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›› Chronique

Corruptions, extraditions et exercice de la démocratie

Chasse au renard et interrogations politiques.

Carte des pays avec lesquels la Chine a signé des traités d’extradition (mise à jour à l’été 2015 avant l’accord avec la France).

*

En arrière plan de l’analyse du Monde flotte une inquiétude sur la capacité du régime chinois à se conformer à ses promesses d’équité dans le traitement des fugitifs. Tout en reconnaissant que la France n’a pas vocation à accueillir des escrocs politiques en fuite, l’éditorial doutait d’abord de la spontanéité des contritions pouvant être extorquées par des pressions sur les proches et ensuite de la capacité du Quai d’Orsay à vérifier que le traitement des extradés resterait équitable.

En haussant la réflexion d’un étage on dira que l’article du Monde pose la question du choix de priorités, de la mise en perspective des situations, du rôle des relations internationales et de la capacité d’influence de la France.

Certes, en Chine la liberté d’expression est censurée, les avocats des droits harcelés et les moindres critiques du Parti lourdement condamnées, tandis qu’à l’extérieur, notamment dans sa zone d’influence stratégique directe de la mer de Chine du sud, Pékin pratique une politique proto-impériale du fort aux faibles, ayant pour objet ultime l’annexion d’un espace maritime vaste comme la Méditerranée. Le tout dessine une situation de contraintes politiques et d’arbitraire au service direct et sans nuances des intérêts du pouvoir politique.

Pour autant, on aurait mauvaise grâce à ne pas reconnaître que la campagne aux ramifications internationales contre les escrocs chinois constitue, par son exemple, une contribution importante à la moralité publique globale et à la lutte contre les prédateurs impunis de la finance grise.

En termes de développement humain et d’aménagement du territoire et, nonobstant les restrictions au droit, malgré la censure, l’arbitraire judiciaire et les effets pervers sur l’environnement, les performances de la Chine au cours des 30 dernières années restent exemplaires avec un doublement du PNB par habitant tous les dix ans. A ce titre, la Chine a ravi à l’Occident démocratique le monopole du progrès et contredit l’idée que le projet d’amélioration des conditions de vie ne serait possible dans la durée que s’il était articulé à un système politique démocratique.

Surtout, alors que partout en Occident on recherche activement des parts toujours plus importantes du marché chinois, tandis que les capitaux publics et privés venant de Chine sont souvent accueillis avec soulagement, parfois avec ferveur, la France venant elle-même de s’engager sur la voie d’une coopération à l’export avec l’industrie nucléaire civile chinoise, il est devenu nécessaire de s’interroger sur la légitimité de continuer à donner des leçons de démocratie, à partir du piédestal occidental dont les références ne cessent elles-mêmes de se brouiller.

Démocratie occidentale et despotisme chinois.

A ce sujet le Global Times publiait le 1er décembre un commentaire politique à partir d’un article écrit conjointement par Yasha Mounk, assistant à Harvard et Roberto Stefan Foa, politologue à l’université de Melbourne sur le thème de la fragilité grandissante des démocraties.

Constatant la désaffection démocratique d’une proportion croissante d’occidentaux en Europe, (Pays-Bas, Pologne, Royaume Uni, Suède, France) en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis et en Australie, les auteurs notent en parallèle, notamment chez les jeunes, la montée des idées en faveur de l’autoritarisme et des partis dits anti-systèmes.

Embrassant les critiques occidentales de la démocratie et constatant ses effets pervers, le Global Times rappelait que le prosélytisme démocratique érigé en critère essentiel des politiques étrangères de Washington fut à l’origine du chaos en Afghanistan, en Irak et en Libye.

La conclusion réfutait l’idée d’un système politique exemplaire unique « chacun ayant ses qualités et ses défauts » et fustigeait la léthargie des régimes démocratiques incapables de se remettre en question face aux défis modernes.

Mais étrangement, la réflexion du Global Times cherchant à démontrer l’insuffisance des régimes occidentaux et, par contraste, l’efficacité des systèmes despotiques, croisait, à rebours, les analyses de Tocqueville pour qui le despotisme dont se réclame le système chinois, était précisément une dérive indésirable des démocraties. Dans « la démocratie en Amérique » Tocqueville énonce en substance que l’opinion du plus grand nombre peut menacer la liberté d’esprit et l’exercice des droits, conduisant progressivement à la sclérose politique et à l’autoritarisme.


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