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Dans la province de Canton, « le printemps des ouvriers a commencé. »

4. Le cas particulier de la région de Canton.

Dans le paysage chinois la région de Canton a l’ambition de se doter des attributs d’un pays développé avec une industrie de pointe à forte valeur ajoutée accordant d’importants crédits à la recherche et développement. Plus encore que ses prédécesseurs, le nouveau secrétaire général du Parti (Wang Yang 53 ans) est un fervent des lois sociales en faveur des travailleurs, qu’il entend faire appliquer.

Même si le gouverneur Huang Huaha (63 ans) n°2, est un contrepoids attentif à la stabilité sociale et à l’harmonie, son activisme devrait mettre en difficulté les entreprises à forte intensité de main d’œuvre et à bas salaires, d’autant qu’il est également favorable à la mise sur pied de syndicats indépendants, comme plusieurs de ses déclarations en 2010 le laissent entendre.

Dans ce contexte, les syndicats, qui ont reçu la mission d’aider à réduire les tensions sociales, augmentent leur présence dans les entreprises d’Etat ainsi que dans les Joint-ventures et cherchent à s’impliquer dans les entreprises à capitaux à 100 % étrangers. Dans ces dernières, ils ne sont cependant pas les bienvenus, du fait de leur fonctionnement bureaucratique qui, en cas de conflit, peut devenir un obstacle. En revanche, les syndicats sont aujourd’hui pratiquement absents des entreprises privées chinoises.

Dans la région de Canton, néanmoins, les rapports entreprises - syndicats évoluent, et ces derniers ont de plus en plus tendance à se ranger du côté des revendications des travailleurs.

A ces acteurs de la situation sociale et des conflits du travail, il convient d’ajouter les « activistes de la condition ouvrière », affiliés ou non à des ONG de conseil juridique ou social, dont le rôle et l’utilité sont plus ou moins reconnus selon les entreprises. Dans la région de Canton, cette mouvance, souvent composée d’étudiants motivés par la compassion, travaille de plus en plus en liaison avec les syndicats.

Mais les plus actifs d’entre eux, qui n’hésitent pas à pousser à la grève, sont pourchassés par les autorités. Ils parviennent cependant à se faire engager dans le seul but de déclencher un mouvement social. Une fois la contestation lancée, « ils disparaissent dans la nature ».

Coordonnant leurs actions, par SMS pour mobiliser les ouvriers, ils n’hésitent pas à employer des méthodes plus brutales et expéditives, comme par exemple les coupures de courant dans les ateliers. Par ces tactiques, ils parviennent à obtenir des hausses de salaires substantielles, tandis que leurs modes d’action, comme leurs succès se répandent dans la région comme une trainée de poudre, par le truchement des SMS et d’internet.

Commentaires

Le rapport a le très estimable mérite de donner un coup de projecteur sur un aspect très sensible de la situation sociale de la province la plus peuplée et, depuis 25 ans, la plus riche de Chine, dotée de 6 aéroports, dont 3 internationaux, avec un PNB voisin de celui de Taïwan et de Singapour.

Il propose une intéressante analyse de la nature du pouvoir central, de ses rapports avec les cadres locaux et de sa manière, très distanciée et prudente, d’appréhender les conflits du travail. Enfin, il offre une grille d’analyse pertinente, confirmée par de nombreux sociologues, de l’évolution de la mentalité de la main d’œuvre dans le delta de la Rivière de Perles, qui pose un défi aux anciens schémas de développement et au pouvoir. (Lire également notre article sur les migrants).

Rattachée à l’Empire dès la première dynastie et lieu de contact avec les étrangers venus du Moyen Orient et d’Occident - les Portugais y installent le premier comptoir européen à Macau en 1557 - , refuge des opposants aux Mongols et aux Qing, route de passage vers l’extérieur, la province de Canton s’est aussi souvent signalée par son très grand dynamisme et son particularisme, parfois son esprit rebelle, au point que, même récemment, elle a du être rappelée à l’ordre par le pouvoir central.

Après 1997, suite au décès de Deng Xiaoping, l’équipe Jiang Zemin - Zhu Rongji avait en effet entrepris de lutter contre la corruption et les trafics en tous genres dans ce fief de Ye Xuanning, fils Ye Jianying et He Ping, gendre de Deng. Ce n’est qu’après la nomination à la tête de la province de Li Changchun (aujourd’hui membre du Comité Permanent) et Wang Qichen (membre du bureau politique), que le Guangdong rentra dans le rang, non sans le vigoureux appui de l’APL et de Zhu Rongji, qui décida, en 1997, de ne plus se porter garant des dettes contractées par les dirigeants locaux.

Aujourd’hui, Pékin, dont la mémoire est longue, suit donc avec attention les évolutions de la situation dans la province. Ses réactions ont, jusqu’à présent, été à deux faces. Le Centre a laissé les autorités locales licencier les meneurs et poursuivre les activistes ; mais, en même temps, il a poussé au réajustement des salaires et a évoqué une plus grande indépendance des syndicats, sans cependant aller jusqu’au bout de la logique d’autonomie, en dépit des conseils d’ouverture de plusieurs spécialistes des questions sociales, notamment ceux de Yu Jianrong, Directeur du Centre de recherche sur les conflits sociaux de l’Académie des Sciences sociales.

Par ailleurs, il est vrai que Wang Yang (53 ans,), secrétaire général de la province de Canton, membre du Bureau Politique depuis 2007, s’est signalé par son ouverture d’esprit et son modernisme, notamment par ses prises de position sur la nécessaire « libération des esprits ». Au cours d’une réunion avec les cadres de la province, le 25 décembre 2007, il mettait, entre autres, l’accent sur les déséquilibres d’un développement encore marqué par la quantité plutôt que la qualité, un retard dans l’innovation et l’éducation, et de graves fractures sociales entre villes et campagnes.

Dans le même temps, il encourageait les expériences démocratiques menées à Shenzhen, sous son contrôle, et avec l’assentiment du Centre, par le SG du Parti Liu Yupu, dont la pierre angulaire était la construction d’un « état de droit démocratique »民主法制建设.

Wang Yang plaide pour le renforcement des syndicats

Enfin, après les grèves de mai 2010, Wang yang a appelé au renforcement des syndicats dans les entreprises privées. Le 12 juin 2910, dans une vidéoconférence, il a insisté sur le rôle de l’Etat comme médiateur et sur celui des syndicats comme porte parole des intérêts des ouvriers. Depuis, dans les cercles les plus élevés du pouvoir, le débat enfle sur la pertinence politique d’une évolution des syndicats vers un système à l’occidentale. Rien ne dit qu’aujourd’hui le Parti est prêt à prendre ce risque.

Quant à la situation politique dans la province du Guangdong, il n’est pas certain que l’évolution politique aille plus loin que les augmentations de salaires massives déjà accordées. Récemment plusieurs observateurs ont cru voir dans de récentes déclarations de Wang Yang, glorifiant les exploits de l’APL pendant la guerre civile, un glissement populiste à la manière de Bo Xilai.

Ce dernier, également soutenu par le futur président Xi Jinping, voit dans les références à la geste maoïste un moyen terme pour resserrer les liens très distendus entre le Parti et le peuple. Si cette tendance se confirmait, elle signalerait un alignement sur une stratégie alternative, fermant, comme c’est probable, la porte à l’ouverture démocratique prônée par Wen Jiabao et présageant une répression plus dure des mouvements de protestation ouvriers.


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