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A Taïwan, le programme de construction de sous-marins face à la houle

Défis extérieurs

Le programme IDS a été accueilli aux États-Unis avec enthousiasme. C’est pour les américains le signe que les Taïwanais ont pris conscience des formidables défis posés à leur propre sécurité.

D’après Mark Stokes, directeur exécutif du centre de recherche Project 2049 Institute, « L’établissement par le CSBC d’un centre de développement de sous-marins est un signe positif (…) montrant que l’industrie de défense taïwanaise prend le programme IDS au sérieux ». Le message que Taipei adresse aux États-Unis tombe à pic considérant l’accent porté par l’administration Trump sur le souhait de voir ses alliés asiatiques partager le fardeau financier et politique de leur défense.

A Taïwan plus qu’ailleurs, toute légèreté sur les questions de défense est de nature à remettre en question le soutien américain. Afin de répondre à ces inquiétudes, la présidente Tsai Ing-wen s’est saisie de l’affaire et a fait de l’augmentation du budget de la défense à 3% du PIB une priorité, mais l’on attend encore les effets concrets de cette volonté politique affichée.

Taïwan a contacté d’autres pays constructeurs de sous-marins comme la France, le Japon et l’Allemagne. En avril 2015, l’ancien Chet d’état-major de marine Taiwanaise, le vice-amiral Hsiao Wei-min déclarait que plus de vingt entreprises européennes et américaines avaient montré leur intérêt à travailler avec Taïwan sur son chantier de construction de sous-marins domestiques.

Cependant, la Chine sait pertinemment qu’autoriser d’autres pays à aider Taïwan sur son programme IDS est de nature à mettre en péril sa supériorité navale. Pour le moment, Pékin a réussi par pressions politiques et économiques à bloquer certains transferts de technologie. Cette contingence est bien connue des Taïwanais, le ministre de la défense parlant de « pressions extérieures » (i.e., la Chine) pour caractériser le plus grand défi du projet.

Défis intérieurs

A Taïwan, le programme IDS bénéficie d’un large consensus politique et le DPP s’est montré proactif sur la question. Mais il manque à l’Île le savoir-faire technique pour construire les sous-marins alors même que la complexité d’un tel chantier risque d’entraîner des débats liés à de très prévisibles surcoûts [4].

D’après Liao Yen-fan, analyste pour le centre de recherche taïwanais Team T5, il manque très probablement à Taïwan des éléments critiques à la construction de sous-marins, à savoir des tubes lance-torpilles, des périscopes et la technologie de propulsion anaérobie permettant aux sous-marins de se mouvoir silencieusement en plongée.

Aussi, Taïwan devra maintenir son effort de production de sous-marins durablement et se montrer capable d’améliorer continuellement la qualité de ses unités afin de rester compétitif contre la marine chinoise.
Dans le cadre d’un conflit militaire, Taïwan sera obligée d’adapter ses tactiques afin d’éviter que ses sous-marins ne soient coulés durant les premiers jours d’hostilité, ou pire, de les voir bloqués et détruits à quai à cause d’un minage intensif des eaux avoisinantes par les Chinois.

On voit bien ici l’ampleur des sacrifices financiers et techniques nécessaires au développement de la force de dissuasion sous-marine taïwanaise.
Enfin, Tsai Ing-wen et son administration ont d’autres préoccupations tout aussi urgentes sur le front de la politique de défense, parmi lesquelles la transformation d’une armée de conscription en une armée professionnelle et le manque de popularité de l’armée auprès du public malgré son rôle essentiel dans la défense de la souveraineté de l’île.

Conclusion

Développer des sous-marins à Taïwan découle d’une excellente idée. En théorie, il s’agit précisément de l’arme dont l’Île a besoin pour sécuriser son espace maritime. Mais en pratique, aucune nation n’est prête à aider Taïwan à acquérir ne serait-ce que le savoir-faire indispensable à la construction de ses navires.

Par conséquent, stratèges et décideurs politiques à Taipei vont devoir faire preuve d’une grande détermination pour poursuivre un programme d’armement susceptible de devenir de plus en plus cher et impopulaire auprès des contribuables taïwanais.

Mais ces coûts sont ultimement nécessaires à l’établissement d’une indispensable et crédible force de dissuasion navale au moment même où la marine chinoise accélère la modernisation de son arsenal. C’est que la Chine n’a jamais abandonné le projet d’user de la force et voit d’un très mauvais œil la désinvolture taïwanaise, résumée par la volonté renouvelée du peuple insulaire de préférer émancipation à unification.

Il est regrettable que les Taïwanais doivent dépenser une telle somme d’argent public et d’énergie dans l’armement, mais une chose est sûre, la faiblesse n’est pas une option lorsqu’on veut rester libre.

不入虎穴焉得虎子 Bù rù hǔxué yān de hǔ zi - La fortune sourit aux audacieux.

Cet article est une adaptation de la version originale publiée dans le magazine en ligne Taiwan Sentinel. Il a été traduit de l’anglais par son auteur, qui remercie chaleureusement Didier Lesaffre pour sa relecture sérieuse et méthodique.

Note(s) :

[4Le budget alloué de décembre 2016 à 2020 est déjà de 94 millions de dollars US.


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