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›› Taiwan

Désarrois politiques, querelles idéologiques et rivalités partisanes

Le DDP en quête de légitimité pour reconquérir la Présidence.

Toujours à la recherche d’une stratégie pour revenir au pouvoir, mais conscient que l’électorat de l’Île rejetterait toute politique qui attiserait les tensions avec Pékin, le DPP tente de résoudre l’équation compliquée de ses relations avec le Parti Communiste Chinois sans perdre sa légitimité indépendantiste. Les caciques du Parti tournent autour de ce dilemme en multipliant les colloques, tandis que Pékin réaffirme sa disponibilité à établir des contacts avec eux, sous réserve que le Parti abandonne sa profession de foi séparatiste.

Livre Blanc sur la Défense.

Pour asseoir sa crédibilité comme parti de pouvoir, tant dans l’Ile qu’auprès de Washington, et attendant d’y voir clair dans sa stratégie chinoise le Minjindang a publié un Livre Blanc sur la politique de défense tombé à point nommé au milieu des scandales qui viennent d’agiter l’appareil militaire et le système de défense.

Il n’est pas anodin de souligner qu’en proposant de modifier l’ancienne devise des armées sur la confiance (San Xinxin – 三 信心), à laquelle a été rajoutée « la confiance dans les partenaires internationaux », Su Tseng-chang, le président du parti a cherché à se donner auprès des Etats-Unis, l’image crédible d’un homme de pouvoir responsable, s’exprimant notamment le 13 juin à la Brookings Institution de Washington.

Au milieu des classiques promesses d’efforts pour supprimer l’opacité, éradiquer la corruption, limiter les prérogatives du Conseil National de Sécurité et améliorer l’efficacité des forces (plus de R&D pour développer des équipements modernes, notamment dans le secteur des technologies de l’information, meilleure aptitude à réagir aux crises, simplification des procédures d’acquisition d’armements, accroissement du taux d’entraînement des unités etc.), le Livre Blanc insiste sur un engagement très séduisant pour Washington, qui répète que Taïwan doit mieux assurer sa part du fardeau de la défense de l’Ile.

En bonne place dans les promesses figure en effet celle de porter les dépenses de défense à 3% du PNB pour corriger les actuelles déficiences : « l’insuffisance des budgets a déjà sérieusement compromis les achats d’équipements et l’aptitude opérationnelle des forces ».

Surtout le document prend le contrepied des analyses tentées de baisser la garde au prétexte que la situation dans le Détroit est apaisée. A cet effet il rappelle la spécificité démocratique de l’Ile et les risques qui pèsent sur elle : « la défense nationale reflète la détermination de tous les citoyens de protéger notre statut d’État souverain et d’en accepter le fardeau (…). Les abandons de souveraineté commencent souvent par le défaut d’attention aux questions de défense ».

Lors de son passage à Washington, devant l’auditoire de la Brookings, Su a insisté sur l’aggravation du déséquilibre militaire dans le Détroit et rappelé que quand le DDP était aux affaires la part du budget de la défense dans le PNB était passée à 2,7% en 2007 à 3% en 2008.

Enfin une importante partie du document traite des relations avec Washington, considérées non seulement comme « l’épine dorsale de la sécurité de Taïwan », mais également comme « un atout » pour la bascule stratégique du Pentagone vers le Pacifique occidental annoncée fin 2011 et dont on se souvient qu’elle est destinée, en dépit des démentis de la Maison Blanche, à faire pièce aux pressions militaires chinoises contre quelques pays de l’ASEAN en Mer de Chine du Sud.

Dans ce contexte, le Livre Blanc du DPP prône aussi le resserrement des liens stratégiques avec le Pentagone, l’approfondissement des échanges de renseignements, le développement des coopérations et des entraînements avec l’armée américaine, notamment sur les questions de « cybersécurité » et l’augmentation des achats d’équipements « sur étagère ». Sur cette question le DDP et le KMT se rejoignent, tous deux préoccupés par le risque que Taïwan glisse progressivement hors du scope des intérêts stratégiques de la Maison Blanche, de plus en plus focalisée sur ses relations avec la Chine.

Note : La photo montre le n°1 du DPP Su Tcheng-chang lors de son discours à la Brookings, le 13 juin 2013. Évoquant les relations Chine – Taïwan, sous l’égide du KMT au pouvoir il a prédit qu’après une période d’accélération, elles seront bloquées par les obstacles politiques.

Relations du Minjindang avec le Parti Communiste Chinois.

S’il est vrai que sur les questions de défense il apparaît que les divergences avec le KMT sont minimes et qu’un consensus est possible, il en va tout autrement pour les relations avec la Chine. Initialement opposé à l’Accord Cadre, le DPP doit maintenant tenir compte d’une situation où Ma Ying-jeou et le KMT peuvent être crédités non seulement d’un apaisement stratégique dans le Détroit, mais également de l’ouverture d’une longue liste d’opportunités économiques et commerciales qui rallient au gouvernement la majorité des hommes d’affaires. Sans compter que la disparation des tensions qui avaient marqué la présidence de Chen Shuibian jusqu’en 2008 constitue un soulagement pour la majorité des électeurs.

C’est pourquoi, tout en donnant l’impression de ne pas trop savoir où il va, notamment sur sa profession de foi indépendantiste, le Parti ne ménage pas ses efforts pour modifier son image porteuse de tensions, discrètement encouragé par la direction du Régime chinois, qui à l’évidence espère bien lui faire abandonner sa marque de fabrique rebelle et séparatiste.

Favorablement accueillie par une déclaration publiée dans le Quotidien du peuple de Yang Yi, porte parole du Bureau de Affaires taïwanaises du gouvernement chinois, qui dit soutenir les échanges entre villes de part et d’autre du Détroit, Madame Chen Chu, maire indépendantiste de Kaoshiung, s’est rendue en Chine Continentale du 9 au 15 août, pour visiter Shenzhen, Xiamen et Fuzhou. Après son voyage organisé en 2009 c’est la 2e fois qu’elle se rend sur le Continent. A l’époque l’ancien président Chen Shui-bian était déjà en prison pour corruption, tandis que la cote politique du DDP était au plus bas -.

Cette fois après les succès de l’Accord Cadre, dont se crédite de KMT qui monopolise la relation avec la Chine, le voyage de Chen portait les espoirs du DPP que les tensions avec Pékin soient mises sous le boisseau et que soient jetées les bases d’échanges avec la société. Le défi était de taille, d’abord pour Chen elle-même qui en 2009 avait été accusée par le PCC d’avoir gravement porté atteinte aux relations dans le Détroit en accueillant le Dalai Lama dans sa ville à l’occasion des ravages causés par le cyclone Morakot.

Les raisons affichées de la visite du chef religieux tibétain étaient strictement humanitaires, mais personne n’était dupe. Le Dalai Lama avait notamment déclaré : « nous ne faisons pas la promotion de l’indépendance de l’Ile, mais vous bénéficiez de la démocratie et vous devez la préservez. Moi-même je suis sans réserve favorable à la démocratie ». A quoi Pékin avait vertement répondu « qu’en invitant à Taïwan le Dalai Lama connu pour ses activités séparatistes, le Minjindang qui avait des intentions troubles, avait porté atteinte à la qualité des relations dans le Détroit ». Après quoi le Parti avait placé un embargo sur les voyages d’affaires à Kaoshiung.

Aujourd’hui la controverse paraît oubliée. Le grand port du sud de l’Ile est redevenu une destination privilégiée des visites d’affaires et du tourisme et Chen a été bien reçue en Chine, où Zhang Zhijun nouveau responsable des Affaires taïwanaises, a fait le déplacement à Tianjin pour la rencontrer.

Mais le fond des choses est loin d’être réglé. Dans sa déclaration d’encouragement Yang Yi n’a en effet pas manqué de rappeler que si la politique indépendantiste du DPP n’était pas modifiée, « les relations avec le Parti Communiste Chinois seraient impossibles. »

Sun Yafu, n°2 du Bureau des Affaires taïwanaises a quant à lui souligné que le DDP n’avait pour l’instant donné aucun signe concret d’une évolution de sa politique indépendantiste. C’est bien ce qui préoccupe la direction du Parti qui tente d’adoucir son discours sans pour autant abandonner sa spécificité séparatiste et son image démocratique qui rallient sa base politique la plus ancienne et la plus fidèle.

Wu Yu Shan, Directeur de l’Institut des Sciences politiques de la célèbre Academia Sinica met l’accent sur ces contradictions au centre des doutes qui assaillent le Parti : « leur principal problème est de savoir comment ils arriveront à se construire une image crédible de négociateur avec le Continent sans reconnaître le Consensus de 1992 - sur l’existence d’une seule Chine -, dont Pékin fait la condition essentielle pour leur parler (…). Tant que les électeurs auront conscience de cet obstacle ils ne voteront pas pour le DPP, quelle que soit l’impopularité du KMT ».


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