›› Editorial
Quelques experts occidentaux confirment que la situation en Chine n’est pas comparable à celle des pays du Maghreb et du Monde Arabe. Jean-Louis Rocca, sociologue français travaillant depuis 10 ans à l’Université Qinghua sur l’étude de la classe moyenne, explique qu’il n’y a en Chine « ni désespoir, ni l’impression qu’on n’a pas d’avenir ».
C’est exact. S’il est vrai que les trente années de modernisation ont généré beaucoup d’effets pervers, elles ont aussi crée un élan d’optimisme et un dynamisme remarquables, dans un contexte où la réactivité du Parti tente sans relâche de s’ajuster aux exigences de la nouvelle société civile. En vingt ans, le niveau de vie et la qualité de l’environnement social des citadins, dont le nombre augmente très vite, se sont très considérablement améliorés.
Pour autant, il n’est pas possible de cantonner l’analyse à celle de la presse officielle qui, après le fiasco du 20 février, conclut à la capacité du Parti à réformer sans heurts la société chinoise, dont la qualité première serait la sagesse : « la majorité en Chine est convaincue que beaucoup de problèmes seront résolus par la voie normale et que les réformes progressives sont la solution la moins coûteuse vers le progrès » (le Global Times du 21 février). En dépit de ce discours lénifiant, un potentiel de tensions existe bel et bien.
Outre la crainte viscérale des désordres, héritée des périodes troublées du Maoïsme, la raison de l’indigence des rassemblements est d’abord à rechercher dans la capacité d’anticipation et dans l’efficacité de l’encadrement policier organisé par Zhou Yongkang, membre du Comité Permanent et responsable suprême de la sécurité publique. Ce dernier avait inventé le slogan des « Si Ge Zao » - les quatre célérités : « être informé et rendre compte rapidement ; contrôler et résoudre rapidement » - (voir à ce sujet notre article).
On ne peut pas non plus compter pour rien les dizaines de milliers de « manifestations de masse » qui témoignent d’importantes tensions sociales dans la société, et singulièrement dans les campagnes, dont le Parti, inquiet de la mauvaise publicité, a cessé de rendre compte.