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Guerre commerciale entre la Chine et Bruxelles

Inquiétude et colère chinoises. Cacophonie européenne.

En réalité aucun des deux grands partenaires n’est en position très favorable dans ce bras de fer qui risque, s’il s’aggravait, de provoquer quelques dégâts en Europe et en Chine. Les échauffourées surviennent en effet dans un contexte global difficile où la Chine et l’UE ont l’un et l’autre été secoués par la crise.

L’Europe est aujourd’hui économiquement en léthargie, politiquement affaiblie et divisée selon une ligne de fracture nord-sud, tandis que la Chine placée sous l’exigence de la modernisation de son schéma de croissance qui devra basculer vers plus de qualité, mesure à quel point la santé de sa machine économique dépend dangereusement de ses exportations, aujourd’hui en partie menacées par l’atonie européenne.

Dans ce contexte très imbriqué, la résurgence périodique des querelles est probable. Les pays de l’UE continueront d’accuser la Chine de dumping et de protectionnisme au profit de ses entreprises, tandis que Pékin ne cessera de se plaindre à Bruxelles et à Washington des obstacles (tarifaires ou non) opposés à ses exportations et à ses investissements. Dans le même temps, les efforts chinois pour monter en gamme qualitative grâce aux transferts attiseront les accusations contre la Chine de captations de technologies et de non respect de la propriété intellectuelle.

Il reste que l’UE et la Chine sont des partenaires commerciaux de premier rang, avec une valeur totale des échanges annuels à plus de 500 Mds d’€ - l’UE étant le partenaire n°1 de la Chine, qui est elle-même le 2e client de l’UE -.

Alors que l’éventail des relations dépasse largement la question de panneaux solaires et du vin et que Pékin a un intérêt stratégique et technologique majeur à favoriser les échanges autour de l’aéronautique et du nucléaire civil - secteurs où la France tient une place importante, tandis que Renault et PSA sont engagés dans projets majeurs dans la région de Wuhan -, on peut espérer que d’ici décembre 2013, un compromis sera trouvé et que la hache de guerre sera au moins provisoirement enterrée.

Chacun a donc intérêt à ne pas pousser trop loin le bras de fer, sans compter que l’UE très désunie n’a, pour l’heure, pas les moyens politiques d’une confrontation commerciale prolongée avec Pékin.

La querelle met en effet en évidence les assez graves dissensions au sein de l’UE sur les questions commerciales, dont l’acuité reflète les difficultés politiques de l’Union. En général, les pays de l’Europe du sud se déclarent plus favorables aux mesures protectionnistes, tandis qu’à l’inverse le Nord les dénonce, avec aujourd’hui, le Royaume Uni et l’Allemagne en première ligne des désaccords sur les sanctions.

Les critiques pointent du doigt l’incohérence d’une politique stigmatisant les subventions chinoises que l’UE a elle-même appliquées sous couvert de favoriser ses projets écologiques. Quoi qu’il en soit, et preuve de l’imbrication complexe générée par la globalisation, il est un fait que les représailles économiques contre les équipements solaires chinois, vendus entre 20 et 30% moins chers, aboutiront de manière contradictoire à alourdir considérablement les coûts dans un secteur que l’UE souhaite pourtant promouvoir.

Ce n’est pas non plus la moindre des incohérences que la controverse et les accusations de dumping chinois aient été en partie lancées par la société Solarworld AG, le n°1 allemand des panneaux solaires, tandis que la Chancelière allemande a, à plusieurs reprises, exprimé sa ferme opposition aux sanctions.

Berlin et Londres craignent aussi que la querelle n’affaiblisse leurs positions sur le marché chinois et ne heurte les projets d’investissements chinois en Europe, qui sont parfois un des éléments du sauvetage des sociétés industrielles affaiblies par la crise, quand les investisseurs traditionnels ont perdu confiance.

A la fin 2011, le stock de capitaux chinois au Royaume Uni avait déjà atteint 1,76 Mds de $ - chiffre qu’il faut cependant mettre en perspective puisqu’il est sans commune mesure avec le flux des investissements intra-européens ou venant des États-Unis -. L’impact des capitaux chinois en Europe reste en effet encore faible, avec seulement 359 investissements de nature privée ou semi-privée sur les 573 opérations conclues depuis 2000.

En valeur, ce sont d’ailleurs les investissements publics qui tiennent le haut du pavé, avec 72% du total des montants investis (soit 16 Mds d"€ entre 2000 et 2012, à comparer avec le flux de 40 à 50 Mds d’€, investi chaque année uniquement en France).

Mais le fait est que Londres a accueilli avec soulagement les projets de l’équipementier des télécoms Huawei d’investir 1,3 Mds de £ dans une nouvelle usine et ceux de la Holding financière chinoise ABP de s’engager dans la rénovation du complexe de bâtiments et d’entrepôts de l’Albert Docks à Liverpool.

Alors que David Cameron a – peut-être avec une emphase excessive, si on considère le poids relatif des investissements chinois - fait du rapprochement avec la Chine « une priorité personnelle » de sa stratégie de rétablissement économique, Berlin est depuis plusieurs années engagée de son côté dans une relation privilégiée avec Pékin.

Au point que, contrairement à la France, sa balance commerciale avec la Chine est équilibrée et les relations bilatérales au beau fixe. Lors du passage de Li Keqiang en Allemagne en mai dernier, Angela Merkel avait promis d’intercéder auprès de Bruxelles pour désamorcer la querelle. Tout indique que, d’ici décembre, Berlin pèsera pour faire annuler ou édulcorer les sanctions.

Mais surtout, l’Allemagne, tout à son redressement économique et à sa recherche de débouchés en Chine pour son appareil industriel, semble faire passer ses intérêts avant les priorités stratégiques de l’UE. La relation privilégiée Berlin – Pékin brouille les efforts de cohérence européenne et handicape encore plus la difficile marche vers l’intégration politique de l’UE. Il est probable qu’en décembre 2013 Berlin n’acceptera pas de se conformer à une discipline des sanctions contre la Chine.

Rien ne dit non plus que les 27 seront en mesure de définir une politique commune sur l’affaire des panneaux solaires. Ces discordances européennes placeraient Pékin en position de force, chaque membre de l’Union étant contraint de promouvoir isolément ses intérêts. C’est bien cette crainte qui a suscité l’initiative française du 5 juin 2013 demandant une réunion des 27 pour définir « une solidarité des points de vue » sur le négociations commerciales avec la Chine. Rien n’indique que Paris pourrait obtenir satisfaction.

Voir aussi notre article Chine – Allemagne – Europe. Le grand malentendu).

L’analyse des réactions des organes de presse européens et chinois donne, avec les déclarations officielles, une image des désaccords au sein de l’UE, en même temps qu’elle fournit quelques indications sur l’état d’esprit de la Chine qui balance entre inquiétude, colère et volonté de représailles.


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Par chineurop Le 8/07/2013 à 11h11

Guerre commerciale entre la Chine et Bruxelles.

La production des cellules photovoltaïques est un activité « low tech » qui ne se développent en Chine que grâce aux subventions européennes. Celles-ci coutant extrêmement chères seront tôt ou tard limitées (comme en France fin 2010). La Chine tente juste de négocier le naufrage prochain de ce pan de son industrie...

http://energie-developpement.blogspot.fr/2013/07/solaire-chine-europe-taxe-guerre-commerciale.html

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