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›› Politique intérieure

Au Xinjiang, Chen, le très efficace nouveau secrétaire général mêle répression et action sociale directe

Après une longue période de silence, le parti vient de communiquer à nouveau sur la situation de sécurité dans la région de Hotan au Xinjiang, très majoritairement peuplée de Ouïghour. Selon le site du gouvernement de la province, le 25 décembre, une voiture conduite par des terroristes a foncé dans la cour du bâtiment du parti du district de Karakax. En réagissant, la police a tué les trois agresseurs qui brandissaient des couteaux après avoir fait exploser un engin de fortune.

Au cours de l’attaque, un fonctionnaire du parti et un agent de sécurité ont également été tués.

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L’événement est l’occasion de jeter un éclairage sur la méthode du tout nouveau secrétaire général de la province du Xinjiang, Chen Quanguo, venu du Tibet où sa stratégie mêlant contrôle de police et aide sociale directe par des circuits courts a été très appréciée par Pékin.

Notamment parce qu’elle a conduit à réduire considérablement le nombre des immolations de moines par le feu (120 victimes entre 2009 et 2013 - 101 hommes, dont 23 étaient âgés de moins de 18 ans et 19 femmes -), dont on se souvient qu’elles avaient provoqué de forts questionnements internes au Parti sur les choix tactiques entre répression et ouverture, pour le contrôle de la province.

Lire aussi Tibet. Recadrage et controverses internes

Mais, puisque le fond des controverses qui opposent les provinces allogènes à Pékin est plus culturel que politique, la question est de savoir si les succès tactiques obtenus par Chen au Tibet par ses méthodes directes mêlant intimement les alertes sociales à un très étroit resserrement sécuritaire, seront durables.

Le Xinjiang et les contagions terroristes d’Asie Centrale.

L’agression de Karakax contre le parti a eu lieu 4 mois après l’attaque suicide manquée contre l’ambassade de Chine au Kyrgyzstan, alors que la Turquie relie les récents attentats contre l’aéroport d’Ankara et la boîte de nuit d’Istanbul à la mouvance musulmane turcophone d’Asie Centrale étroitement surveillée par les services de sécurité chinois.

Rappelons cependant que la plupart des commentaires occidentaux, notamment américains, expliquent que les racines de l’attentat plongent moins dans l’action de la mouvance islamiste radicale internationale que dans la brutalité de la répression chinoise Han et dans l’amplitude de ce que les Ouïghour considèrent comme une colonisation étouffant leur culture,
Lire aussi : Xinjiang, le régime s’inquiète de la nouvelle empreinte globale de l’ETIM.

L’attaque du 25 décembre s’est également produite tout juste 3 mois après l’affectation à la tête du Xinjiang de l’ancien n°1 du parti au Tibet Chen Quanguo, 61 ans, un économiste originaire du Henan ayant la réputation d’un fervent partisan du contrôle répressif.

La méthode Chen Quanguo.

Quadrillage répressif et adoucissant social.

Dès son arrivée, Chen a mis en œuvre une stratégie stricte d’encadrement des populations Han et Ouïghour, en instituant une étroite supervision des sorties de la province par un contrôle des passeports détenus par la police.

En même temps, il a instauré un « pré-quadrillage » des zones urbaines, surveillées jour et nuit par des patrouilles de police et des caméras, le tout appuyé par un réseau de postes de premier secours équipés de services d’urgence sociaux, y compris des trousses de premiers secours, chaises roulantes, brancards, aides médicaux et même des prises pour recharger les téléphones portables. Sur ordre, ces points d’appui peuvent se transformer en postes de contrôle de sécurité anti-terroriste partie d’un réseau de quadrillage des rues capable de bloquer tout mouvement urbain en un clin d’oeil.

Alors que la police a lancé une vaste campagne de recrutement de centaines d’auxiliaires, dans la seule ville d’Urumqi où Chen Quanguo est bien décidé à éviter que ne se reproduisent les émeutes des Ouïghour contre les Han de 2009, près de 1000 postes de ce type sont en cours d’installation.

Simultanément, le nouveau n°1 du Parti a commencé, comme il l’avait fait au Tibet, à mettre en œuvre dans les régions à majorité ouïghour comme Kashgar et Hotan, un réseau de renseignements recruté au sein même des familles, capable de détecter à la fois les dérives islamistes radicales et la misère des situations sociales pour en informer directement les autorités.

Quelle efficacité à terme ?

Quel que soit l’angle de vue, la méthode, critiquable sous l’angle du droit, est adaptée à une situation que Chen veut empêcher de dégénérer. Elle est à la fois innovante et efficace.

En mêlant intimement le contrôle serré sur le vif du déclassement social au quadrillage sécuritaire qui piétine les principes des libertés individuelles, il désarme les critiques qui accusent le pouvoir chinois de privilégier le « tout répressif ». Surtout, l’empreinte sociale qu’il affiche contribue à adoucir l’ampleur très invasive des contrôles d’une méthode dont, cependant, on voit bien qu’elle cherche une efficacité politique rapide.

Sur ce plan, Chen a atteint son but puisqu’après son passage au Tibet, il est déjà considéré comme une des étoiles politiques montante du 19e Congrès (novembre 2017), alors que son prédécesseur Zhang Chunxian était critiqué pour avoir été trop laxiste. Il reste que l’épine dorsale de la méthode étant tout de même une plongée de l’appareil sécuritaire du Parti au sein même de la vie privée des familles ouïgour, il est permis de douter qu’à terme elle ne provoque pas de réaction adverse.

Nombre de sociologues chinois et étrangers soulignent en effet que le terreau dont se nourrit le terrorisme au Xinjiang devenu une cible, il est vrai pour l’instant périphérique, des islamistes radicaux, est aussi le profond désespoir d’une culture saisie par la crainte d’être avalée par la déferlante Han.

Pour autant, une appréciation définitive de la stratégie de Chen est prématurée. Pragmatique et articulée autour d’une large panoplie de leviers qui vont de la délation rétribuée à l’aide sociale directe, en passant par des avantages accordés aux études des enfants de familles coopérant avec la police, sur fond d’une politique sociale de la province dont le nouveau secrétaire explique qu’elle vise à éliminer la pauvreté d’ici 2020, la méthode pourrait avoir un impact sur la catégorie des familles ouïghour moins politisées, effrayées ou peu séduites par le radicalisme et dont l’ambition est de progresser socialement par le truchement de la réussite scolaire de leurs enfants.


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