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Confucius au service de la sécurité routière. 车祸 猛 于 虎

Ceux qui par les temps qui courent voyagent sur les autoroutes chinoises peuvent lire une mise en garde sibylline adressée aux conducteurs imprudents.

Comme ailleurs, l’alerte est d’abord destinée à réduire le nombre de victimes des accidents de la route en augmentation rapide en Chine, ayant atteint 100 000 morts en 2016. Il y a cependant une sérieuse différence.

Si la première partie du slogan de sécurité renvoie à la réalité prosaïque des catastrophes routières, la suite plonge dans les 25 siècles de la vieille culture confucéenne qui, plus que jamais, baigne encore la Chine moderne, formant l’épine dorsale de sa société en dépit des changements rapides auxquels elle est soumise. Comme si, en France, sur l’autoroute A7, s’affichait une pensée d’Aristote ou, plus près de nous, un bout de maxime tiré des œuvres de Hegel, Kierkegaard, Marx ou Nietzsche [1].

« 车祸 猛 于 虎 : Che Huo Meng Yu Hu : Les accidents de voiture sont plus féroces que le tigre ». La sentence de la sécurité civile chinoise renvoie à un épisode de la vie de Confucius qui, selon les chroniques vivait il y a 15 siècles dans l’État de Lu, dont les voitures automobiles portent encore aujourd’hui sur leurs plaques d’immatriculation le vieux caractère (鲁) petit État de l’époque des « Printemps et Automnes à l’ouest de l’actuelle province du Shandong, coincé entre le Qi – 齊 (Jinan) au nord, le Song 宋et le Wu 吳 au sud.

*

Un jour le vieux Kong Zi (孔 子) accompagné de quelques disciplines juchés avec lui sur son vaste char à bœufs traversaient la région Mont Taishan 泰山. Infesté de tigres féroces, le pays de Lu avait cependant l’avantage d’être soumis à une administration moins prédatrice que celle de ses voisins. Longeant un cimetière, Confucius ayant aperçu une vieille dame éplorée assise sur une tombe arrêta son attelage et lui demanda pourquoi elle sanglotait si amèrement.

« Mon mari, mon fils et tous les membres de ma famille ont été dévorés par un tigre ». (…) « Me voilà seule à verser toutes les larmes de mon corps sur leurs tombes ». « Mais », lui demanda le sage, « pourquoi n’as-tu pas fui le pays après tant de drames ? »

« Ailleurs », a t-elle répondu, « les prédateurs qui gouvernent sont encore plus féroces que les tigres 苛 政 猛 于虎 Ke Zheng Meng Yu Hu ».

Ainsi retrouve t-on sur les autoroutes chinoises, au travers d’une simple injonction de sécurité routière, la double réminiscence morale de Confucius, le sage contemporain de Parménide, Héraclite et Pythagore pétri de la vertu « bénévolente » du « ren 仁 », en même temps que l’ancestrale rancœur des peuples contre leurs oppresseurs.

Note(s) :

[1Les lecteurs pourraient s’étonner de ne voir figurer dans cette liste aucun nom de philosophe français. C’est d’abord que, chez nous, les anciens grecs ou latins sont toujours la première référence.

Quant aux périodes plus récentes dans « Pourquoi les philosophes » (Laffont 1957), Jean-François Revel, usant d’un pessimisme ironique et désabusé, se lamentait du maigre apport de la pensée française : « Quand on est Français, il y a beau temps qu’on ne se sent plus très fier d’être philosophe ; et, dans ce jardin de la paresse qu’est la philosophie, la France a fait une sieste particulièrement longue. Jamais la pensée philosophique n’a été aussi débile en France que depuis le début du XIXe siècle ».


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Par Guy Baudoux Le 21/10/2017 à 11h05

Confucius au service de la sécurité routière. 车祸 猛 于 虎

Bonjour,
A propos de la note (1), je suis moins pessimiste que Revel. Il me semble qu’il a oublié Bergson.
Bien cordialement,
Guy Baudoux

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