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Formose trahie

Le choc des prédateurs. Chen Yi et Chiang Kai-shek responsables et complices.

Les espoirs que Formose accède à l’autonomie après 50 années du joug nippon s’étaient en effet fracassés contre les exigences stratégiques américaines qui pesèrent pour rendre à la Chine la terre taïwanaise abandonnée au Japon par la dynastie Qing en 1895. Mais la catastrophe perpétrée sur l’Ile par les troupes nationalistes est d’autant plus regrettable qu’elle constitue une formidable occasion manquée.

La population de Taïwan, que l’occupant japonais avait développée et modernisée avec méthode et rigueur, avait, pendant ce demi-siècle, été considérée avec condescendance par l’Empire nippon. Les Formosans attendaient donc le retour dans le giron chinois avec soulagement et optimisme, même si le niveau de l’Ile s’était, grâce aux Japonais, hissé très au-dessus de celui du Continent.

S’il existe un épisode tragique qui pèse comme une ombre néfaste sur l’histoire récente de l’Ile, c’est bien le soulèvement contre les Nationalistes du 28 février 1947, « 2-28 大屠殺 er - er ba da tusha, grand massacre du 28 février ».

Il fut suivi par la sanglante et cruelle répression indiscriminée, conduite tout au long du mois de mars, selon les ordres de Chiang, revenu à sa méthode cruelle de suppression pure et simple, qui fit, au hasard des tirs à la mitrailleuse sans sommation dans les rues de Taipei et de quelques autres centre urbains de l’Ile, entre 20 000 et 30 000 victimes.

La tuerie fut le prélude à une longue dictature sous l’égide d’une loi martiale imposée par le régime policier lourdement inquisiteur, qui ne fut complètement levée qu’en 1987, mise en place par le fils même du « Generalissimo », Jiang Jing-guo, formé en URSS.

Un personnage émerge d’abord, comme premier responsable de cette longue suite de pillages aveugles et brutaux qui mirent l’Ile à genoux sous la botte d’une armée nationaliste indisciplinée, dépenaillée et corrompue, c’est Chen Yi, le 1er gouverneur mis en place par Chiang Kai-shek.

Recommandée par le frère de Madame Chiang, T.V Song, diplômé de Harvard, tour à tour ministre des finances, des Affaires étrangères et Premier ministre, apparemment pour préserver les intérêts de la famille Song, la nomination de Chen Yi est décrite par Georges Kerr comme l’une des erreurs les plus significatives et des plus fatales commises par Chiang.

Personnage trouble, ayant une maîtresse japonaise en pleine guerre contre le Japon, capable d’incessants accommodements avec l’ennemi, moyennant finances et avantages personnels en retour, Chen Yi était un homme lige de Chiang. Il l’avait en effet aidé à se débarrasser des dangereux concurrents de la 19e armée de route qui s’était distinguée en opposant une résistance acharnée aux Japonais à Shanghai, mais que le « Generalissimo » avait démantelée, par crainte que ses officiers lui fassent de l’ombre.

A Taipei, Chen laissa libre cours à son talent de manipulation pour endormir la méfiance des habitants de l’Ile, biaiser les rapports qui mettaient en cause ses propres troupes indisciplinées, maquiller la cause des incidents dont ses soldats étaient directement et sans équivoque responsables, et blâmer tour à tour les Américains ou les communistes, accusés de saboter les intérêts chinois.

Ce qui lui laissa tout le loisir, à force de mensonges, d’égoïsmes, d’injustice et de trahisons, de mettre littéralement l’Ile à sac, au point que la production agricole, saccagée, désorganisée et détournée au profit de prédateurs sans scrupules, qui payaient le tribut à Chen, s’effondra.

L’autre figure qui ne sort pas grandie de ce long réquisitoire sans complaisance méticuleusement argumenté par des sources et citations de première main, est Chiang Kai-shek lui-même. Souvent présenté par certaines coteries aux Etats-Unis, comme un stratège de premier ordre, Chiang était surtout un tacticien cruel, manipulateur de talent, prince de l’opportunisme, sachant profiter des circonstances, qui sut, en grande partie grâce à la séduction de sa femme, Song Mei-lin, accréditer la fable hautement efficace dans l’Amérique de la guerre, en proie aux affres de l’anticommunisme, selon laquelle lui et son épouse, catholiques occidentalisés, représentaient l’avenir de la Chine, contre la barbarie des hordes maoïstes.

C’est en partie cette vision manichéenne et très simplifiée gratifiant le « Generalissimo » de pouvoirs très éloignés de ses capacités réelles qui, à partir de 1945, conduisit les Américains, à systématiquement appuyer l’idée d’un rattachement de Taïwan à la Chine, et même celle complètement irréaliste, d’une reconquête du Continent par les troupes nationalistes.


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Par Anonyme Le 5/01/2013 à 16h53

Formose trahie.

Afin qu’une étude historique de valeur ne soit point entachée par une erreur minime, il convient de rectifier ceci : Jiang Jie shi n’appartenait pas à l’eglise catholique mais à la dénomination méthodiste, (张老 会) tout comme son épouse d’ailleurs et le père de celle ci qui avant de revenir en Chine vendait des bibles aux USA. Vers la fin de sa vie, Jiang Jie shi, résidant à Taipeh ( Shilin) aimait réunir autour de lui un auditoire auquel il infligeait ses sermons religieux ( Jay Taylor. The generalissimo. Chiang Kai Shek and the struggle for modern China . Havard university press 2009)

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