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›› Chronique

A Hong Kong, la Chine fait face aux contradictions du schéma « Un pays deux systèmes »

« Un pays deux systèmes », malentendus et non dits.

Le graphe montre la hausse régulière (en rouge) du nombre de Hongkongais ayant perdu la confiance dans le schéma politique « Un pays deux systèmes » et à l’inverse l’érosion (en bleu) du nombre de ses partisans. La bascule majoritaire ayant eu lieu entre 2013 et 2014.

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Le montage « Un pays deux systèmes » dont, à l’époque, tout le monde avait loué la sagesse et le réalisme empirique, accordait une large autonomie aux deux anciennes colonies de Hong Kong et Macao – à l’exception de la politique étrangère et de la défense placées sous la coupe de Pékin – les autorisant à continuer à vivre sous le système capitaliste et politiquement régis par la « common law » à Hong-Kong et le code civil portugais à Macao.

Durant ce demi-siècle, l’ancienne colonie devenue Région Administrative Spéciale, n’ayant cependant jamais connu le plus petit soupçon de démocratie sous la règle britannique, serait régie par les termes d’une mini-constitution dite « Basic Law » ou « Loi Fondamentale » reconnue par la constitution chinoise et établie après la déclaration sino-britannique du 19 décembre 1984.

Dans ce cadre d’une grande souplesse, les deux R.A.S de Hong Kong et Macao devaient jouir d’un haut degré d’autonomie garantissant la séparation démocratique des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire – ce dernier ayant le statut d’une juridiction en dernier ressort, protégeant le territoire d’une ingérence de la justice chinoise -.

Plus encore, en complète opposition avec le régime en vigueur en Chine, la mini-constitution garantit par son article 39, les droits fondamentaux de la convention internationale sur les droits civiques et politiques adoptée par les Nations Unies le 16 décembre 1966 et entrée en vigueur en 1976.

Ratifiée par 74 pays (la Chine l’a signée mais ne l’a toujours pas ratifiée), la convention reconnaît le droit à la vie, la liberté de religion, d’expression et de réunion, à quoi s’ajoutent le droit électoral et le droit de tous à une justice équitable, sans ingérence politique.

L’espace de liberté de la R.A.S n’est cependant pas total puisqu’en vertu de son article 158, la Loi Fondamentale stipule que le Comité Permanent de l’ANP dispose du pouvoir d’interprétation finale en cas de litige, tandis que l’appartenance complète à la Chine des deux territoires différée jusqu’en 2047 et 2049 ne peut pas être remise en question.

Sous le pragmatisme de la méthode et du système couvent cependant de puissants malentendus, tandis que réapparaissent à Hong Kong quelques unes des inquiétudes existentielles ayant précédé la rétrocession de 1997. Dans l’esprit des plus optimistes ou, selon certains, des plus naïfs, le délai de 50 ans devait permettre à la Chine d’assouplir son système pour lui permettre d’accueillir sans heurts une population rompue aux libertés politiques.

Or, depuis 2012 [2], nourrie par quelques embardées du système chinois inquiet des effets de la liberté d’expression et de la quête pour un suffrage universel sans contrainte, c’est l’impression inverse qui domine. Les pessimistes de plus en en plus nombreux chez les jeunes estiment que le trajectoire du Parti vise non pas à améliorer la démocratie et les libertés en Chine, mais au contraire à éroder celles de la R.A.S, opérant ainsi un nivellement exactement inverse à celui qu’ils espéraient.

Du coup, redoutant la perspective d’un retour dans le giron chinois synonyme de régression politique, un mouvement séparatiste est né, essentiellement composé de jeunes gens à qui le schéma « un pays deux systèmes » apparaît comme un arrangement dépassé. Prenant le Parti par surprise, cette mouvance s’est exprimée aux législatives du 5 septembre.

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L’apparition depuis 2014 d’une trajectoire politique de rupture radicalement dissidente, qui plus est entérinée par une élection démocratique, crée à Pékin un dilemme politique de première grandeur. Son acuité est d’autant plus vive pour le régime que le réflexe répressif et de mise aux normes est de nature à renforcer l’esprit de dissidence.

Ce dernier s’était déjà manifesté en 2003, lors de la loi sur la sécurité et le projet d’amendement constitutionnel de l’article 23 que le politburo avait été contraint de retirer.

Depuis 2012, une partie de la population de la R.A.S, majoritairement la plus jeune, ne cesse de se dresser contre les tentatives de rabotage de la liberté d’expression y compris par des intrusions policières chinoises ou l’utilisation des mafias engagées pour intimider des journalistes et les éditeurs. La mouvance d’opposition s’est également dressée contre la conception tronquée de la liberté électorale réfutant toute candidature dont l’arrière-plan est notoirement hostile au Continent.

Compte tenu de l’importance stratégique, économique, historique et psychologique de Hong Kong, dont les secousses se diffusent jusqu’à Taïwan, nimbées d’un arrière plan très nationaliste dont la sensibilité ne peut être sous estimée, il est très peu probable que le politburo restera sans réagir à la menace posée par le mouvement « localiste ».

A cet effet Pékin tirera profit non seulement des appuis de la communauté d’affaires et des segments de la population plus âgée craignant les désordres, mais également de l’existence, au sein même de la mouvance démocrate, d’une profonde méfiance à l’égard des témérités de la jeunesse que beaucoup considèrent comme une dangereuse utopie.

Il reste que si le Politburo refuse de prendre en compte le potentiel d’embrasement d’un mouvement dont les revendications sont aussi clairement sociales, écologiques et culturelles, il risque un accident.

*

Lire aussi :
- Hong Kong : Pékin se cabre
- Hong Kong : un suffrage universel aux « caractéristiques chinoises. »
- Hong Kong. Pas de compromis. Risques de violences
- Zhang Dejiang dans l’arène de la R.A.S de Hong-Kong
- Hong – Kong sous influence

Note(s) :

[2La crise de 2014 n’est pas la première qui frappe le territoire. Une tentative de Pékin pour limiter la liberté d’expression en contradiction avec les accords de 1997 avait déjà eu lieu en 2003. Une proposition de Loi rédigée dans les mêmes termes que celles du Continent et destinée à réduire la liberté d’expression pour des raisons de sécurité avait provoqué une manifestation de 500 000 personnes qui à l’époque avait poussé Pékin à faire marche arrière.


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