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›› Technologies - Energie

Huawei aux Etats-Unis, un concentré de la guerre commerciale et technologique

On glose souvent sur les barrières commerciales, expression du nationalisme économique entravant les affaires des groupes étrangers en Chine. Articulées à des limitations de sécurité nationale ou de protection de technologies, les mêmes obstacles existent aux États-Unis et en Europe. Avec Donald Trump au pouvoir et ses efforts pour promouvoir les intérêts commerciaux américains, elles ont tendance à se renforcer. En Europe, la crise a produit les mêmes effets contre les investissements chinois dans l’industrie allemande.

A côté des exportations chinoises d’acier et d’aluminium soutenues par les pouvoirs publics chinois cibles des ripostes fiscales américaines et européennes, le secteur des nouvelles technologies de l’information (NTI) constitue aujourd’hui un des principaux enjeux de la guerre commerciale. Celle-ci a le double objet de protéger les entreprises nationales américaines du secteur aux prises avec la concurrence chinoise et surtout de freiner autant que possible les transferts de technologies.

Par dessus tout le secteur des NTI véhicule la crainte de l’intrusion de systèmes adverses à des fins de captation de technologies ou d’espionnage.

Question Chine avait déjà évoqué le cas du géant chinois Huawei, victime aux États-Unis de blocages par la Commission des investissements et dont l’histoire est un concentré des guerres commerciales, de la crainte américaine de vols de technologies à quoi s’ajoutent les soupçons d’espionnage au profit du gouvernement chinois.

Récemment, le magazine Caixin est revenu sur les obstacles opposés aux États-Unis au géant chinois des télécom Huawei n°1 mondial des équipements de téléphonie devant Ericsson et parmi les tous premiers fabricants de routeurs derrière l’américain Cisco System.

L’équipementier est devenu un géant du portable.

Depuis quelques années, mettant en œuvre une stratégie que QC avait déjà signalée en 2011, Huawei, augmente aussi régulièrement sa part du marché global des téléphones portables où il est aujourd’hui le n°3 mondial derrière Samsung et Apple dans un marché où la concurrence chinoise est féroce, marquée par la prolifération de sociétés d’assemblage low-cost (sur les 10 premiers vendeurs de smartphones au monde, 7 sont chinois. Presque tous souffrent de déficits de qualité, premier souci de Huawei).

Au premier trimestre 2017, le pourcentage des ventes du Chinois sur le marché mondial est passé de 8,3% à 9% tandis que celles de Samsung et Apple reculaient respectivement de 23,20% à 20,7% et de 14,8 à 13,7%. Sur les 380 millions de portables vendus dans le monde au premier trimestre 2017, 34 millions étaient de la marque Huawei, contre 79 millions vendus par Samsung et 52 millions par Apple.

Fait nouveau qui mérite attention, les auteurs de Caixin eurent la clairvoyance de pointer du doigt l’opacité de l’actionnariat du groupe et sa stratégie d’empiètement financier dans des sociétés américaines liées à la sécurité ayant éveillé les soupçons américains à la racine des difficultés de Huawei aux États-Unis.

La difficile pénétration du marché américain.

C’est d’abord en sa qualité de pourvoyeur d’équipement de télécom, son savoir-faire d’origine que Huawei a tenté de conquérir le marché américain, creuset mondial des innovations de la téléphonie mobile et un des plus grands réservoirs de consommateurs au monde. Sachant que la pénétration commerciale de l’Amérique constituait un brevet de fiabilité, condition de l’expansion globale d’une marque, le groupe n’y a pas ménagé ses efforts.

Dès 1999, il créait un centre de recherche à Dallas pour adapter ses produits au marché local ; en 2001, il y montait une filiale chargée de commercialiser ses routeurs d’accès à la téléphonie sans fil. Ses progrès – essentiellement dus à une qualité au-dessus des standards chinois moyens et aux prix imbattables - furent cependant handicapés par des accusations de vol de technologies matérialisées par des poursuites en justice par la Société Cisco en 2003. Bien que les deux parvinrent à un accord commercial, la publicité autour du procès a, par la suite, gravement gêné la progression de Huawei.

En 2008, la joint-venture avec 3Com où Huawei devait détenir 16,5% des parts et obtenir une présence au conseil d’administration se heurta à la méfiance des acteurs américains du secteur et au veto de la Commission des investissements étrangers qui interdit la transaction au motif que 3Com fournissait des logiciels de sécurité à l’armée américaine.

D’autres refus de la commission d’investissement suivirent. En 2009, un contrat d’équipements 4G avec AT&T fut annulé ; en 2010, 3 autres subirent le même sort (blocage du rachat d’un fabricant de routeur, des actifs de la division sans fil de Motorola et de la société 3Leaf systems).

Pour les spécialistes chinois du secteur, les harcèlements subis par Huawei aux États-Unis lui fermèrent toutes les possibilités de se développer. En 2012, la Commission du renseignement du congrès rendit un rapport d’enquête stigmatisant les risques pour la sécurité nationale posés par Huawei et son concurrent chinois ZTE, conseillant aux sociétés américaines de télécom de ne pas acheter leurs équipements.

Du coup les revenus de Huawei aux États-Unis, même s’ils sont passés de 40 millions en 2006 à 1,3 Mds en 2011 (dont plus de 98% proviennent de la vente de téléphones portables) représentent à peine plus de 4% des 30 Mds de $ du revenu global du groupe.

Si les auteurs stigmatisent le protectionnisme et la théorie de la « menace chinoise » premières causes réelles des blocages subis aux États-Unis par Huawei qui récuse toutes les accusations d’espionnage ou de vol de technologies, ils signalent tout de même quelques incidences qui ne pouvaient qu’attiser les soupçons des responsables de la sécurité au Pentagone et à la CIA.

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Soupçons d’espionnage.

Revenant sur l’histoire agitée de Huawei aux États-Unis Caixin se demande pourquoi, si l’intention du groupe était de pénétrer en toute bonne foi le marché américain et sachant que l’origine militaire du PDG Ren Zhengfei faisait déjà dresser l’oreille des contrôleurs, avoir d’emblée formé le projet de racheter une entreprise comme 3Com, fournisseur des systèmes anti-intrusion du Pentagone et des renseignements militaires des 3 armées ? Fausse naïveté ou fausse manœuvre ? En tous cas la sécurité nationale américaine ne pouvait pas prendre le risque d’une captation des logiciels sensibles.

Les soupçons ont aussi été alimentés par la nature et la structure du financement du groupe ayant la particularité d’être la seule entreprise des 500 premières mondiales à ne pas être cotée en bourse. Adepte du profil bas, ne parlant pas aux médias, n’ayant jamais rendu publique la structure du financement de la société, Ren explique, mais aux États-Unis personne ne le croit, que la totalité du capital est détenu par les personnels de la société, tous actionnaires du groupe.

Lire notre article HUAWEI, le flambeau du succès High Tech, pilier de la captation de technologies ?

Le rêve américain de Ren Zhengfei.

Une chose est sûre, le PDG Ren Zhenfei qui a de la suite dans les idées et évite de se disperser dans une myriade d’activités commerciales comme nombre de groupes chinois, n’abandonnera pas son rêve américain. Ayant déjà réussi à réduire à néant les soupçons d’espionnage en Inde et aux Pays-Bas, attendant des jours meilleurs dans le secteur des équipements de téléphonie mobile, il attaque le marché américain des smartphones par le point faible de tous les consommateurs : l’avantage des prix associé à une qualité très honorable en amélioration constante.

Pour l’Américain moyen, « les téléphones Huawei sont beaucoup moins chers et presqu’aussi bons que ceux des grandes marques Apple ou Samsung ». Plus encore, Ren a récemment décidé de faire l’impasse sur les coûteuses campagnes publicitaires pour affecter d’importants crédits à la R&D (50% des personnels du groupe travaillent à la recherche). Dans les tiroirs, la mise sur le marché d’un téléphone entièrement étanche, le perfectionnement des commandes vocales et les progrès de la photographie, déjà visibles avec le modèles p10 et p10 plus.

La variante européenne.

En février dernier au congrès mondial des portables à Barcelone, la trajectoire éclair des portables Huawei a impressionné les spécialistes. Tous estiment que le Chinois portant attention aux détails et proposant des innovations sophistiquées est aujourd’hui le concurrent le plus sérieux de Samsung et Apple.

Travaillant avec les meilleurs experts mondiaux de la couleur (l’Américain Pantone) et de la photo (Leica), pour donner à ses appareils une qualité d’image exceptionnelle, Huawei a aussi équipé ses derniers modèles de microprocesseurs fabriqués sous licences américaines par le Chinois HiSilicon – en Chinois Haisi – 海 思 - n°1 des circuits intégrés en Chine qui produit le Kirin 960. Puissant et rapide, le circuit intégré fabriqué à Shenzhen confère à ses appareils une grande réactivité, très appréciée des utilisateurs.

Commercialisés en Europe, les modèles de Smartphone « p 10 » et les « p 10 plus » tous deux à 64 gigabits, aux prix voisins de 550 € avec une variante à 128 gigabits à 734 €, sont les concurrents directs des modèles Iphone 7 de Apple et Galaxy S8 de Samsung. En vente depuis mai 2017 aux États-Unis, les deux modèles font l’unanimité des spécialistes : ils sont l’un des meilleurs compromis qualité – prix sur le marché.

Pour l’instant Ren 73 ans, le PDG discret de Huawai tient son pari de rester sur le marché américain, malgré les vents adverses. Il lui reste à reprendre pied dans le secteur des équipements. Compte tenu de la méfiance rémanente dont souffre la marque aux États-Unis, il y faudra du temps et de la patience. Ren, fils d’un couple d’enseignants qui furent proches du Kuomintang, ancien ingénieur des télécom de l’armée qu’il a quittée en 1982 à 38 ans, n’en manque pas, comme il ne manque pas d’idées. En attendant de faire céder les réticences américaines, le marché européen est une option.

Avec un quartier général à Düsseldorf le groupe a, en juin 2016, ouvert son 4e centre de recherche en France. Situé à Boulogne Billancourt le nouveau centre qui emploie 74 chercheurs, (il y a 16 centres de R&D Huawei en Europe) est spécialisé dans la recherche mathématique appliquée et les algorithmes. Son directeur est Merouane Debbah un jeune mathématicien français d’origine algérienne.

Pour mémoire, Ren avait fait un détour par la France en septembre 2014 où il avait annoncé un plan d’investissement de 1,5 Mds d’€ sur 5 ans prévoyant de recruter 600 personnes dont 200 dédiés à la R&D. Les 3 autres centres R&D en France sont à Boulogne Billancourt (terminaux), Sophia-Antipolis (traitement numérique de l’image) et Paris (design industriel), rue Saint-Dominique.

 

 

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