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Un allié coréen sulfureux.
En janvier 2006, le magazine Time titrait sur la chute d’une idole, en référence aux déboires du professeur Hwang accusé d’avoir falsifié une expérience scientifique de clonage d’embryons humains. Mais la réalité est peut-être plus compliquée. Après qu’une enquête indépendante menée par des chercheurs américains, japonais et canadiens ait mis en doute la fraude intentionnelle, la sentence contre Hwang a finalement été réduite de 2 ans à 6 mois de prison.
Alors qu’en Europe on tente de circonscrire les applications des nouvelles techniques génétiques aux applications médicales dont les perspectives sont au demeurant très prometteuses, en Chine, le secteur de la biotechnologie, saisi par une ferveur enthousiaste inédite donne parfois le sentiment qu’il aspire à se hisser en tête de la recherche mondiale dans le domaine de la génétique humaine y compris hors applications médicales.
Ces préventions sont attisées par la personnalité de l’associé coréen de Xu Xiaochun, Hwang Woo-Suk, fondateur de la société Sooam. Généticien à succès en Corée du sud, Hwang était célèbre jusqu’à son implication dans le scandale survenu il y a dix ans, quand il avait prétendu par erreur avoir réussi à cloner un embryon humain.
Ayant aussi défrayé la chronique en 2005 en brisant le tabou du premier chien cloné, un lévrier afghan baptisé « Snupy », Hwang fut officiellement inculpé de faux et de corruption à Séoul en 2006 et dut démissionner de l’université.
Des enquêtes ultérieures indépendantes menées par des chercheurs américains, canadiens et japonais, parues dans le n° de la revue « Cell Stem Cell » du 2 août 2007, ont cependant montré que Hwang et son équipe avaient, à leur insu, obtenu in vitro des cellules souches embryonnaires humaines, non pas par clonage, mais par parthénogenèse (reproduction asexuée par division d’un gamète femelle non fécondé).
Récemment Hwang a à nouveau défrayé l’actualité coréenne en affirmant lors d’une interview accordée au Dong-A Ilbo que sa société avait conclu une JV avec un partenaire chinois pour contourner les lois éthiques coréennes qui interdisent l’utilisation d’embryons humains. Xu, quant à lui, semble limiter son ambition à devenir le plus gros producteur mondial de bovins clonés pour approvisionner le marché en pleine expansion de la viande de bœuf en Chine.
Prise de conscience morale en Chine.
Enfin, alors qu’une formidable bourrasque secoue le monde des sciences de la vie, où on constate que les États-Unis ont depuis longtemps transgressé le tabou du clonage d’animaux à des fins commerciales et viennent de franchir une nouvelle limite par l’autorisation de commercialiser des saumons génétiquement modifiés, tandis que de multiples articles de presse accusent les Chinois de manquer de règles éthiques, le moins qu’on puisse dire est que ces derniers ont pris conscience de la nécessité de mieux baliser les territoires inexplorées de la génétique humaine et animale.
Le no man’s land éthique de la génétique humaine.
Alors qu’en Chine le débat moral est vif sur les questions de manipulations génétiques, mais inexistant sur le clonage de masse, Yusheng Wei, chercheur à l’Institut des sciences de la vie de Beida concède que l’arsenal légal est insuffisant pour encadrer l’explosion de la recherche et les risques de transgression. Mais il s’inscrit en faux contre les accusations d’un sens de l’éthique plus faible en Chine. Au demeurant, Peter Mills, Directeur adjoint du Nuffield Council de Londres, référence internationale de bioéthique, affirme que s’il existe un retard de la conscience éthique en Chine, il est en train de se combler rapidement.
Du 1er au 3 décembre 2015, Pei Duanqing, Directeur de l’institut de biomédecine à l’Académie des Science de Canton et Qi Zhou, Directeur de l’Institut de Zoologie de l’Académie des sciences de Pékin participaient aux côtés de chercheurs canadiens, anglais, allemands et américains au sommet mondial organisé à Washington sur les nouvelles techniques d’édition de manipulation de gènes humains. Après avoir passé en revue l’état des sciences de la vie dans le domaine de la génomique, la conférence a porté sur les avantages et les risques des nouvelles techniques ainsi que sur les standards moraux et éthiques de leurs applications.
Pour finir trois visions de ce no man’s land éthique, l’une très synthétique d’Axel Khan, médecin généticien et essayiste français qui, au moment de l’affaire Hwang, s’exprimait sur le clonage : « Le clonage, c’est le triangle des Bermudes de la rationalité scientifique. Il rend fou tous les gens qui y touchent ». Les autres sont 2 articles de Sciences et Avenir : le clonage humain devient réalité et de Médiapart : la biologie synthétique, entre fantasmes et révolutions, ce dernier écrit par Raphaël Laurenceau, jeune chercheur français associé au MIT, parus en juillet 2014 et avril 2015.
Les deux tentaient autant que possible de remettre un peu de rationalité dans les appréciations d’un secteur des sciences qui réveille chez chacun les fantasmes les plus délirants allant des dérapages des Frankenstein modernes à l’eugénisme visant à créer des humains supérieurs, en passant par ceux qui, au milieu des déboires parfois dramatiques de la génétique médicale, espèrent un allongement indéfini de la vie, non seulement grâce aux applications curatives du clonage, mais surtout par le truchement de l’étude du rapport entre le processus de vieillissement et la signature génétique des individus. Le débat ne fait que commencer. Il y va de l’équilibre génétique du genre humain.
Voir aussi le Blog du chercheur franco-croate Miroslav Radman, professeur à la Faculté de médecine René Descartes et membre de l’Académie des Sciences, et son livre : « Au-delà de nos limites biologiques » Plon 2011.