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›› Chronique

19e Congrès. Les hommes du président en route pour 2022. 1re Partie : Une stratégie à 3 volets

Le 27 mai, Xinhua publiait une série de décisions concernant des mouvements de personnels de la haute administration du pays. La plupart confirmaient des affectations déjà en cours depuis au moins un an. Mais parmi elles, les médias occidentaux ont noté la désignation surprise du maire de Pékin Cai Qi à la tête du parti de la capitale en remplacement de Guo Jinlong transféré au poste de n°2 de la Commission Centrale pour le progrès éthique et culturel, mais restant à la tête du Comité d’organisation des JO d’hiver de 2022.

Les affectations s’inscrivent dans le branlebas en amont du Congrès destiné à consolider les bases politiques du président Xi Jinping. Si tout se passe selon les errements antérieurs, à l’issue de ce qui sera la 19e édition du Congrès du Parti depuis 1921, parmi les hommes qui, à l’automne, entreront au Comité permanent du Bureau Politique (C.P.B.P.) se trouveront les successeurs de Xi Jinping et de Li Keqiang en 2022.

Déclenchée depuis 2013, la manœuvre qui s’accélère au milieu d’un des plus formidables ébranlements imposés au Parti et à l’armée par un secrétaire général, vient en appui des tractations pour hisser vers le sommet des hommes acquis à la vision du « rêve chinois » du Président.

Ce dernier dont le volet extérieur a récemment été exprimé à la mi-mai par le séminaire sur « les nouvelles routes de la soie », est, on le sait, articulé à la « modernisation » par un effort interne d’innovation et par la quête de technologies étrangères sinisées, l’ajustement du système économique et financier pour réduire les dettes et augmenter la consommation domestique, à quoi s’ajoute le renforcement des capacités de l’APL au prix de très sérieux bouleversements de ses structures [1].

En fond de tableau, le redressement éthique du Parti, objet d’une vaste campagne anticorruption à la dimension inédite appuyée par l’alourdissement des contrôles de l’information et d’internet destiné à tenir à distance les influences occidentales considérées comme dangereuses pour la pérennité du régime.

Aux commandes de cette entreprise de rénovation à la fois teintée de rêve et de crispation politique, il y a la personnalité du Président, plus autoritaire et plus directif que ses prédécesseurs. Animé par l’urgence de régénérer le Parti et de protéger la Chine de l’influence dangereuse des « valeurs occidentales », le n°1 chinois se distingue de ses prédécesseurs par un style de travail centralisateur qui s’est progressivement éloigné des préceptes du consensus politique énoncés par Deng Xiaoping à la fin des années 70, après les affres de la révolution culturelle.

Il va de soi que cette distance prise avec le dogme, s’ajoutant aux secousses infligées à la machine politique par les bourrasques tous azimuts de la lutte anticorruption créent un terreau favorable à la contestation du magistère de Xi Jinping. Pour le secrétaire général, tout le défi du Congrès consiste à subjuguer ces frondes potentielles pour propulser vers le sommet des hommes adhèrant à sa vision et à ses méthodes.

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Après avoir rappelé les récents mouvements de personnels permettant de décrypter la méthode Xi Jinping, l’étude qui suit passe en revue, dans sa deuxième partie, la garde rapprochée de Xi Jinping en amont du Congrès à quoi s’ajoute un vaste réseau de fidèles dévoués méthodiquement mis en place dans les provinces.

Ce groupe d’adeptes dévoué assiste le Secrétaire Général dans sa manœuvre pour, dans l’opacité et au milieu des clans rivaux, rallier à sa cause une majorité de voix au Comité Central qui désignera les personnalités composant le cœur du pouvoir chinois ainsi que les différents secrétariats et commissions qui lui sont attachés [2].

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La première revue d’effectifs ci-après ne prétend pas à l’exhaustivité. Elle est un exemple illustrant la manière du secrétaire Général, proche de celle déjà utilisée dans l’APL [3], visant à rallier les talents, consolider la base des anciens et promouvoir rapidement les fidèles.

Assortie de critères privilégiant à la fois la loyauté et l’expérience des postes réputés difficiles, elle a, depuis 2015, accéléré l’attribution de responsabilités à la tête des provinces à des PDG de grands groupes publics (2e partie). Logiquement les critères de cette course au pouvoir sont à la fois le mérite, l’endurance et les qualités de maîtrise.

Au passage, à la liste des sésames vers le sommet, Xi Jinping et ses proches ont rajouté la loyauté politique au point d’en faire parfois le premier des critères.

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A la fin mai, plusieurs haut-fonctionnaires ont été officiellement confirmés dans les postes qu’ils occupaient pour certains depuis 2012. Les deux premiers sont les plus jeunes du bureau politique dont la trajectoire n’était pas proche de celle de Xi Jinping mais qu’il cherche à rallier à sa cause. Les deux suivants sont d’anciens fonctionnaires de base qui renforceront l’audience de Xi Jinping au sein du Comité Central. Le 5e est un fidèle qui doit sa promotion à la tête de la mairie de Pékin à ses anciennes relations avec le Président et à sa loyauté.

1.- Rallier les talents.

Sun Zhengcai, 54 ans, membre du Bureau Politique depuis 2012 et du Comité Central depuis 2007 est confirmé à la tête de la municipalité de Chongqing. Avant son affectation à la tête de la plus puissante municipalité autonome en 2012, Sun avait été membre du Comité permanent de la municipalité de Pékin (2002 – 2006), ministre de l’agriculture pendant la crise du lait à la mélanine (2006 – 2009) qui fit 300 000 victimes et tua 6 bébés [4], après quoi, il fut affecté à la tête de la province de Jilin (2010 – 2012) où il obtint d’appréciables succès dans le développement de la province.

Membre de la 6e génération des dirigeants chinois, à la tête d’une entité administrative sensible vaste comme l’Autriche, peuplée de 33 millions d’habitants, au PIB comparable à celui de Cuba, ayant connu en 2012 le scandale politique de Bo Xilai, Sun Zhengcai dont les allégeances initiales n’allaient pas à Xi Jinping, mais plutôt à Jia Qingling et Wen Jiabao, fait, depuis 2013 à Chongqing, la promotion active du rôle de Chonggqing dans les « nouvelles routes de la soie ». Il ne fait pas de doute qu’il sera un des loyaux appuis du président dans la bataille du 19e Congrès.

Hu Chunhua, 54 ans, membre du Bureau Politique depuis 2012 et du Comité Central depuis 2007, est formellement confirmé à la tête de la province de Canton, responsabilité qu’il exerçait déjà depuis 5 ans comme chef du Parti. Avec Sun Zhengcai, il est l’autre étoile montante, admis au BP alors qu’il n’avait que 49 ans.

Au cours de sa carrière construite à l’écart de celle de Xi Jinping, dans le sillage des Tuanpai 团派 de la ligue de la jeunesse proche de Hu Jintao, il fut dès l’âge de 38 ans le n°1 au Tibet (2001 – 2007), puis à 45 ans le gouverneur du Hebei (2008 – 2009). Dans la foulée il a pris la tête de la Mongolie intérieure 2009 – 2012 où il eut à gérer la fronde des éleveurs, épisode au cours duquel il fit preuve d’une grande habileté politique.

Lire notre article Les causes croisées de l’agitation en Mongolie intérieure.

Dans le paysage politique Chinois, Hu Chunhua qui, sur sa demande, a passé 20 ans de sa carrière politique au Tibet avant de faire preuve de sang froid en Mongolie, manifestant une loyauté sans faille au Parti, est une personnalité qui mérite attention. Certains voient en lui le futur secrétaire général. Il appartient en tous cas à la cohorte des hauts fonctionnaires brillants dont Xi Jinping cherche à se ménager les appuis.

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2.- Consolider la base.

Se connaissant bien, confirmés à la tête de provinces en même temps que Sun et Hu, Li Hongzhong et Wang Guosheng qui appartiennent à la génération des aînés, ont derrière eux une longue carrière d’apparatchiks dont les débuts remontent à la fin de la révolution culturelle. Avec d’autres, ils apporteront leur appui à Xi Jinping au sein du Comité Central où son audience n’est pas encore totalement assurée.

Li Hongzhong, 60 ans, a été officiellement nommé à la tête de la municipalité de Tianjin, poste qu’il occupait déjà depuis 8 mois. Membre suppléant du Comité Central depuis 20 ans, il n’a jamais réussi à en devenir un membre de plein droit. Ses plus hautes fonctions furent celles de chef du parti de la municipalité de Shenzhen (2005 – 2007), après quoi il resta 9 années au Hubei où il occupa les fonctions de vice-gouverneur et de n°2 du parti avant d’en devenir le chef en 2010 jusqu’en 2016, année à laquelle il fut muté à Tianjin. Il y a remplacé Huang Xingguo, arrêté en septembre 2016 pour corruption.

Une fois muté à Tianjin, Li avait exprimé son soutien à Xi Jinping. Avant le 6e plenum de l’automne 2016, il fut en effet l’un des premiers à soutenir la motion ayant fait de l’actuel n°1, à la suite de Mao, Deng Xiaoping et Jiang Zemin, le « Cœur - 核心- de la 5e génération de militants du Parti - un honneur auquel Hu Jintao n’avait pas eu droit -.

Mais, à au moins une occasion, Li fit la preuve de son manque d’habileté politique, exprimant sans ménagement son hostilité à la presse. En 2010, durant la cession de l’ANP, il avait en effet confisqué le magnétophone d’une journaliste qui lui demandait de commenter le viol d’une jeune femme par un fonctionnaire du Parti à Baodong, municipalité appartenant à sa juridiction. L’affaire lui valut quelques titres peu élogieux de journaux chinois et étrangers.

Le deuxième vétéran confirmé au rang de responsable politique provincial fut Wang Guosheng nommé à la tête du Qinghai où il est en poste depuis juin 2016. 60 ans, membre du Comité Central depuis 2012, originaire du Shandong où il a passé une bonne partie de sa carrière dans des postes techniques à l’inspection du travail, comme directeur commercial, puis comme chef de parti dans des villes moyennes de la province, Wang a ensuite partagé sa carrière entre le Jiangsu où il fut Directeur de la propagande, président de la Commission d’organisation et Directeur de l’école du parti (2000 – 2010) et le Hubei dont il fut le gouverneur de 2010 à 2016, alors que Li Hongzhang y était le chef du Parti et le n°1.

Evidemment la nomination de ces deux fantassins du Parti à la tête d’importantes administrations ne suffit pas à rendre compte des efforts du président pour consolider la base. En réalité le travail est en cours depuis plusieurs années, sur la lancée de dispositions antérieures portant chaque année à l’attention de la tête du régime une centaine de représentants des districts les plus méritants.

Depuis 2013, Xi Jinping poursuit cette stratégie honorant la base en lui conférant une solennité et un lustre particuliers, dans le but de reconstruire les soubassements du régime et ses liens personnels avec le peuple jusque dans les endroits les plus reculés de Chine.

Le projet de rénovation du Parti par ses racine locales est en phase avec la décision de juin 2014 annonçant le durcissement des critères de recrutement de l’appareil. Après avoir constaté que les anciennes conditions d’adhésion, trop tolérantes, ne correspondaient plus, précisait Xinhua, « aux circonstances politiques auxquelles était confronté le pays. », la sélection, disait la dépêche, focalisera désormais plus sur « la qualité que sur la quantité ».

Lire aussi Xi Jinping rénove le Parti, recentre son pouvoir et s’organise pour durer.

3.- La nomination de Cai Qi 菜奇. Promotion d’un fidèle.

Agé de 62 ans, diplômé de sciences politiques de l’université normale du Fujian, n’ayant ni l’expérience politique, ni les capacités de ses jeunes rivaux, toujours pas membre du Comité Central, Cai Qi a pour lui d’être un des fidèles du Secrétaire Général qui apprit à le connaître au cours leur expérience commune au Fujian à la fin des années 90 et à Hangzhou au Zhejiang (2003 – 2007). En 2014, Xi Jinping l’a appelé à Pékin pour en faire le n°2 de la Commission Nationale de Sécurité du Comité Central.

Deux ans plus tard, il était nommé vice-maire de Pékin, puis maire en 2017. Rares sont les fonctionnaires pouvant se targuer d’être passés en seulement une année du poste de vice-maire à celui de n°1 d’une grande municipalité.

A partir de 2010, alors président de la Commission d’organisation du parti du Zhejiang, tandis que Xi Jinping qui le connaissait bien, était déjà Vice-président de la République, Cai s’est signalé à l’attention du public en tenant un blog qu’il avait intitulé « Cai Qi le Bolchevik » où il se présentait à ses « suiveurs » comme le redresseur de tort des abus. Surtout, une fois maire de Pékin, il s’était bruyamment manifesté pour lutter contre la pollution.

Trois mois à peine après sa nomination, il décidait la réduction de 30% de la consommation de charbon dans Pékin et la mise hors service des centrales thermiques autour de la ville. A quoi s’ajoutait le projet de fermer les usines les plus polluantes, tandis qu’il promettait à 2000 autres des subsides publics pour filtrer leurs émissions. Les projets d’installer des purificateurs d’air dans les écoles, d’interdire 300 000 véhicules polluants et d’augmenter la rigueur des contrôles par des équipes spéciales ont fini de lui rallier l’opinion de la capitale, prélude à sa nomination.

Lire notre article La difficulté des stratégies anti-pollution. Progrès et embardées.

Notons que, pour remplacer Cai à la mairie de Pékin, le pouvoir, décidé à tirer profit de la dynamique favorable à l’écologie, a nommé l’actuel ministre de l’environnement (2015 – 2017), Chen Jining, 53 ans, un scientifique qui fut président de Qinghua de 2012 à 2015. Lire La longue marche chinoise vers la conscience écologique.

Cai sera aussi secondé à Pékin par l’ancien vice-ministre de la publicité Jin Jun Hai 景 俊 海, 56 ans nommé en 2017 n°2 du Comité du parti de la capitale. Jin appartient au clan de Xi Jinping du Shaanxi, chapeauté par Zhao Leji, le president de la Commission d’organisation du Parti.

Note(s) :

[1Déflation de 300 000 personnels, en cours depuis janvier 2017, essentiellement dans l’armée de terre alors que les effectifs de la marine et l’armée de l’air augmentent ; réduction du nombre de régions militaires de 7 à 5 élevées au niveau de « théâtres d’opération » avec les moyens de commandements afférents ; création au sein de la CMC d’une structure de commandement interarmées ; réforme complète des structures de gestion des personnels après les scandales ayant conduit à l’exclusion du parti des généraux Cu Xaihou et Guo Boxiong, le premier décédé avant son jugement, le deuxième ancien n°2 de la C.M.C à la retraite, condamné à la prison à vie pour corruption liée à l’achat des promotions.

[2Liste des principales structures du Parti avec leurs effectifs actuels. C.P.B.P – 7 membres - ; Bureau Politique – 25 membres - ; Commission Militaire Centrale (C.M.C) – 11 membres - ; Comité Central – 205 membres + 171 suppléants (dont 20% sont des militaires) - ; Commission Centrale de contrôle et de discipline – 13 membres - ; Secrétariat du Comité Central – 7 membres -

[4Le 10 juillet 2007, alors que Sun Zhengcai était ministre de l’agriculture, la Cour Intermédiaire de justice de Pékin exécuta la sentence de mort prononcée contre Zheng Xiaoyu, 62 ans, ancien Directeur de la sécurité alimentaire peu de temps après que la Cour Suprême ait rejeté l’appel de ses avocats.

 

 

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