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›› Editorial

En Floride, le théâtre d’ombres sino-américain évite les sujets qui fâchent

La lourde prévalence de la relation sino-américaine.

En janvier 2011, alors que les tensions entre Washington et Pékin s’exacerbaient depuis le milieu des années 2000, le stratège américain d’origine polonaise émancipé de son collègue d’origine allemande qui, un an plus tard, le traitera de « prostituée, sachant toujours se placer aux angles opposés de tous les arguments » [1], avait signé un article prémonitoire dans le New York Times, intitulé « Comment rester ami avec la Chine ? », publié en amont de la 6e visite du Président Hu Jintao aux États-Unis.

Tandis que se durcissaient les anciennes tensions stratégiques autour des rivalités nucléaires entre l’Inde et le Pakistan, le premier soutenu par la Maison Blanche, le deuxième par Pékin, alors que le champ de mines sur les questions commerciales, sur Taiwan, la Corée du Nord et la Mer de Chine du sud exerçait toujours de sérieuses pressions sur la relation sino-américaine, encore alourdies par les nationalismes aux États-Unis et en Chine, Brzezinski écrivait avec beaucoup d’idéalisme que l’un et l’autre devaient se persuader et affirmer publiquement que « la relation bilatérale dépassait les intérêts nationaux égoïstes de chacun et devait s’inscrire dans la “vision morale“ du XXIe siècle et de l’interdépendance planétaire de tous. »

Il concluait par cette phrase qui sonne comme un reproche anticipé à la campagne présidentielle très antichinoise de Trump : « Pour la stabilité à long terme de l’Asie, le pire serait l’escalade dans la diabolisation de l’autre, ou pire encore, la tentation d’exporter dans la relation ses problèmes internes ». Il ne fait pas de doute que Trump l’inconstant, aux prises chez lui avec les suspicions de sa proximité avec Moscou, a mis de l’eau dans son vin antichinois, tandis qu’à Pékin, le Bureau Politique qui sait très exactement ce qu’il veut, est sur une ligne homothétique de celle de Brzezinski.

Il reste les points d’achoppement que ni Rud l’Australien ni Zbigniew l’Américain passent sous silence.

Si Trump en a trop parlé, ce qui fut assurément excessif, le Parti Communiste les met aujourd’hui opportunément sous le boisseau, ce qui n’est pas beaucoup mieux. C’est qu’en amont du 19e Congrès, la ploutocratie chinoise occupée à une mise en scène politique à usage interne destinée à gommer les aspérités de la relation, ne peut les énoncer aussi clairement. C’est pourquoi Kevin Rud publié par un des premiers organes d’information du Régime, les dit à sa place.

En substance : « nous connaissons les tensions autour du commerce, de Taiwan, de la Corée du nord, et de la mer de Chine du sud, mais l’essentiel est que les deux têtes de l’exécutif maintiennent un canal et se parlent pour éviter un dérapage ».

*

Enfin, sur la grande arène stratégique mondiale où l’on voit bien qu’en coulisses se trament des intrigues et des machiavélismes qui nous échappent en partie, surnage une inconnue encore plus épaisse que les autres. Après le brutal tête-à-queue de Trump, que deviendra le triangle Moscou - Washington - Pékin alors que la Chine a soigneusement pris soin de se tenir à distance respectable de la colère de Vladimir Poutine contre la Maison Blanche. ?

Note(s) :

[1Pour la saveur de la petite histoire, Kissinger était furieux parce que, disait-il, Brzezinski prenait publiquement le contrepied de stratégies d’apaisement avec la Chine que le Polonais avait lui-même préconisées sous Carter.

Du coup, Kissinger l’avait traité de « total whore » (putain), who has been on every side of every argument. Ajoutant « Il a écrit un livre sur les relations apaisées avec la Chine « Peaceful engagement » (1965) et voilà qu’il nous accuse de faiblesse, parce que nous faisons ce qu’il conseillait ». Interrogé sur l’insulte, Brzezinski avait répondu, jouant sur la consonance proche de « Bore » et « Whore », « Kissinger is my friend, he must have said “bore“ ». Plus sérieusement ces querelles d’experts traduisent la bataille idéologique entre pro et antichinois aux États-Unis qui ne manquera de peser sur la suite de la présidence de Trump.


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Par Malvezin Le 15/04/2017 à 12h14

deux points majeurs manquants

Bonjour,
si votre papier veut résumer les grands dossiers passés en revue, il manque les plus importants :
 le « plan » sino-américain sur le réglement de la crise nord-coréenne
 le « moratoire » sino-américain sur le commerce, la finance mondiale et les hautes technologies
Cdt
LM

Par La Rédaction Le 19/04/2017 à 20h32

En Floride, le théâtre d’ombres sino-américain évite les sujets qui fâchent.

Merci de vos remarques. Il est vrai que l’inventaire des échanges entre Trump et Xi Jinping aurait gagné à être plus détaillé. Mais le but de l’article était ailleurs. Il s’agissait, pour nous de pointer du doigt 2 évidences :

1) Le contraste entre le style Trump émotionnel et extraverti et celui de Xi Jinping calibré et prudent pour qui la diplomatie du tweet est un contresens.

2) L’évacuation complète par les médias chinois officiels de la conjonction entre la présence de Xi Jinping en Floride et la frappe contre la Syrie, en opposition complète avec les principes chinois de non ingérence.

En arrière plan, deux occurrences importantes.

1) En période de préparation au Congrès, où la Chine est tournée sur elle-même, toute aspérité pouvant mettre le régime en porte à faux est oblitérée, d’où l’omerta complète sur les faits embarrassants.

2) Evoqué dans l’éditorial suivant à paraître, le fait que Moscou et Pékin ont, entre 2011 et 2014, opposé 4 veto au CS sur la question syrienne, ce qui, dans l’esprit du Pentagone, justifia une réaction unilatérale de l’Amérique.

Quant au plan sino-américain de règlement de la question coréenne, à notre connaissance, tout indique qu’il n’y en pas de sérieux. Le seul pouvant rallier l’approbation de Pékin étant la décision de Washington de négocier avec Pyongyang. Ce qui nécessiterait un nouveau contrepied de Trump, toujours possible, après celui sur Taiwan. A suivre donc.

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