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Par Stéphanie Balme
Dans la Chine des réformes économiques, les relations personnelles pèsent sur les équilibres au sommet de l’Etat. Grâce à une analyse en profondeur du rôle des « guanxi », Stéphanie Balme éclaire d’un jour nouveau la vie politique chinoise.
Même pour les observateurs les plus aguerris, les mécanismes du pouvoir chinois restent largement mystérieux. Certains ont développé des trésors d’interprétation pour donner un sens aux rares informations distillées par le gouvernement. Difficile dans ces conditions de savoir pourquoi tel cadre est promu et tel autre évincé, surtout quand l’impression dominante, c’est que rien ne change. A ceux que l’exégèse de la langue de bois laisse sur leur faim, Stéphanie Balme offre un regard neuf sur la politique chinoise. Elle s’appuie sur une analyse minutieuse des « guanxi », les relations personnelles, pour saisir quelques unes des règles subtiles en vigueur dans le cercle très fermé des dirigeants chinois.
« ENTRE SOI » fait partie de ces livres dont on se demande pourquoi ils n’ont pas été écrits plus tôt. Réponse : peut-être en raison de l’ampleur de la tâche. En effet, Stéphanie Balme a analysé le parcours de plus de deux mille responsables politiques qui se partagent depuis 1978 les postes au sommet de l’Etat. L’auteur a démêlé un à un les fils de relation tissés entre les détenteurs du pouvoir. Famille, province, université, expérience professionnelle, l’architecture de ces réseaux est complexe et bien souvent les groupes se superposent pour former une galaxie de personnages liés les uns aux autres par des liens ténus.
Cette démarche permet de répondre à des questions essentielles comme celle de savoir comment et pourquoi JIANG Zemin s’est hissé au sommet du parti-Etat, ou encore, quel est le rôle des fils des dignitaires du régime dans les réformes économiques. Le chercheur a dû éplucher des montagnes d’archives pour recomposer les biographies des dirigeants chinois et percer le mystère de leurs filiations souvent mystérieuses, parfois même ré-inventées. Ces études généalogiques aux dimensions bibliques sont parfois indigestes, surtout quand elles s’accompagnent de statistiques et de tableaux savants. Dans le maquis des « guanxi », le lecteur regrette parfois l’absence de schéma ou de répertoire des personnages cités.