Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Taiwan

Dans l’œil du cyclone, veillée d’armes électorale

NOTES de CONTEXTE

Relations Chine, Taïwan, États-Unis.

Février 1972 : poignée de main historique entre Mao et Nixon qui donna lieu au Communiqué de Shanghai, 7 années avant l’établissement des relations officielles entre Washington et Pékin.

Les relations entre Washington, Pékin et Taipei sont encadrées par 2 textes : le Taïwan Relations Act – TRA - (1979) et 3 communiqués conjoints sino-américains (1972, 1979, 1982.)

Le premier est une obligation de droit interne votée par le Congrès en 1979, année de la reconnaissance de la Chine populaire par Washington. Son but était de rassurer Taïwan sur la détermination des États-Unis à protéger l’Île contre une agression militaire chinoise.

Les articles de la section 2 de la loi énoncent que la décision de Washington de reconnaître la Chine Populaire repose explicitement sur l’espoir que l’avenir de l’Île sera déterminée pacifiquement et que tout autre moyen d’influencer la politique intérieure taïwanaise (embargo, boycott, menaces directes pouvant perturber la stabilité de la zone pacifique) constituerait un sérieux motif de préoccupation pour les États-Unis.

Dans ce contexte, les articles 5 et 6 autorisent la vente d’armes défensives à Taïwan et préconisent que les États-Unis se donnent la capacité de résister à l’usage de la force ou à toute forme de pressions coercitives pouvant menacer la sécurité ou le système socio-économique du peuple taïwanais. L’article 3 de la section 2 rappelle que l’objectif des États-Unis est de préserver et de développer les droits de l’homme à Taïwan.

La section 3 affirme que Washington mettra à la disposition de l’Île les équipements de défense et l’assistance militaire jugés nécessaires au maintien de la capacité d’auto-défense de Taïwan. Il stipule que le Président et le Congrès, assistés des autorités militaires américaines, sont juges de la nature et de la quantité des équipements de défense nécessaires à l’Île, ajoutant que le Président est tenu d’informer rapidement le Congrès de toute menace directe contre l’Île ou contre les intérêts américains et qu’il revient à la Maison Blanche et le Congrès de déterminer la riposte la plus appropriée à une telle menace.

*

Quant aux « 3 communiqués conjoints » signés avec Pékin, ils sont plus proches de déclarations d’intention que d’accords formels.

Le premier (1972) – ou « Communiqué de Shanghai » signé par Nixon et Mao en pleine guerre du Vietnam sous l’égide de Kissinger touchait à la sécurité en Asie en général (y compris au conflit coréen et à la querelle territoriale entre l’Inde et le Pakistan) et spéculait sur la possibilité que les États-Unis retirent leurs forces d’Indochine en échange de la promesse de la Chine et du Viet-Minh que les peuples puissent librement déterminer leur destin et leur système politique.

Sur les relation sino-américaines, en dépit des contrastes idéologiques et socio-économiques de leurs systèmes politiques, le communiqué affirmait la volonté partagée des deux de progresser vers une normalisation et la coexistence pacifique marquée par le respect réciproque, le refus de l’usage de la force et de toute tentation hégémonique en Asie.

Le Communiqué de 1979 était la mise en œuvre du « Communiqué de Shanghai ». Il reconnaissait la République Populaire comme le seul gouvernement légal de la Chine en même temps que l’existence « d’une seule Chine, dont Taïwan était une partie » En même temps, il affirmait que Washington maintiendrait des relations commerciales et culturelles informelles avec Taïwan.

Le Communiqué de 1982 répète la reconnaissance de la Chine par les États-Unis ainsi que le principe de la souveraineté de Pékin sur Taïwan, en même temps que la persistance des liens culturels et économiques informels de Washington avec Taipei.

Surtout, il évoque la question non réglée en 1979 des ventes d’armes américaines à l’Île et vient en réponse à la proposition chinoise en 9 points du 30 septembre 1981 du Maréchal Ye Jianying, Président de l’ANP (qui deviendra une proposition en 8 points élaborée en 1995 par Jiang Zemin), suggérant l’application à Taïwan du principe « Un pays deux systèmes » pour tenir compte des spécificités de l’Île.

Lire A policy of « one country, two systems » on Taiwan

Le point 6 du communiqué précise que la politique de vente d’armes à Taïwan ne sera pas une disposition appelée à durer, que les livraisons n’excéderont pas – en quantité et en qualité – le niveau des livraisons effectuées depuis 1979 et qu’elles seront progressivement réduites jusqu’à disparaître à la résolution à terme de la question de Taïwan.

*

Ventes d’armes américaines à l’Île.

Depuis 1979, la politique américaine sur les vente d’armes à Taïwan est placée sous les pressions contraires du rapprochement entre Washington et Pékin qui incite à la modération et, à l’inverse, de celles des lobbies taïwanais et des industries d’armement qui, arguant de la montée en puissance militaire de la Chine poussent à augmenter le niveau et la quantité des équipements livrés à l’Île.

Dans ce contexte, la Maison Blanche est régulièrement sommée par le Pentagone et le Congrès de vendre à Taïwan des équipements de premier rang tels que les chasseurs de combat modernes.

Mais, anticipant les sévères perturbations qu’une telle décision provoquerait dans les relations sino-américaines déjà secouées par d’autres controverses, Washington a presque toujours résisté. Depuis la vente à Taïwan en 1992 par Georges Bush père de 150 F-16 A/B – [5] aucun président n’a franchi ce pas. Dans un article paru en janvier 2014, dans The Diplomat, Shannon Tiezzi notait que l’administration avait, au contraire, toujours opté pour des solutions moins sensibles.

Ainsi, en dépit d’une puissante campagne des Républicains, de la déception taïwanaise, assortie des analyses stratégiques faisant état d’une modification alarmante du rapport de forces en faveur de Pékin et du vieillissement de la flotte des avions de combat taïwanais, en 2011, l’administration Obama avait préféré passer un accord avec Taipei pour moderniser les vieux F-16 A/B.

La réalité est qu’à Washington, la variable chinoise est un facteur déterminant de la relation avec Taïwan et que la tolérance chinoise dépend de la nature des ventes [6]. Les embarras sont perceptibles dans les discours assez souvent contradictoires que l’administration américaine tient aux interlocuteurs de part et d’autre du Détroit.

Ainsi après le Communiqué de 1982 qui, pour rassurer Pékin, anticipait une réduction progressive des livraisons d’armes, la Maison Blanche avait cédé à la pression inverse de l’Île et accepté de lui donner « les 6 assurances » réclamées par Taipei.

Ses contours dessinent le dilemme sino-taïwanais de Washington, soucieux à la fois de ne pas compromettre ses relations avec Pékin et de rester fidèle aux engagements pris avec Taïwan.

Les États-Unis « assurent » : 1) qu’ils ne fixeront pas à priori une date mettant fin aux livraisons d’armes ; 2) Qu’ils n’abaisseront pas le niveau des garanties du TRA ; 3) Qu’ils ne consulteront pas la Chine avant leurs décisions de livrer des armes ; 4) Qu’ils ne se poseront pas en arbitre de la relation dans le Détroit ; 5) Qu’ils n’exerceront aucune pression sur l’Île pour qu’elle entame des négociations politiques avec la Chine et qu’ils ne modifieront jamais leur position selon laquelle l’avenir de l’Île devrait être déterminé pacifiquement par les Taïwanais eux-mêmes ; 6) Qu’ils ne reconnaîtront pas formellement la souveraineté de la Chine communiste sur Taïwan.

Au demeurant, même si la dernière livraison n’est pas de nature à bousculer le rapport de forces, quand on examine la liste des équipements autorisés à la vente par Washington au cours des années, on constate que la panoplie n’est pas de pure forme.

Dans les circonstances actuelles où la rivalité stratégique sino-américaine s’exacerbe en Mer de Chine et sur d’autres sujets, tandis que la question a une forte résonance de politique intérieure, il est peu probable que Washington abandonne le levier de pression que constitue la vente d’armes à Taïwan.

Depuis 2000 et sans compter la dernière vente qui fut, il est vrai, à un niveau nettement au-dessous de celles de 2010 et 2011 estimées au total à 9 Mds de $, les équipements vendus par les États-Unis vont des avions de patrouille maritime anti-sous marins P-3C, aux destroyers lances missiles de la classe Kidd (anti-sous marins et anti-aériens, entrés en service en 1981) en passant par les missiles antiaériens Patriot et les hélicoptères d’attaques Apache et de liaison Blackhawk.

Note(s) :

[5Au passage, ce contrat permit la vente à Taïwan par la France de 60 Mirages 2000-5 et de 6 frégates Lafayette, dans un contexte politique où Pékin était, après la répression de Tian An-men, en position internationale fragile sur la question des droits de l’homme, également un des points d’achoppement de la relation Chine – Taïwan.

[6En 2011, le Général Chen Bingde alors chef de l’état-major général de l’APL avait affirmé que les conséquences politiques des ventes d’armes dépendraient de la nature des équipements vendus, laissant entendre que les avions de combat constituaient une « ligne rouge ». En 2012, Cui Tiankai actuel ambassadeur aux États-Unis et son collègue diplomate, Pang Hanzhao, avaient écrit un article dans la version chinoise de la Revue Stratégique, dans lequel ils affirmaient que la question la plus sensible de la relation sino-américaine était celle des ventes d’armes à Taïwan.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Regards sur l’inquiétude des aborigènes et le durcissement de la Chine

Manoeuvres législatives

Présidentielles. Victoire de Lai Qing De ; net recul législatif du Min Jin Dang. Souple et pragmatique, Ko Wen-je renforce sa position d’arbitre

Présidentielles 2024 : Lai toujours favori. L’écart avec Hou se resserre. Les perspectives du scrutin législatif se brouillent

Promouvoir la démocratie et les libertés pour échapper au face-à-face avec Pékin