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Chine - Corée du Nord – Etats-Unis. Sous la surface quelques glissements tectoniques

Après le lancement du Hwasong 15 par Pyongyang le 29 novembre dernier, dont il faut tout de suite préciser que la phase de rentrée a échoué, rien de changé en apparence. En y regardant de plus près, il est cependant possible de déceler d’intéressantes évolutions des attitudes à Pékin et Washington. Même si la route d’une véritable planification commune et coordonnée est encore longue, pour la première fois Pékin a accepté de laisser son appareil militaire discuter avec le Pentagone d’une éventuelle coordination de crise.

En apparence rien de nouveau.

Le petit dictateur nucléaire, 3e héritier communiste de la famille Kim tenant toute la région en otage se vante des performances de son missile, capable, dit le régime, de frapper « toute la côte Est des États-Unis » et la communauté internationale se dit « préoccupée » ;

Washington se crispe et appelle à plus de fermeté lors d’une nième réunion d’urgence du Conseil de sécurité où l’ambassadeur Nikki Haley a ciblé la Chine qui, dit-elle, « a jusqu’à présent été réticente à franchir le pas décisif d’un embargo sur ses livraisons de pétrole » ;

Sans changement encore, Pékin temporise, propose avec Moscou un double moratoire (arrêt des manœuvres américaines et coréennes en même temps que mise en sommeil des programmes balistiques et nucléaires) solution que Washington rejette. En même temps la Chine s’offusque par la voix placide de son porte parole lors d’un point de presse quotidien du Waijiaobu rappelant – ce qui, selon le point de vue d’où l’on parle, n’est ni tout à fait exact, ni complètement faux [1] – que « la Chine mettrait “pleinement“ en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité et qu’elle assumerait “complètement“ ses responsabilités internationales ».

En réalité, alors que le Conseil n’a pas voté de nouvelles sanctions, la Chine et la Russie les considèrent selon un angle différent de Washington et ses alliés, notamment le Japon. Pour Moscou et Pékin, elles sont assorties de la condition de préserver « la stabilité » et d’éviter un effondrement du régime. Pour Washington et Tokyo, cette exigence, sans être totalement absente, est accessoire. L’essentiel est que les sanctions « fassent mal – “biting“ – », seul moyen, selon eux, de convaincre Kim Jong-un de négocier.

Même John Kerry, opposant féroce aux stratégies de Trump et habituellement conciliant avec Pékin, concède que les pressions chinoises sont insuffisantes. Le 6 novembre, intervenant à Chatham House à Londres, il indiquait que, contrairement aux affirmations chinoises, Pékin avait encore de nombreux moyens à sa disposition pour peser sur Pyongyang.

Affirmant que la Corée du nord était encore « loin de l’implosion », il rappelait que « 100% du carburant, des voitures, camions et avions nord-coréens et 100% des facilités bancaires dont bénéficie le « régime ermite », viennent toujours de Pékin.

En arrière plan, les musiques diffusées par les « tweet » et les déclarations officielles de Donald Trump entretiennent toujours la même ambiguïté contradictoire sur fond de menaces et d’injonctions comminatoires contredisant ses appels à la négociation. Ce qui permet à Kim Jong-un qui classe lui-même son pays au rang des puissances nucléaires, de répéter que Donald Trump « cherchait » à déclencher une guerre atomique.

Le 7 novembre, à Séoul, le président américain faisait à Pyongyang une ouverture de dialogue en lui fixant cependant l’impossible préalable d’abandonner d’abord son programme nucléaire, ce qui revient à demander à Kim Jong-un de se conformer aux résultats d’une négociation qui n’a pas encore eu lieu.

Le 20 novembre, Washington replaçait Pyongyang sur sa liste des États « sponsors » du terrorisme - « on aurait du le faire depuis longtemps » dit un des 2500 « tweet » du président depuis son investiture -.

Il reste que toutes ces réalités, somme toutes prévisibles, cachent peut-être d’autres évolutions sous la surface.

Sous la surface.

Il se pourrait bien en effet que la seule observation du visible ne livre qu’une image tronquée de la réalité.

Alors que le porte-parole du Waijiaobu proteste de sa bonne foi et que les chercheurs chinois de l’Académie des Sciences Sociales, désormais complètement alignés sur la pensée officielle, répètent les arguments de Pékin sur les risques humanitaires à la frontière nord-coréenne, considérant que la requête de Nikki Haley à l’ONU de réduire encore les exportations chinoises de pétrole était « irresponsable », un événement inhabituel s’est produit à Washington quelques heures seulement après le dernier test missile de Pyongyang.

Le 30 novembre, lors d’une rencontre officielle planifiée depuis août dernier, normalement réduite à un exercice diplomatique calibré par l’immuable discours officiel de Pékin sur l’inefficacité des sanctions et l’importance du dialogue, l’appareil militaire chinois a, pour la première fois, accepté d’aller, avec ses collègues américains, au cœur du sujet de la « gestion de crise ».

Il est vrai que le Colonel porte-parole de l’APL n’a pas encombré sa déclaration de « détails », mais le fait est que le régime chinois commence à ressentir la pression exercée par l’hypothèse inquiétante d’un conflit sur la péninsule.

C’est en tous cas ce que dit Jia Qingguo, doyen des études internationales à Beida. Constatant sans détour que le risque d’une frappe militaire américaine augmente, il affirme aussi qu’une meilleure coordination entre les appareils militaires américains et chinois est devenue nécessaire.

S’il est vrai que le 29 novembre Xi Jinping a, par téléphone, rappelé à Trump sa préférence pour une solution négociée, il n’en est pas moins exact que la menace d’un conflit que la Maison Blanche fait peser depuis des mois oblige Pékin à remettre en cause son ancienne résistance à considérer avec le Pentagone une planification conjointe destinée à réagir de manière coordonnée à une crise grave sur la péninsule.

Une première indication d’une possible évolution des modes de pensée chinois sur la question avait peut-être eu lieu quand le Général Dunford, président du Comité des chefs d’état-major américains en visite en Chine en août dernier, avait été convié, de manière inhabituelle, à assister à un exercice militaire de l’APL dans la province du Liaoning, une des deux provinces avec celle du Jilin ayant une frontière commune avec la Corée du Nord et où la Chine craint un afflux de réfugiés en cas de conflit ou d’accident interne à Pyongyang.

Certes de nombreux obstacles demeurent - peut-être insurmontables - sur la route d’une meilleure entente opérationnelle entre les deux appareils de défense.

Enkystées dans les scories de l’histoire et de la guerre ainsi que dans l’affichage d’une alliance entre Pyongyang et Pékin dont les prémisses sont cependant de moins en moins partagés par la direction chinoise ayant prévenu qu’elle ne s’engagerait pas à nouveau comme en 1950 dans un conflit provoqué par Pyongyang, les embûches sont encore nombreuses sur la voie d’une coopération militaire confiante.

Celle-ci est par ailleurs obérée par d’autres divergences stratégiques en mer de Chine et à Taïwan, les tensions commerciales sino-américaines, les méfiances de Séoul d’être tenu à l’écart à quoi s’ajoute la crainte de Pékin d’être rangé dans la catégorie des « voisins hostiles » par Pyongyang - une évolution déjà à l’œuvre qui prive la Chine qui s’en désole, de sa principale marge de manœuvre en cas de reprise du « dialogue à Six ».

Note(s) :

[1Stricto-sensu, après le dernier tir balistique du 3 septembre Pékin s’est conformé à la résolution 2375 demandant de plafonner à compter du 1er octobre les exportations de pétrole à la Corée du Nord à 500 000 barils d’ici la fin de l’année et à 2 millions de barils annuels à compter de janvier 2018, ce que le ministère chinois du commerce dit avoir scrupuleusement mis en œuvre par une directive datée du 23 septembre.

Cette dernière précisait notamment que Pékin cesserait ses exportations de gaz a/c du 23 septembre et que les exportations de pétrole seraient contingentées a/c du 1er octobre. (Xinhua).


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