Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

 Cliquez ici pour générer le PDF de cet article :

›› Technologies - Energie

Le pétrole en ligne directe du golfe du Bengale vers le Yunnan

Alors que la frontière sud du Yunnan avec les États irrédentistes birmans était encore effervescence, mise sous tension par des flots de réfugiés fuyant les combats de mars denier entre les armées privées et les forces gouvernementales (lire notre article L’instabilité historique de la frontière sino-birmane. La longue patience de Pékin. Crises de migrants et diaspora chinoise dans l’ASEAN.), Pékin et Naypyidaw ont, après presque dix années de négociations, finalement signé l’accord sur l’acheminement par oléoduc vers la Chine du pétrole déchargé par tanker dans le golfe du Bengale.

La signature a eu lieu le 10 avril, dernier jour d’une visite de 6 jours en Chine du président birman Htin Kyaw qui s’est également entretenu avec Xi Jinping sur la sécurité à la frontière et la possibilité d’octroyer à la Chine des projets d’infrastructure alternatifs après l’annulation en 2011 de la construction du barrage de Myitsone, à la suite de protestations populaires

Ayant pour la Chine une importance logistique et stratégique considérable évitant le détroit de Malacca, l’oléoduc raccourcit le trajet du pétrole de plus de 1000 km et économise 30% du temps de transit. Long de 770 km au Myanmar avec un coût total de construction 2,5 Mds de $ (investissements par CNPC propriétaire de l’infrastructure et en charge de la gestion), il est connecté au terminal de Kyaukphyu (1400 nautiques au nord de Malacca) sur le golfe du Bengale et traverse l’État de Rakhine, les régions de Magway et Mandalay avant de déboucher au Yunnan par l’État de Shan.

Il continue ensuite sa route sur plus de 1000 km vers Kunming où Petrochina a construit une raffinerie dont la capacité est de 13 millions de tonnes par an et dont les opérations commenceront en juin.

*

Achevé dès 2014, l’oléoduc entre en service avec retard suite aux tensions entre Pékin et le Myanmar et aux longues négociations avec Petrochina sur le montant des droits de passage que Naypyidaw a accepté de réduire.

Les essais ont commencé en 2015, confirmant une capacité annuelle de transit de 22 millions de tonnes dont 2 millions iront au Myanmar. Le premier transfert opérationnel a eu lieu après le 9 avril dernier à partir du pétrolier United Dynamic battant pavillon grec parti du terminal turc de Cayhan le 6 mars.

Au passage, signalons qu’à la suite de la profusion des raffineries privées et de la réduction de la production de pétrole domestique, en 2016, les importations chinoises de pétrole ont augmenté de 13,6% pour atteindre 381 millions de tonnes, soit une hausse de 535% depuis 2000.

Cette extrême dépendance chinoise au pétrole importé confère une pertinence particulière aux pipelines directs vers le Yunnan.

Rappelons enfin qu’un gazoduc parallèle fonctionne déjà depuis juillet 2013. D’une capacité annuelle de 12 milliards de m3, il achemine le gaz birman à partir de 3 gisements découverts en 2004 dans la mer d’Andaman au large des côtes birmanes et dont les réserves sont estimées à 200 milliards de m3.

++++

NOTE de CONTEXTE

Situation au Myanmar.

18 mois après la victoire éclatante d’Aung San Suu Kyi aux premières élections libres organisées dans son pays depuis des lustres, mais contredisant les espoirs d’apaisement véhiculés par son succès, les perspectives d’une réconciliation nationale restent très fragiles.

Pressé par les influences rivales de l’Inde et de la Chine, le pays ne pourra pas trouver une paix durable sans d’importantes concessions d’autonomie que la ligue nationale pour la démocratie, le parti de la Dame de Rangoon, accorderait aux rebelles du nord. Ces derniers exigent une plus grande autonomie et la définition de territoires d’où l’armée birmane serait exclue. Les militaires dont le pouvoir à Naypyidaw est resté intact y voient un glissement vers le fédéralisme et un risque inacceptable pour l’unité nationale.

Aujourd’hui, la lauréate du prix Nobel de la paix, fille du général Aung San héros de l’indépendance contre les Anglais tente de redonner vie au projet fédéral accordant une large autonomie aux groupes ethniques que son père avait imaginé avant de mourir assassiné en 1947. En 2015, 15 groupes ethniques armés avaient signé un accord national de cessez le feu avec le précédent gouvernement de Thein Sein.

En septembre 2016, de nouvelles négociations eurent lieu qui s’enlisèrent, tandis que certains groupes ethniques accusent Aung Son Suu Kyi d’ignorer leurs exigences et de manipuler les politiciens locaux au profit de son parti. Peu à peu la Dame a perdu son aura critiquée par les rebelles qui la soupçonnent de collusion avec les militaires qu’elle tente d’amadouer.

Malmené par l’intransigeance des militaires dont les arrières pensées sont opposées au projet fédéraliste ethnique, le mythe de la Dame de Rangoon s’ébrèche également, affaibli par les critiques de la communauté internationale qui l’accusent de n’avoir pas réussi à apaiser les tensions ethniques autour des 140 000 Rohingya musulmans descendants des marchands arabes, harcelés par les Bouddhistes dans le nord de l’État de Rhakine et entassés dans des camps de réfugiés insalubres, parfois réprimés par les forces de sécurité.

*

Dans ce contexte instable à l’évolution difficile à prévoir, la Chine dont l’influence est écornée depuis 2011 par des rejets populaires, tente de préserver au mieux ses intérêts stratégiques décrits dans l’article en naviguant au plus juste entre les militaires toujours très puissants, Aung San Suu Kyi et son parti aujourd’hui affaiblis et les groupes rebelles de la frontière qui furent longtemps ses alliés.

Depuis 1989 Pékin, le plus important fournisseur d’équipements militaires à la Birmanie (chasseurs et navires de combats, blindés, artillerie) dispose d’un point d’appui de premier rang avec le port en eau profonde de Kyaukpyu.

A l’occasion, Pékin a rétribué l’ouverture du régime birman aux influences chinoises en opposant son veto parfois avec celui de Moscou aux résolutions de l’ONU condamnant les manquements aux droits de la junte de Rangoon (2007 - 2009). Avec la crise des réfugiés de Kokang (Août 2009) la relation est entrée dans une phase plus tumultueuse. (lire Chine-Myanmar : le dilemme birman.)

Les années qui suivirent furent marquées par une crispation de la relation entre Rangoon et Pékin accompagnée par une ouverture politique aux États-Unis. En 2011, le projet de barrage construit par des sociétés liées à l’armée chinoise fut annulé par Naypyidaw.

Le 13 novembre 2014, le baiser d’Obama à Aung San Suu Kyi à son domicile, fit le tour du monde, tandis que l’influence de Pékin était nettement en recul et que la junte avait accepté l’idée d’un changement apparent de pouvoir à la suite d’élections libres.

Aujourd’hui chacun voit bien que le scrutin du 8 novembre 2015, remporté par le parti de la « Dame de Rangoon » est loin d’avoir rebattu les cartes.
Lire aussi Aung San Suu Kyi à Pékin. Retour au principe de réalité.

 

 

La nouvelle course à la lune, au cœur de la rivalité sino-américaine

[10 mars 2024] • Jean-Paul Yacine • 2     

A Dubaï, la Chine championne des renouvelables et du charbon

[21 décembre 2023] • Jean-Paul Yacine

Les guerres de l’espace et des microprocesseurs, deux secteurs clé de la rivalité sino-américaine

[9 octobre 2023] • François Danjou

Projets spatiaux chinois et rupture de la coopération avec l’Occident

[22 juillet 2023] • Jean-Paul Yacine

Guerre froide sino-américaine. Pékin riposte aux embargos de Washington en interdisant le géant MICRON

[28 mai 2023] • François Danjou