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›› Editorial

BO Xilai. Coup de grâce, batailles politiques et chausses trappes

L’esprit de Deng Xiaoping s’éloigne. L’empreinte des vétérans ne s’efface pas.

La crise politique qui est probablement très loin d’être dénouée, favorisée par les inquiétudes d’une croissance devenue soudain plus fragile, renvoie directement au fonctionnement interne et opaque du Parti, à sa cohérence aujourd’hui menacée par la disparition progressive de l’ombre portée de Deng Xiaoping, dont la vertu consensuelle s’était exercée même après sa mort, par le choix de Hu Jintao à la succession de Jiang Zemin.

La valeur d’apaisement post-mortem du vieux spadassin marxiste, converti à un très solide pragmatisme économique, avait déjà connu un raté en 2007, quand, Li Keqiang, le candidat désigné à la succession suprême par la mouvance Hu Jintao, avait dû céder la place à Xi Jinping. La promotion fulgurante de ce dernier, qui avait pris de court beaucoup d’observateurs, fut sans doute le produit de l’intervention pesante des grands anciens, qui, dans le système institutionnel chinois encore mal stabilisé, continuent d’exercer leur influence occulte, dans un jeu d’incessantes intrigues.

S’il est vrai que la dernière phrase de la dépêche de Xinhua signant la mort politique de Bo Xilai tente un consensus mémoriel en appelant les mânes de Deng Xiaoping, évoquant « la grande bannière du socialisme aux caractéristiques chinoises » -, avant de se référer aux « Trois Représentativités » de Jiang Zemin puis au « développement scientifique de Hu Jintao », la réalité des manœuvres qui se jouent dans l’ombre est peut-être moins suave.

Douze des anciens membres du Comité Permanent sont encore en vie et certains d’entre eux ne se privent pas de participer au jeu de quilles du pouvoir, dans la lutte entre ce qu’il faut bien encore une fois appeler les « conservateurs » et les « réformateurs », même si cette simplification ne rend pas compte de la complexité des querelles d’intérêts entre les clans, où les lignes ne sont jamais bien nettes.

Plusieurs vétérans du pouvoir suprême ont récemment livré leurs convictions politiques et idéologiques, dans des ouvrages publiés à Pékin. L’éventail est large. Il va de Li Lanqing, le réformateur, à Li Peng, l’adepte impitoyable de la répression politique, en passant par Li Ruihuan, ancien Président de la Commission Consultative du Peuple Chinois, le mentor pragmatique de Wen Jiabao, écarté du pouvoir en 2003, précisément par Jiang Zemin.

Dans la liste des anciens qui s’expriment aujourd’hui brisant l’opacité rigide du régime, on compte aussi Zhu Rongji, l’ancien premier ministre au verbe haut et aux réflexions abruptes et cinglantes. Connu pour ces attaques contre les dérapages des bureaucraties locales, les risques d’emballement de l’économie et les effets néfastes de la spéculation immobilière, il a rassemblé ces critiques, qui sonnent comme une mise en garde, dans un livre en plusieurs tomes, publié en 2011.

Mais l’incursion dans le jeu du pouvoir la plus révélatrice et la mieux connectée avec les actuelles effervescences autour de la famille Bo, est probablement celle de Qiao Shi, réformateur et ancien n°2 du régime, éliminé en 1997 du comité permanent par Jiang Zemin avec l’aide du père de Bo Xilai, sous prétexte de limite d’âge, d’abord fixée à 70 ans, alors que Jiang lui-même était âgé de 71 ans et resta au pouvoir encore 5 années supplémentaires.

La querelle entre les deux hommes est significative de leur conception radicalement opposée du pouvoir. Elle touche même à une des périodes les plus sensibles de l’histoire de la Chine, liée à la répression contre le mouvement Falun Gong, où Jiang Zemin à Pékin et Bo Xilai, alors à Dalian, faisaient cause commune. Le harcèlement contre le mouvement fut même l’occasion des dérapages les plus terribles et les plus inavouables commis par Bo Xilai.

Alors que Jiang et Bo Xilai avaient identifié dans le développement du Falun Gong une menace contre le Parti et contre eux-mêmes, Qiao Shi, poussé à la retraite en 1997, mais toujours influent et respecté, avait mené sa propre enquête, dont il avait conclu que « le mouvement procurait des centaines de bienfaits pour le peuple et à la nation chinoise et ne faisait pas le moindre mal » (David Palmer, « La Tentation du politique », article publié dans le numéro de Critique Internationale d’avril 2001, fichier pdf) .

Ce télescopage historique entre d’une part la rivalité Jiang Zemin – Qiao Shi et d’autre part la connivence de Jiang avec la famille Bo, à quoi s’ajoute la répression impitoyable déclenchée par Bo Xilai à Dalian et dans le Liaoning, expliquent largement pourquoi les mises en accusation du Parti contre Bo Xilai incluent également les périodes où il était en poste dans le Nord-est de la Chine. C’est en effet à cette époque où, couvert par Jiang Zemin, il s’était très largement affranchi des contraintes de la loi.

Qiao Shi, en revanche, qui a publié le 20 juin 2012 un recueil de ses discours et écrits de la période 1985 - 1998, rompant un silence de 15 ans, a toujours affirmé ses convictions légalistes en faveur de l’état de droit et de l’indépendance de la justice, précisant « qu’une des causes du déclenchement et de la durée de la révolution culturelle est que nous n’avons pas assez accordé attention à la mise sur pied d’un appareil juridique indépendant et à la construction de la démocratie ». Enfin, alors que Jiang plaidait pour la clémence en faveur de Bo Xilai, il est de ceux qui prônaient une peine exemplaire.


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