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›› Société

La fête du Qing Ming 清明节 et les nouvelles technologies

En Chine, la capacité opportuniste d’innovation commerciale parfois d’un goût douteux, mais aussi, assez souvent, très originale est presque sans limites. On connaissait les « hongbao » 红包 virtuels échangés sur internet par le truchement des réseaux sociaux qui font le bonheur et la fortune de We Chat et d’Alipay, lors des fêtes de printemps (plus de 150 Mds de $ échangés pour ces deux portails, le deuxième avec l’aide de l’émission de variétés du nouvel an 2016 diffusée par CCTV (lire notre article La bourrasque du paiement en ligne.).

Voici maintenant que la haute technologie de l’information croise le vieux rituel du culte des ancêtres et de l’entretien des tombes à l’occasion de la fête de Qing Ming 清明节 qui tombe traditionnellement début avril, 15 jours après l’équinoxe de printemps. Partout dans le monde, les Chinois auront cette semaine une pensée pour leurs ascendants.

Mais depuis quelque temps une nouvelle mode s’installe pour les plus pressés ou ceux qui, résidant hors de Chine, n’ont pas le temps ou les moyens de se rendre sur les sépultures de leurs parents. A Nankin, un cimetière propose que ses employés effectuent les rites d’entretien des tombes à la place des parents qui visionnent la scène en direct via une application proposée par Wechat.

Selon le China Daily, le directeur du cimetière qui avec les informaticiens de Wechat a pris la précaution de protéger l’intimité de la famille par un code, l’initiative est un succès. Depuis 2010, le cimetière met déjà en ligne, accessible par les fameux « QR codes », des « plateformes » de mémoire sur lesquelles les parents des défunts peuvent visionner photos et vidéos des disparus.

On n’arrête pas le progrès, un cimetière de Chengdu propose même d’installer des écrans sur les tombes affichant les messages de sympathie et de condoléances postés à distance. La mode fait des émules. A côté des cimetières, une centaine de prestataires en ligne proposent maintenant des services de nettoyage des tombes à 44 $ l’unité.

Autre service proposé aux plus jeunes, des « QR codes » gravées sur les pierres tombales donnent accès après un scan par un « smartphone » à des vidéos sur la vie des défunts.

Le 清明节, la vague verte et le high-tech.

De fil en aguille, la réflexion commerciale autour des opportunités offertes par la fête du Qing Ming télescope aussi la mode verte des nouveaux soucis écologiques. Cette fois la cible n’est plus le nettoyage des tombes, mais la croyance des offrandes aux disparus par le truchement de la fumée des bâtons d’encens ou la combustion d’une incroyable liste d’objets de luxe en papier qui vont des répliques de montres dorées aux « smartphones » en passant par des boîtes à bijoux, des cigarettes des tables de mah-jong ou même des voitures de sport.

On raconte que cette année en Malaisie, une famille chinoise a dépensé 3800 $ pour fabriquer une réplique en papier d’une Lamborghini grandeur nature.

De plus en plus nombreux chez les jeunes, les défenseurs de l’environnement expliquent que les hommages virtuels aux défunts sur des plateformes dédiées permettent en quelques clics d’exprimer des condoléances, de dédier des chants funéraires aux disparus et même de brûler en vidéo des encens et du papier monnaie, ce qui évite de polluer l’atmosphère.

Funérailles écologiques 生态葬礼 et économie d’espace.

Dans cette lancée, dont il faut tout de même préciser qu’elle reste marginale, même si elle prend lentement de l’ampleur, le cimetière de Changqing à Pékin, dans le quartier de Chaoyang est allé un peu plus loin en supprimant carrément les tombes matérielles remplacées par les cendres des défunts dans une urne biodégradable temporairement enfouie sous le gazon du cimetière. Dans cette configuration où les tombes deviennent éphémères, le besoin de rituel funéraire est assouvi par le truchement d’un plaque de bronze remise à la famille portant elle aussi un « QR code » qui par le biais d’un « smartphone » donne accès à des vidéos-souvenirs des disparus.

Le 25 mars dernier a eu lieu la première cérémonie de « funérailles écologiques -生态葬礼 » gratuites au cours desquelles les cendres de 31 personnes décédées ont été enfouies dans une urne biodégradable qui, au bout de 6 mois se dissoudra dans la terre du cimetière.

A raison de 10 urnes au mètre carré, le cimetière propose 15000 emplacements funéraires temporaires tous associés à une plaque de bronze avec « QR codes », concept révolutionnaire où se croisent la « high-tech », la tradition chinoise d’enterrement et l’exigence de rituel, qui résout le difficile problème de place dans les cimetières chinois [1].

Note(s) :

[1Avec en moyenne 140 000 morts par an à Shanghai (240 000 à l’horizon 2050), le fait est que l’ancienne tradition des funérailles en pleine terre hypothèquera de plus en plus l’espace urbain à un rythme qui deviendra très vite insoutenable.

 

 

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