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›› Politique intérieure

Le nationalisme des « caractéristiques chinoises » s’affirme comme l’idée force du Congrès

Le 19e Congrès tient ses travaux depuis le 18 octobre au Grand Palais du Peuple à Pékin. Il durera 7 jours, réunissant 1576 délégués des provinces, régions et municipalités autonomes et 711 représentant l’Armée (253), les administrations centrales du gouvernement et du Parti (292), les groupes industriels publics (53), la police armée populaire (50), les représentants des banques et de la finance (44) à quoi s’ajoutent 16 délégués d’associations diverses, professionnelles ou politiques [1].

Exercice contraint, étroitement surveillé par la sécurité d’État et calibré par la propagande, le Congrès est un vaste affichage public du volontarisme politique et économique du régime, ayant deux objectifs majeurs :

1) Rendre publique la nouvelle composition des organes dirigeants du Parti – comité permanent, bureau politique, comité central et son secrétariat, commission militaire centrale et commission centrale de discipline - ; et

2) Préparer le rapport final du Comité Central comprenant le bilan des 5 dernières années et la feuille de route du Parti–État jusqu’en 2022, dans les domaines politique, économique, culturel, diplomatique, à quoi s’ajoute la stratégie interne essentielle visant à consolider l’emprise du Parti sur le pays et la société.

La voie chinoise séparée de l’Occident.

Le 18 octobre, après une intense campagne de promotion destinée à façonner son image de dirigeant exemplaire et visionnaire capable de conduire la Chine sur le chemin d’une grande puissance moderne dont le style, les méthodes et les solutions se démarquent de celles de ses rivales occidentales et notamment de l’Amérique, Xi Jinping a prononcé un discours sur lequel Question Chine reviendra plus en détail à la fin du Congrès.

Mais déjà émerge l’épine dorsale au cœur de la pensée politique du parti : l’idée, puissamment nationaliste déjà ancienne et recyclée pour l’occasion, du « socialisme aux caractéristiques chinoises », séparé des « valeurs occidentales ».

Dernier stade de l’adaptation historique de l’idéologie marxiste-léniniste, elle fut successivement revisitée par la pensée maoïste du communisme dans les zones rurales, la théorie de Deng Xiaoping d’ouverture économique et de l’enrichissement politiquement contrôlés et celle des « Trois représentativités – 三个 代表 - » de Jiang Zemin incorporant les entrepreneurs capitalistes au sein du parti, dont un des effets pervers fut le développement par « capillarité » et presque sans limite de la corruption générée par l’imbrication étroite des sphères économiques et politiques.

*

Le premier jour du Congrès, lors d’une séance de travail, se coulant dans la musique laudative ambiante, Zhang Dejiang, président de l’Assemblée Nationale, n°3 du régime a considéré que la « pensée du « socialisme aux caractéristiques chinoises » était le point clé du Congrès et une contribution historique au progrès du parti communiste chinois ».

Le 20 octobre, un éditorial du Global Times intitulé « Les erreurs de la conception occidentale de la Chine » critiquait les médias occidentaux, accusés de simplisme réducteur quand ils stigmatisent « l’absence de transparence » et prévoient « l’échec » du régime. Enfonçant ce clou devenu un leitmotiv, il insistait sur le contraste entre les modèles chinois et occidentaux.

Les « valeurs universelles » irrecevables en Chine.

Argumentant sur la difficulté de définir des critères de gouvernance standard applicables à toutes les cultures, l’article s’insurge contre l’idée véhiculée par les médias occidentaux selon laquelle le meilleur développement de la Chine serait forcément celui qui se rapprocherait le plus des modèles occidentaux, tandis que ceux qui s’en écartent sont systématiquement stigmatisés.

Au point que les seules références recevables seraient celles, très univoques, ayant la vertu de promouvoir et de protéger les intérêts occidentaux.

Continuant dans sa critique de l’approche biaisée des journalistes occidentaux, l’article ajoute que, selon eux, la Chine est certes autorisée à exprimer ses intérêts, mais il lui est défendu qu’ils occupent une position prévalente, sous peine d’être accusés de perturber l’ordre mondial existant.

Enfin, dit l’auteur, l’interdit le plus lourd pèse sur la remise en cause de ce que les Occidentaux appellent « les valeurs universelles ». Ces dernières ne sont en réalité qu’un système construit autour de critères acceptés par les sociétés occidentales directement en phase avec la promotion de leurs intérêts. Au point que les rivalités entre les systèmes de valeur sont, en Occident, considérés comme une agression. A mesure que ces frictions se multiplient le fossé se creuse entre la Chine et l’Occident.

D’une manière générale, estime l’éditorial, on peut comprendre qu’en Occident les opinions à l’égard de la Chine soient partagées puisque nombre de médias « ne se sont pas encore habitués à la montée en puissance de la Chine ». « Exprimant une vision paranoïaque de la situation, ils continuent à croire qu’en Occident tout est juste et que la Chine est toujours dans l’erreur. ». Mais, ajoute t-il, « le chaos et les divisions à l’Ouest font que l’ère de la prévalence médiatique occidentale touche à sa fin. »

Confortée par sa croissance économique accélérée et un développement ininterrompu, la Chine moderne, plus confiante et plus sûre d’elle-même, a acquis la conviction que la voie chinoise avec ses caractéristiques éloignées de l’Occident la conduira sans coup férir au succès. Dans la société, conclut l’auteur, il existe un consensus pour que la Chine n’imite pas les modèles de l’Ouest et suive sont propre chemin.

Note(s) :

[1Cette année, les 2287 délégués se répartissent de la manière suivante : représentant les ethnies : 11,5% ; travailleurs 8,7% ; femmes 24,2% ; plus de 55 ans 29,4% ; moins de 55 ans 70,6% ; militants de base 33,8% ; cadres 66,2% ; éducation niveau lycée et au-dessus : 94,2% (dont 43% ayant un niveau universitaire.

 

 

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