimiste et alarmiste par le New-York Times « Death by China, Confronting the Dragon – A Global Call to Action » (2011), choisi par D. Trump pour diriger le Comité National pour le Commerce, nouvellement créé et directement lié à l’exécutif.

Ayant affirmé que la Chine mettait en œuvre une « politique commerciale de destruction massive des emplois » contre les États-Unis, il suggère de « riposter de manière globale et agressive. ».

Robert Lightizer (69 ans)

Ambassadeur itinérant au commerce, en charge des négociations internationales (Trade Representant), ancien de l’administration Reagan, connu pour ses positions protectionnistes et antichinoises. A la date de la rédaction de cette note, il n’avait pas été confirmé à son poste.

En 2008, il écrivait « Les partisans du libre-échange embrassent leurs idéaux avec une passion qui ferait passer Robespierre pour un modéré ». Pour lui « les marchés ne se portent pas mieux quand les unités de production industrielles migrent vers la Chine, encouragées par l’action du gouvernement américain ».

Wilbur Ross (79 ans)

Proposé, mais non confirmé au poste de Secrétaire d’État au commerce, le milliardaire, Wilbur Ross est connu pour ses opérations financières articulées autour du rachat à prix cassés de sociétés en difficultés et de leur revente avec de substantiels bénéfices « La Chine est à la fois le plus important fraudeur commercial et le pays avec lequel les États-Unis ont le plus gros déficit commercial ».

Rex Tillerson (64 ans)

Proposé, mais non confirmé au poste de Secrétaire d’État aux Affaires étrangères, ingénieur de formation, il est l’ancien PDG d’Exxon Mobil, n°1 mondial des hydrocarbures.

En dépit de ses connexions d’affaires et de sa proximité avec la Russie qu’aux États-Unis beaucoup critiquent, son expérience stratégique internationale est limitée. Face à Pékin il a adopté une position dure : « Nous devrons envoyer à la Chine un signal clair indiquant non seulement qu’elle doit cesser le bétonnage des îlots en mer de Chine du sud, mais aussi que nous allons lui en interdire l’accès ».

Michael Flynn (58 ans)

Conseiller pour la sécurité nationale. Ancien officier général, Directeur des renseignements militaires (DIA) révoqué en 2014 par Obama qui lui reprochait son style de commandement brutal et son franc parler public mettant en cause ses collègues et sa hiérarchie.

Co-auteur du livre à succès « The Field of Fight : How We Can Win the Global War Against Radical Islam and Its Allies » (2016), il exprime une vision globale, très sommaire et américano-centrée des soutiens aux terroristes islamistes mis dans le même sac que « les ennemis de l’Occident », dans lesquels il inclue la Chine : « Les Islamistes radicaux sont alliés à des pays et des groupes qui, bien que n’étant pas toujours des fanatiques, sont animés par la même haine à l’égard de l’Occident : la Corée du Nord, la Russie, la Chine, Cuba et le Venezuela ».

James Mattis (66 ans)

Confirmé au poste de Secrétaire d’État à la Défense. Ancien officier général des Marines, parlant vrai et droit, au discours parfois choquant sur la guerre (en 2005, dans une discussion publique, il avait affirmé qu’on « pouvait éprouver du plaisir à tuer certaines personnes »), ancien chef des opérations au Pentagone, il est l’un des militaires américains les plus influents du moment.

Sur la Russie, qu’il considère comme une menace à l’égard des États-Unis, ses convictions stratégiques sont opposées à celles de Rex Tillerson et de D. Trump. A l’égard de la Chine dont il admire l’Art de la guerre de Sun Zi, il prône la fermeté. En 2015, il faisait pression pour augmenter la puissance navale des États-Unis « Il faut nier à la Chine son pouvoir de veto territorial en mer de Chine du sud ».

The Heritage Foundation

Centre de recherche conservateur créé en 1973 dont la pensée a influencé la vision stratégique de D. Trump. Selon les services de renseignements taiwanais, l’ancien président du Centre, Edwin Feulner, proche de Taiwan, aurait été à l’origine du coup de fil de félicitations de Tsai Ing-wen à Trump. Lire notre article Tempête autour d’un échange téléphonique

En réponse aux réactions de Pékin qui s’offusquait du coup de fil, Stephen Moore, l’économiste du Centre, ancien conseiller de Reagan, a suggéré, sans s’embarrasser de subtilité ni de diplomatie « Si les Chinois n’aiment pas, qu’ils aillent se faire “encul..“ (…) Peu m’importe qu’ils se sentent insultés ».

L’incidence qui nous ramène au « Fuck the EU » que Victorial Nuland sous secrétaire d’État aux Affaires étrangères d’Obama avait lancé à son Ambassadeur à Kiev alors qu’il lui recommandait de ménager les Européens, montre qu’à Washington, le langage de charretier n’a pas de parti. Une chose est sûre, comme le soulignait Sylvie Kaufman dans Le Monde du 9 février 2014, « la parole gagne en clarté ce qu’elle perd en élégance. »

The Hudson Institute

Centre de recherche conservateur créé en 1961 ayant lui aussi contribué à instruire Trump sur les questions stratégiques. Pour Mike Pillsbury, Directeur des questions chinoises, l’échange téléphonique entre Tsai et Trump est « un coup de génie ». Il a contribué à jeter la lumière sur le harcèlement chinois contre Taiwan depuis l’élection présidentielle de janvier 2016 ayant porté au pouvoir la mouvance indépendantiste de l’Île. Pillsbury estime aussi que Washington doit renforcer sa capacité et son esprit de compétition avec la Chine et cesser de la considérer comme un partenaire.

Stephen Bannon (63 ans)

Conseiller pour les affaires stratégiques. Ancien officier de marine, homme de média à succès aux centres d’intérêts éclectiques, doué pour les affaires et la finance, proche du très conservateur « Tea Party », catalogué comme un « nationaliste blanc » et intéressé par l’Asie, il attribue l’échec de la bascule stratégique d’Obama vers l’Asie à la faiblesse du dispositif militaire américain engagé dans le Pacifique, à la suite de la réduction du budget de la défense.

Stephen Mnuchin (57 ans)

Secrétaire d’État au trésor, non confirmé. Ancien de Goldman Sachs, Mnuchin est un expert de la finance, sans expérience de l’État et en apparence sans conviction politique précise. Sa présence dans l’équipe Trump contredit le discours d’une Maison Blanche opposée à la finance et à Wall Street. Ses vues sur la Chine sont plus modérées que celles de Trump. Il sait notamment que l’accusation de manipuler le Yuan est inexacte.

Elaine Chao (63 ans)

Secrétaire d’État au transport. Non confirmée. D’origine taiwanaise, née à Taipei ayant déjà occupé le poste de ministre du travail sous la présidence de Georges Bush et de vice-ministre des transports sous Bush père, Chao est la fille d’un armateur originaire de Shanghai, ayant fui la Chine communiste vers Taiwan en 1949.

Titulaire d’un MBA de Harvard, Elaine Chao est aussi accusée avec son mari, le sénateur républicain McDonnel, d’une trop grande proximité avec les affaires chinoises. Dans les tensions qui montent avec la Chine, elle est un élément modérateur en opposition frontale avec Navarro et M. Flynn. « Les relations sino-américaines sont parmi les plus importantes relations de la planète. Pour leur intérêt et la paix dans le monde, Washington et Pékin doivent développer une relation bilatérale efficace et profitable au deux parties ».

Mike Pence (57 ans)

Le Vice-président est un autre modérateur dans les tensions sino-américaines. Ancien membre du Congrès et gouverneur de l’Indiana, avocat de formation, évangéliste fervent, Mike Pence est un défenseur du libre échange ce qui le met en porte à faux face au Président. Sa position à l’égard de la Chine est également plus conciliante, même si à l’occasion il s’est insurgé contre l’invasion de l’acier chinois subventionné.

Terry Branstad (70 ans)

Ambassadeur en Chine. Ancien gouverneur républicain de l’Iowa six fois réélu, Branstad doit sa nomination à une rencontre avec Xi Jinping datant de 1985 durant une visite dans la province du Hebei où l’actuel président chinois était chef de district. En retour, le futur ambassadeur invita le futur président chinois à visiter l’Iowa. Ce qu’il fit quelques mois plus tard au sein d’une petite délégation venue officiellement s’informer sur l’agriculture aux États-Unis.

A l’annonce de la nomination de Branstad, le Politburo a aussitôt exprimé sa satisfaction en le qualifiant de « vieil ami de la Chine ».

Jared Kushner (36 ans)

Conseiller spécial à la Maison Blanche.
Gendre de D. Trump, héritier du magnat de l’immobilier Charles Kushner, J. Kushner recherche les investissements chinois dont certains sont proches du pouvoir à Pékin. Ce qui pose la question, soulevée par le New-York Times, d’éventuels conflits d’intérêts entre les affaires de la famille Kushner et la nouvelle politique chinoise de la Maison Blanche.

 

 

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