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›› Société

Avis de tempête sociale, dommage collatéral des réformes

Tensions sociales, dérapages et reprise en main.

Le 16 mars le tribunal de Langzhong au Sichuan et la police ont fait parader 8 ouvriers coupables d’avoir violemment manifesté en août 2015 pour le paiement de leurs arriérés de salaires. L’initiative qui rappelait les humiliations publiques infligées aux déviants lors de la révolution culturelle a mal été appréciée par l’opinion et les intellectuels.

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Le 16 mars dernier, à Langzhong dans le Sichuan, 8 ouvriers du bâtiment ont, au nom du tribunal local, été exhibés devant une petite foule de quelques centaines de personnes pour avoir, en août 2015, violemment manifesté contre leur patron qui n’avait pas payé leurs salaires. Tête baissée dans une attitude de contrition, ils écoutèrent la sentence de 6 à 8 mois de prison pour avoir « entravé le fonctionnement normal des affaires ».

Les humiliations inspirées de la révolution culturelle mises en scène au cours d’exhibitions publiques avaient déjà été utilisées par le passé, mais chaque fois il s’agissait de criminels. Langzhong a inauguré une première judiciaire en faisant parader des manifestants réclamant leurs salaires impayés. Sur place, la foule qui ne s’y est pas trompée, a manifesté sa colère, tandis que des intellectuels exprimèrent leur désapprobation sur internet, mettant en garde contre « les affronts faits aux sentiments populaires. »

En même temps, début mars, à Shuangyashan, à 350 km au nord-est de Harbin, des centaines de mineurs du groupe d’État Longmay Mining – 黑龙江 龙媒 矿业 控股 集团 有限 公司 -le plus gros groupe charbonier du Heilongjiang, engagé un plan de déflation de 100 000 ouvriers [3], organisaient une manifestation à forte connotation politique, où ils dénoncèrent la responsabilité de Lu Hao, gouverneur de la province également dans une affaire de salaires impayés.

Le 19 mars, alors qu’aucun média national n’avait rendu compte des protestations, Lu Hao a, sous la pression et en pleine session de l’ANP, été contraint d’admettre qu’il avait gravement sous estimé la situation quand, quelques mois plutôt, édulcorant les problèmes, il avait présenté les plans sociaux de la province comme un exemple apaisé des réformes.

Puis, cédant à un réflexe d’irresponsabilité bureaucratique, il a publiquement blamé ses subordonnés. Quant au groupe lui-même, mettant une fois de plus le président en première ligne, il s’est abrité derrière les directives de réformes venant du bureau politique et du Secrétaire Général : « les employés du groupe Longmei étudient à fond l’esprit des discours de Xi Jinping : - 龙媒 广大员工 深入 学习 习近平 书记 讲话 精神 - » [4]

Menaces contre les cadres locaux.

Enfin, dernière évolution qui mérite attention, le 23 mars, une note solennelle conjointe du Comité Central et du Conseil des Affaires d’État rendue publique en pleine session de l’ANP faisait allusion à des sanctions appliquées à ceux des cadres locaux qui se montreraient incapables de gérer les troubles de l’ordre public. La note exprimait à la fois un déficit de confiance à l’égard des autorités provinciales et la détermination du pouvoir de ne pas se laisser déborder par les mouvements sociaux parfois provoqués par les fausses manœuvres des cadres de contact, dont l’affaire de Shuangyashan a fourni un exemple extrême.

Le but de la note explicité dans l’article 1 et destiné à tous les échelons du Parti, législatifs, judiciaires, administratifs et cadres industriels, est de promouvoir le sens de la responsabilité des dirigeants dans la gestion « compréhensive » (ndlr : lire « en tenant compte de tous les facteurs économiques, sociaux et politiques ») de la stabilité sociale et la garantie de la permanence de l’État. Le texte comportant 6 chapitres et 31 articles, où les expressions « stabilité sociale » et « responsabilité des cadres » reviennent très souvent avec quelque allusions à la sécurité nationale, est clairement destiné à corriger les dérapages cités plus haut.

Si le chapitre IV prévoit des récompenses décernées à ceux des cadres qui se distingueraient pour leur bonne gestion des tensions sociales, les chapitres V et VI définissent les responsabilités et laisse planer la possibilité de sanctions après enquête de commissions ad-hoc. Seront particulièrement sur la sellette, les régions qui n’auraient pas attaché assez d’importance à la stabilité sociale, celles où le travail politique à l’attention de la base serait insuffisant, celles où se produiraient « dans une période de temps relativement courte » de sérieuses violations de l’ordre public, des crimes ou des accidents de sécurité.

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Tout indique que, face aux vastes défis socio-économiques conséquences de l’obligation de réformer l’ancien schéma de développement essoufflé, le pouvoir fait feu de tous bois pour à la fois forcer les vieilles structures industrielles à se moderniser, sanctionner ceux des cadres qui se mettent en travers des réformes ou provoquent des troubles sociaux par leurs insuffisances, tandis que dans le même temps, il cherche à adoucir les effets sociaux collatéraux des réajustements, tout en veillant à contrôler sévèrement les contestations.

Sous la pression de Pékin, les responsables locaux, toujours jugés à l’aune de la stabilité sociale, priorité ultime du régime, peuvent, à l’occasion, se laisser aller à des dérapages dont les conséquences fragilisent gravement les relations du pouvoir avec sa base. Enfin, à l’étage supérieur plane l’obsession politique de protéger la prééminence du Parti dans le contexte général de la globalisation où ses marges de manœuvre financières, politiques et idéologiques se contractent.

Un des meilleurs indicateurs des inquiétudes du pouvoir est la somme des crédits consacrés à la sécurité intérieure (25,6 Mds de $ en hausse de 5,5%) à laquelle il faut ajouter les budgets mal connus de sécurité des provinces, dont la somme place, selon des observateurs proches du pouvoir chinois, l’ensemble des ressources dédiées au contrôle policier à hauteur du budget de la défense évalué à 133 Mds de $ pour 2016.

Note(s) :

[3Le plan social de Longmay dévoilé en septembre envisage de licencier 40% des effectifs dans les 42 mines du groupe.

[4Le nord-est n’est pas la seule province en proie aux tensions sociales. Dans la région de la rivière des perles proche de Canton des groupes d’industrie lourde et des usines de l’atelier du monde souffrent également. Pendant tout le mois de janvier presque tous les 1300 employés d’une usine de chaussures de la région de Canton se sont mis en grève. En février, des centaines d’ouvriers de l’aciérie de Angang Lianzhong regroupés et mobilisés grâce à « Wechat » ont également cessé le travail pour protester contre les intentions de la direction de réduire les salaires de 50% et de prolonger la durée journalière du travail jusqu’à 12 heures. La police a brisé la grève, mais la direction a reculé, reportant à plus tard la baisse des salaires.

Si on comptabilise le nombre de grèves en 2015, les régions les plus touchées sont celles de Canton (418), du nord-est Liaoning, Jilin, Heilongjiang (270), du Shandong (234) du Henan (219), du Hebei (196) du Jiangsu (181), du Sichuan (145) et de l’Anhui (116).


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